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de guerre ouverte, on raffermit un grand peuple flottant qui se fût laissé ébranler, mais qui, voyant le papisme déclaré l'ennemi de la patrie, s'en écarta décidément. La religion de l'intolérance ne fut plus tolérée (que dans la conscience). L'État lui ôta l'arme dont elle aurait frappé l'État.

La chose était si nécessaire, que lord Bristol, un catholique, mais, avant tout, loyal Anglais, déclara que le pays était perdu sans cette mesure contre les catholiques. Le Parlement admira cette franchise et le dispensa du serment.

CHAPITRE XIV.

L'Autriche et l'Espagne défendent les protestants. Mort de Turenne. 1674-1675.

En suivant attentivement les négociations de Louis XIV dans les lumineuses publications de M. Mignet et dans les nombreux auteurs qui de nos jours ont pris plaisir à nous expliquer ces œuvres de ruse, je suis obligé, je l'avoue, de porter un jugement directement contraire au leur. Ils en admirent l'habileté. Moi, quelque effort que je fasse, il m'est impossible d'y voir autre chose qu'un incroyable aveuglement, une étrange ineptie qui travaille contre elle-même.

Comment se fait-il que seul ici je me voie en désaccord avec tous? Ils ont admiré, en artistes, la dextérité du détail. Moi, je regarde, en politique, l'inconséquence générale des actes et leurs funestes résultats.

La fortune fit tout pour lui. Il fit tout contre la fortune. On a vu, d'abord en Hollande, la partialité obstinée de M. de Witt pour la France, et la violence barbare par laquelle le roi même ruina le parti français, créa, grandit son ennemi, le prince d'Orange. Même spectacle en Angleterre, et même encore dans l'Empire. Il y détruisit ce qui pouvait l'appuyer.

Du côté de l'Empereur, les jésuites avaient rendu à Louis XIV un service signalé. En janvier 1672, c'est-à-dire au moment même où il commençait la guerre, ils paralysèrent l'Autriche et la rendirent incapable d'y prendre une part sérieuse. De l'oppression politique qu'elle exerçait sur la Hongrie ils firent une cruelle persécution religieuse. Jusque-là, le ministre dirigeant, Lobkowitz, destructeur des libertés de ce pays, avait procédé par la ruine et l'exécution des grands. Mais, à ce moment, les jésuites ouvrirent une croisade contre le peuple, contre les masses protestantes. Le 2 janvier, commencèrent les dragonnades autrichiennes, missions armées où ces Pères, menant avec eux les soldats, entreprirent de violenter le plus fier des peuples. Ils surprenaient, enveloppaient à la turque chaque hameau, et brusquement convertissaient le Hongrois qui voyait sa femme, ses enfants sous le fusil.

Qui a raconté le détail de tout cela? leurs

ennemis? » Point du tout. Ils n'ont cédé à personne l'honneur de consacrer le souvenir de leurs exploits à la postérité. Le chaleureux, mais savant et exact auteur du Cabinet Autrichien, Michiels, cite les bonnes et pures sources jésuitiques où il a puisé; grâce aux livres des exécuteurs, grâce aux lettres de Léopold, nous savons les petits moyens qui opérèrent ces œuvres pies. Des ministres brûlés vifs à feu lent, des femmes empalées au fer rouge, des troupeaux d'hommes vendus aux galères turques et vénitiennes, voilà ce qui fit le miracle. Les Hongrois trouvèrent ces arguments des jésuites irrésistibles. Tout ce qui ne s'enfuit pas du pays fut

touché et sentit la Grâce.

Les troupes de Léopold étant occupées dans une affaire si louable, le roi de France devait, à tout prix, éviter de l'en tirer, ne pas irriter l'Allemagne. S'il était forcé d'y entrer par l'agression du Brandebourg, il ne devait le faire qu'avec d'extrêmes ménagements; il devait surtout nourrir son armée. Mais la cruelle destruction de la Westphalie par Turenne (1672), la surprise que le roi en personne fit de Colmar et autres villes impériales (1673), terrifièrent les Allemands; ils coururent à Vienne, accusèrent le ministre, ami de la France. Les jésuites le sacrifièrent et restèrent seuls maîtres; s'ils continuèrent en Hon

grie leur grande œuvre religieuse, ils furent forcés en Allemagne de s'accommoder au temps, d'armer contre le roi de France. Admirable habileté de celui-ci, qui réussit à jeter dans l'alliance protestante le gouvernement des jésuites!

Les circonstances, en Angleterre, l'avaient favorisé de même, et de même il eut l'adresse de la tourner contre lui. Ce qu'il eût dû le plus ménager en ce monde, c'était Charles II. Le hasard, l'exil, Henriette, l'échafaud de Charles 1er et le couvent de Chaillot, avaient fait un roi exprès, vrai Français, faux protestant, sincère ami de l'étranger, léger de cœur, si vous voulez, mais non pas dans la trahison. Il fallait que le roi de France économisât cet homme si précieux, n'en abusât pas, ne le déshonorât pas, ne le fìt pas trop tôt connaître. Les grands politiques italiens auraient bien autrement mûri, caressé le complot.

Le bonheur du roi voulait que Charles II eût d'abord pour ministre Clarendon (beau-père du duc d'York, futur chef des catholiques). Mais le roi tua Clarendon par le rachat de Dunkerque, qui révéla Charles II. Pour raccommoder cela, le bonheur du roi veut encore qu'il puisse endormir l'Angleterre, envoyant deux fois comme ambassadeur l'homme de nos protestants français, le député général de leurs églises, Ruvigny, le beau

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