Images de page
PDF
ePub

Même sous le système administratif actuel, les conseils d'arrondissement sont une superfétation; le travail de sous-répartition d'impôts dont on les charge pourrait être attribué, sans le moindre inconvénient, au conseil général.

Quant aux préfets, la proposition de se passer désormais de ces importants personnages paraîtra sans doute bien paradoxale; mais on s'en passe dans presque tous les autres États, et en vérité, sous un régime administratif libéral et rationnel, nous ne trouverions à leur attribuer aucune mission utile. On a vu que, dans le système actuel, ils sont en quelque sorte les chefs des diverses régies gouvernementales dans les départements, ayant une surveillance purement nominale, et un contrôle tout aussi peu effectif, sur les services financiers, judiciaires, militaires, sur les travaux publics, les cultes, l'enseignement, etc. Nous pouvons considérer ces deux derniers services comme hors de question, puisque selon nos propositions ils devraient être rendus à la liberté; quant aux autres, leur organisation hiérarchique admet assez de directeurs, de vérificateurs, d'inspecteurs, etc., pour que l'autorité centrale n'ait aucun besoin de charger les préfets d'en asssurer la marche régulière, condition à laquelle leur intervention de pure forme ne concourt d'ailleurs nullement. Ces mêmes fonctionnaires principaux des diverses branches de l'administration générale, dans les départements, suffiraient en outre amplement, pour fournir à l'autorité centrale tous les renseignements statistiques et autres dont elle peut avoir besoin. Quant à l'action politique des préfets, et spécialement à l'influence qu'ils exercent sur les élections, elle est inconciliable avec des institutions libérales; car, au point de vue de l'intérêt commun ou de la justice, l'objet le plus important des élections politiques est de constituer des garanties contre les abus du pouvoir gouvernemental, et si ce pouvoir s'efforce et vient à bout de les déterminer lui-même, il est bien évident qu'elles ne sauraient plus constituer que des garanties dérisoires.

Enfin, l'action attribuée aux préfets sur les gestions d'intérêts collectifs communaux et départementaux est, entre leurs mains, aussi mal placée que possible : étrangers et indifférents à ces intérêts locaux qu'ils viennent diriger passagèrement, préoc

cupés de tous autres objets, et de leur mission politique surtout, parce qu'elle est plus intimement liée à leur avancement et à la satisfaction de leur ambition, leur intervention dans les gestions dont il s'agit, a rarement produit une utilité assignable, tandis qu'elle s'est souvent montrée fort nuisible.

Ce sont les préfets, par exemple, qui, depuis quinze à seize ans, secondant avec un zèle outré des vues systématiques du gouvernement, ont engagé la plupart des villes importantes dans des voies ruineuses, en excitant les administrations locales qu'ils avaient fait élire ou instituer, aux démolitions et reconstructions de quartiers, aux créations monumentales, et à tous les autres emplois improductifs de ressources qu'elles ont pu accomplir à force d'impôts et d'emprunts.

Ainsi, les préfets ne peuvent guère être utiles à l'autorité centrale que dans les applications les plus contestables de son pouvoir, et ils sont beaucoup plus nuisibles qu'utiles aux intérêts des communes et des départements: l'intérêt social serait donc bien servi par la suppression de cette fonction, et de l'office auxiliaire de sous-préfet.

Il ne resterait dès lors, de toute l'organisation administrative actuelle du département, que le conseil général, dénomination qu'à notre avis il conviendrait de remplacer par celle de conseil départemental.

Ici, nous nous bornerons à formuler une série de propositions, sans les motiver, espérant que leurs motifs ressortiront assez des propositions elles-mêmes, ou de nos précédentes observations.

Ce conseil serait élu, comme ceux des communes, par les citoyens payant la contribution personnelle, pour une durée déterminée, et il serait renouvelable par moitié vers le milieu de cette durée. Il aurait chaque année quatre sessions ordinaires, dont la durée ne serait pas légalement limitée et pourrait se prolonger ainsi qu'il le jugerait nécessaire. Il pourrait, en outre, être convoqué extraordinairement, par son président, dans l'intervalle des sessions ordinaires.

La nomination d'un membre au moins serait attribuée à chaque canton, et comme la population des cantons est fort

inégale, et qu'il convient de rendre la représentation cantonnale proportionnelle à cette population, on ferait une moyenne, en divisant la population générale par le nombre des cantons, dont chacun en particulier aurait à élire autant de membres du conseil départemental que le chiffre de sa population comprendrait de fois cette moyenne, en ajoutant un membre de plus pour toute fraction de celle-ci dépassant la moitié.

Le conseil départemental présenterait à l'autorité centrale trois candidats, pris dans son sein, pour la nomination de son président.

Ce fonctionnaire serait chargé de l'exécution de toutes les décisions du conseil; il aurait l'administration proprement dite,

[ocr errors]

la gestion des affaires départementales, - la révision et le contrôle des actes des municipalités, la mission de transmettre à celles-ci toutes les instructions nécessaires pour la régularité de leur gestion, et pour leur concours à l'exécution des lois générales, en se conformant, sur ce dernier point, aux directions de l'autorite centrale. Il recevrait un traitement et une allocation pour frais de bureaux et d'administration, inscrits au budget du département, et il pourrait conserver ses fonctions aussi longtemps qu'il resterait membre du conseil départemental, à moins qu'une majorité des deux tiers de ce conseil ne demandât son remplacement.

On pourrait laisser dans les attributions de ces administrations: 1° les routes départementales et les chemins de grande communication, aussi longtemps du moins que l'opinion générale n'aurait pas reconnu que le système des routes à péage, fondées et conservées par des entreprises particulières, est préférable, et devrait être adopté pour la création des voies nouvelles et l'entretien des anciennes; 2° la dépense et la surveil lance de certaines assistances spéciales, telles que celles des aliénés indigents, des enfants abandonnés, des incurables, infirmes et vieillards incapables de travail et privés de fait de tout autre secours ou recours efficace, tout au moins jusqu'à ce que les développements et les progrès de l'assistance libre, de la charité privée, aient pu mettre à l'abri du délaissement tous ces infortunés, sans qu'il y ait nécessité de recourir à aucune institution régie par l'autorité; 3° enfin, tous les travaux, toutes

les fondations d'une utilité collective bien constatée et bien reconnue, s'étendant soit à tout le département, soit à des circonscriptions comprenant un plus ou moins grand nombre de communes, et qui ne seraient nullement de nature à faire l'objet d'entreprises privées. Lorsque le bénéfice de ces créations ne devrait pas s'étendre au département entier, la dépense en serait répartie par le conseil départemental, et sur les propositions de son président, entre les communes intéressées, qui toutes auraient dû être préalablement consultées.

Ces attributions ne s'étendraient plus aux services des cultes et de l'enseignement, rendus à la liberté; elles cesseraient également de s'étendre à l'entretien ou aux reconstructions des édifices affectés aux cours et tribunaux, au casernement de la gendarmerie et aux prisons, ni à aucune dépense des services auxquels ils sont destinés. Ce sont là des frais généraux de justice qui, en bonne et équitable règle, doivent figurer au budget de l'État et non à ceux des départements.

Ce conseil départemental délibérerait sur tous les objets se rattachant aux attributions conservées, sur les budgets et comptes qui lui seraient présentés par son président; sur les acquisitions, ventes, échanges, emprunts, instances judiciaires ou transactions intéressant le département; sur les arrêtés du président portant règlements permanents relatifs aux cours d'eau ou rivières non navigables ni flottables, aux routes ou chemins départementaux, à la comptabilité communale, ou à d'autres objets rentrant dans ses attributions, arrêtés qui, .préalablement, devraient, comme ceux des maires, être soumis à une enquête; enfin, sur les délibérations municipales ayant pour objet des divisions ou réunions de communes, des emprunts, de nouveaux impôts communaux ou toute augmentation d'impôts déjà autorisés; sur les budgets des villes ayant au moins cent mille francs de revenus, et sur les actes des corps municipaux qui, ainsi que nous allons l'expliquer, lui seraient soumis, ensuite de refus d'approbation du président.

Toutes les autres délibérations municipales, les budgets communaux n'atteignant pas cent mille francs de recettes ordinaires, les comptes annuels des receveurs municipaux, les

arrêtés du maire portant règlement permanent, seraient exécutoires ou sanctionnés moyennant la seule approbation du président du conseil départemental; tout refus d'approbation devrait être motivé, et en cas d'insistance de la part de la municipalité, le conseil départemental serait saisi de la question, lors de sa plus prochaine session, et en déciderait à la majorité des voix, c'est-à-dire, qu'il maintiendrait le refus d'approbation, qu rendrait exécutoire ou valide, par sa propre sanction, l'acte qui en aurait été l'objet.

Il serait pourvu aux dépenses départementales au moyen des revenus propres à chaque département, des contingents à imposer aux communes dans une partie de ces dépenses, et de ⚫ centimes additionnels au principal des contributions directes. Le budget départemental, le compte annuel, les délibérations sur les emprunts, les impôts nouveaux ou les augmentations d'impôts destinés aux besoins de la circonscription, et les arrêtés du président portant règlement permanent, seraient subordonnés à l'approbation de l'autorité centrale.

L'avis d'un comité consultatif, composé d'avocats ou de jurisconsultes, et institué au chef-lieu par le président du conseil départemental, devrait être joint par celui-ci aux arrêtés réglementaires qu'il soumettrait à l'approbation de l'autorité centrale, aux propositions d'instances judiciaires qu'il aurait à présenter au conseil départemental, et à ses propres décisions sur les arrêtés réglementaires des maires, et sur les délibérations des conseils municipaux ayant pour objet des actions à introduire ou à soutenir en justice.

Toutes ces dispositions seraient sanctionnées, et complétée ou corrigées au besoin, mais dans le même sens général, par une loi sur les administrations départementales.

Malgré la brièveté de nos indications ou propositions sur les réformes à apporter au régime actuel de nos administrations communales et départementales, on peut reconnaître que la réalisation de ces réformes ne saurait compromettre en rien l'unité et la force du gouvernement, en tant que celui-ci se renfermerait dans sa mission légitime; qu'elles rendraient aux populations la liberté de gestion de leurs intérêts collectifs de localité, tout en assurant à cette gestion une régularité et un

« PrécédentContinuer »