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tous qui se prête le plus facilement à l'absorption progressive, par les dépenses gouvernementales, des ressources générales du pays.

Vers la fin du dernier siècle, et au commencement de celui-ci, notre budget de l'État ne dépassait guère, soit en recette, soit en dépense, 500 millions de francs; dans les dernières années de la Restauration il atteignait un milliard, et vers la fin de la monarchie de 1830 il était arrivé à un milliard et demi. Voici quelle a été sa progression de 1852 à 1862, sans y comprendre les recettes et dépenses extraordinaires.

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TOTAL des Recettes ordinaires. 1.291.911.840 (6) 1.938.236.665

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(b) Ce budget comprenait des recettes nouvelles, évaluées à 87,642,966 et qui depuis ont été modifiées.

Ces chiffres sont extraits de l'Annuaire de l'économie politique et de la statistique. qui paraît depuis 1844.

TOTAL des dépenses ordinaires. 1.384.329.562 1.902.534.031

Il résulterait de ce tableau que, dans les onze années comprises de 1852 à 1862, nos dépenses publiques ordinaires se sont accrues de plus de 518 millions de franes. Elles arrivent aujourd'hui, d'après le budget de 1866, à fr. 2,074,125,732, savoir:

1,691,321,614 à titre ordinaire.

149,718,800 >> extraordinaire.
233,085,318 sur ressources spéciales.

Ce sont bien là des dépenses ordinaires, malgré la diversité

des titres; car elles se reproduisent tous les ans avec quelques variantes, et, en général, il n'y a guère lieu de considérer comme réellement extraordinaires, que celles occasionnées par les guerres et couvertes au moyen d'emprunts. Ces dernières dépenses se sont produites sur une large échelle pendant la période de 1852 à 1862; aussi le capital de notre dette fondée qui, en 1852, était de 5 milliards 516 millions de francs, atteignait-il, au 1er janvier 1865, le chiffre de 13 milliards 26 millions, indépendamment d'une dette flottante montant, à la même date, à 1,074,152,488 francs.

Un aussi énorme accroissement du capital de notre dette, accompli en moins de treize années, n'est pas uniquement dû aux emprunts contractés pour les guerres de Crimée, d'Italie et autres; il est imputable, pour une part considérable, à la conversion des rentes à 5 et à 4 et demi pour cent, en rentes à 3 pour cent, opérations par lesquelles on a réduit la somme de rentes que nous aurions eu à servir annuellement pour notre dette, en augmentant de plus d'un tiers le capital nominal primitif dont l'État s'était reconnu débiteur; en sorte que l'avantage de la réduction de la rente se trouve acheté par une formidable aggravation des charges que la nation devra supporter pour le remboursement de ses emprunts, si, contrairement à l'avis des plus écoutés de nos grands financiers officiels, et conformément à la loyauté et au sens commun, elle reconnaît un jour que, moralement et économiquement, il lui importe d'amortir, ou tout au moins d'alléger considérablement sa dette. Voici comment se composait celle-ci au 1er janvier 1865:

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14,100,663, 101 f..

Dette flottante (Bons du Trésor, consi

gnations, etc......

TOTAL du capital nominal de la dette....

En troisième lieu, enfin, les impôts par lesquels il est pourvu

Tous ces chiffres sont extraits de l'Annuaire pour 1866, p. 12 à 45.

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au paiement de l'intérêt annuel de la dette, et à toutes nos autres dépenses gouvernementales, offrent dans leur assiette, leur répartition et leur perception, des vices et des inconvénients graves et nombreux, qui, sans être pires, peut-être, que ceux manifestés par d'autres systèmes d'impôts en vigueur en Europe, sont tels, néanmoins, qu'on ne saurait raisonnablement soutenir, qu'en somme, un semblable régime de contributions soit enviable pour aucun des États avancés en civilisation.

Adam Smith a formulé au sujet des impôts, et avec sa sagacité habituelle, un petit nombre de règles théoriques, généralement admises aujourd'hui comme devant être observées le plus possible, mais dont les impôts existants ne s'écartent pas moins, tout autant que s'ils eussent été établis sans aucune connaissance ou préoccupation de ces règles.

<< Premièrement, dit-il, tous les citoyens d'un État doivent » contribuer à l'impôt dans la proportion la plus juste possible » avec leurs facultés respectives, c'est-à-dire la plus exacte» ment mesurée sur le revenu dont chacun d'eux jouit sous la » protection du gouvernement. Les dépenses gouvernemen>> tales sont, aux individus d'une nation, ce que les frais d'ad» ministration d'un grand établissement sont aux co-proprié>> taires (ou actionnaires) de cet établissement, chacun de ces » derniers étant tenu de supporter une part des frais propor»tionnelle à l'importance des intérêts qu'il a dans l'entreprise. » C'est en se conformant à cette maxime, ou en la violant, » qu'on entre dans ce que j'appelle l'égalité ou l'inégalité » d'imposition.

» Deuxièmement, la quotité d'impôts demandée à chacun » doit toujours être déterminée d'après des bases certaines. » Le temps du paiement, la somme à payer, la manière de » s'en libérer, tout doit être clair et précis pour le contri» buable, ainsi que pour toute autre personne. Là où il en est >> autrement, les, impôts sont plus ou moins livrés à l'arbitraire, » ou à la discrétion du collecteur.

>> Troisièmement, toute taxe doit être levée dans le temps et » de la manière qui conviennent le mieux aux imposés.

» Quatrièmement, l'impôt doit être combiné ou organisé de » manière à n'être que le moins possible, plus préjudiciable aux

>> contribuables qu'il n'est productif pour le trésor public. » Smith explique au sujet de cette règle que la condition d'aggravation de l'impôt qu'il s'agit d'éviter peut résulter, nonseulement d'une trop forte proportion des frais de la perception, mais de la gêne et des entraves que celle-ci peut apporter dans les travaux utiles, de l'inquisition et des tracasseries qu'elle peut imposer aux contribuables, de l'excitation que des taxes mal conçues peuvent donner à la fraude ou à la contrebande, et des habitudes de lutte contre la loi, des désastres et des condamnations ruineuses qui en sont la suite 1.

Ces règles sont assurément fort judicieuses, mais jusqu'ici, elles sont généralement restées à l'état de pure théorie, même sur les points où l'on a fait des tentatives sérieuses pour s'en rapprocher; il nous suffira pour justifier cette assertion, d'un coup d'œil rapide sur l'ensemble du régime des contributions de la France.

Si la règle de proportionnalité peut être observée dans les taxes, il semblerait que ce dût être surtout à l'égard de l'impôt foncier, établi sur les terres et les bâtiments. La valeur ou le revenu de ces immeubles peuvent facilement être reconnus, par les contrats de vente, les baux, la notoriété publique dans chaque localité, et en faisant procéder régulièrement et uniformément, sur tous les points du pays, à la mensuration et à l'évaluation de ces propriétés, on a cru pouvoir arriver à une proportionnalité générale de l'impôt, sinon rigoureuse, du moins très-approximative. C'est dans ce but que le cadastre fut entrepris chez nous, dès 1808; mais cette opération, qui a coûté près de deux cents millions de francs, n'a pas donné les résultats que l'on en attendait; elle se trouva, vers 1820, assez avancée pour engager le gouvernement à se préoccuper de son application; mais on reconnut alors que, malgré toutes les précautions prises, la proportionnalité des évaluations cadastrales d'une localité à l'autre n'avait pu être obtenue, — que l'application de ces évaluations à la rectification des contingents départementaux déjà établis, entraînerait d'énormes changements dans ces contingents, et par suite, dans ceux

↑ Richesse des nations, livre V, chapitre 11, section 2.

des arrondissements et des communes, sans que l'on pût motiver de tels changements autrement que sur de nouvelles évaluations reconnues défectueuses; on dut donc y renoncer, et une loi du 31 juillet 1821 décida que les évaluations cadastrales ne serviraient qu'à la répartition individuelle du contingent assigné à chaque commune, par les anciennes répartitions générales, basées elles mêmes sur une répartition entre les départements, opérée en 1790 par l'Assemblée constituante, et rectifiée par les dégrèvements successivement accordés aux départements qui avaient été le plus surchargés.

Depuis, les contingents départementaux n'ont guère été modifiés dans leurs rapports entre eux, que par les effets d'une loi du 17 août 1835, prescrivant d'y ajouter l'impôt afférent aux constructions nouvelles et d'en retrancher celui appliqué aux bâtiments démolis.

Ainsi, les opérations cadastrales n'ont pu amener une proportionnalité réelle de l'impôt foncier sur tous les points du territoire; mais ces opérations ont duré quarante ans, et alors même qu'elles auraient donné des évaluations irréprochables au moment où elles ont été faites, leur proportionnalité d'un lieu à l'autre n'aurait pu se maintenir au delà d'un petit nombre d'années, par suite des changements, souvent considérables et rapides, que l'ensemble du mouvement social ne cesse d'apporter dans la situation relative des diverses localités. Le maintien constant d'une égalité générale de l'impôt dont il s'agit n'est donc pas possible, à moins de révisions continuelles qui entraîneraient d'énormes dépenses.

D'après une note fournie par l'administration des contributions directes, en 1855, et citée par M. de Parieu, auteur d'un savant ouvrage sur les impôts, la proportion de l'impôt sur les terres avec le revenu net varie, relativement aux contingents départementaux, entre les termes extrêmes de 3.74 et 9.07.

Une autre inégalité considérable de l'impôt foncier résulte de ce que, dans sa perception, il n'est pas tenu compte au contribuable des dettes hypothécaires qui grèvent les immeubles inscrits sous son nom, et en absorbent plus ou moins les revenus. On répond à cela que l'impôt foncier porte sur les immeubles, quels qu'en soient les propriétaires. Si c'est là,

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