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quoique le passage dû à un fonds enclavé soit une servitude de nécessité, établie par la seule force de la loi et qui se peut constituer sur un fonds de sa nature inaliénable, néanmoins elle ne se prescrivait pas sur un fonds dotal, si ce fonds ne formait pas le trajet le plus court pour arriver à la voie publique.

Ce que le juge de paix doit examiner.

Le juge de paix n'étant pas compétent pour fixer l'indemnité, ni pour statuer sur sa prescription, il n'a pas à se préoccuper de ces questions pour maintenir au possessoire l'enclavé qui exerce, depuis plus d'un an, un passage tel que le veut la loi.

Enclave déniée. Sa vérification.

Quand sur l'action possessoire du propriétaire enclavé le voisin, dont le fonds est dans la position légale pour servir au passage, dénie l'enclave, le juge de paix doit vérifier le fait. Car, sans enclave, la possession annale d'un passage sans titre n'est que précaire et abusive.

Mais il peut arriver que le fonds soit enclavé, quoique ayant une issue sur la voie publique, lorsque cette issue est d'un trop difficile accès. Il faut donc examiner si l'issue ou passage existant est impraticable. Tel est le terme employé dans plusieurs arrêts, d'après lesquels un fonds n'est réputé enclavé que lorsqu'il y a impossibilité de passer par aucun endroit public.

Lorsque l'enclave est déniée par l'allégation de l'existence d'un chemin ou autre passage dont la viabilité est douteuse, ou lorsque le propriétaire que l'on veut asservir conteste que son fonds offre le passage le plus naturel, le juge de paix ne statuant qu'au possessoire,

ne peut pas fixer l'assiette définitive du passage. S'il n'accorde pas les parties, il doit les renvoyer aux juges du pétitoire. Il ne doit maintenir possessoirement le propriétaire qui se prétend enclavé que lorsque la nécessité du passage est évidente, que le passage est exercé dans un endroit convenable, et que la position des lieux et les témoignages produits en établissent bien la possession.

Quoique le juge de paix n'ait pas le pouvoir de fixer ni l'assiette définitive du passage, ni l'indemnité, ni de statuer sur la prescription du droit, il doit prendre en considération au possessoire, s'il apparaît ou n'apparaît pas que le passage soit pris conformément aux articles 683 et 684 du code, du côté le plus court et le moins dommageable, en même temps que d'un accès possible. C'est seulement dans ces conditions que le passage en cas d'enclave est prescriptible.

Nous ne pouvons pas partager l'avis de M. Pardessus qui estime que le juge de paix n'est pas compétent pour vérifier la nécessité du passage.

Apprécier cette nécessité n'est autre chose que vérifier le fait d'enclave, d'où dérive la servitude légale de passage, fondement de l'action possessoire. En effet, il n'y a pas d'enclave, il n'y a pas de possession utile si l'on peut prendre ailleurs un passage plus naturel que celui réclamé. Il faut donc le vérifier.

Double passage.

Un propriétaire n'a pas le droit, sous prétexte d'enclave, de pratiquer plusieurs passages à la fois pour le même fonds. La Cour de Lyon a décidé, le 29 décembre 1855, que l'indemnité de passage, en cas d'enclave, ne

se prescrit pas si le propriétaire enclavé passe sur plusieurs fonds à la fois au lieu de passer toujours sur le même. C'est dans ce dernier cas seulement qu'il possède animo domini.

Tribunal qui fixe l'indemnité de passago.

L'indemnité en raison du passage obligatoire ne peut être demandée ou offerte que devant les tribunaux. Elle est basée sur la valeur du sol grévé et proportionnée au préjudice qu'occasionne le passage.

Action de l'enclavé contre son vendeur ou co-partageant.

Quelquefois le propriétaire enclavé a droit de récla mer un passage sur un autre fonds que celui qu'il prétend gréver. Il n'aurait pas sur celui-ci une possession de passage nécessaire s'il avait le droit de passer sur un autre fonds voisin.

« Il semblerait juste, dit M. Pardessus, que celui qui << se trouve avoir besoin de passage s'adressât de pré« férence, soit à ses co-partageants si le terrain enclavé <«<lui provenait d'un partage, soit à son vendeur, soit « à son donateur, soit aux héritiers de celui qui le lui <«< aurait donné ou légué. Car il n'est pas douteux, << suivant les principes consacrés par le code, que la << transmission d'un fonds, à l'un de ces titres, n'en<< traîne l'obligation d'assurer un passage pour y par«< venir.» (Traité des servitudes, no 219).

Si le débat s'établit sur ce point, le juge de paix, à défaut d'arrangement par ses soins, doit renvoyer aux juges compétents une question qui ne peut être décidée que par des interprétations de titres. Toutefois, nous pensons qu'il peut alors maintenir provisoirement dans la

possession annale d'un passage indispensable, pratiqué en un lieu convenable.

Construction sur un fonds enclavé.

Le propriétaire d'un fonds fournissant passage à celui enclavé pourrait-il intenter l'action possessoire de dénonciation de nouvel œuvre dans le cas où le propriétaire du fonds enclavé y élèverait des bâtiments d'habitation augmentant la servitude de passage?

Peut-on prohiber ces constructions en vertu de l'article 702 du Code Napoléon, qui défend de faire dans le fonds à qui est due une servitude aucun changement aggravant la condition du fonds qui la doit?

Cet article n'est pas applicable à la servitude d'un passage établi pour jouir pleinement du fonds enclavé.

Lorsqu'il n'existe pas de titre prohibitif de constructions sur l'héritage auquel le passage est fourni et que l'intérêt public ne le défend pas, ce serait paralyser la propriété que d'empêcher l'exercice du droit de construire qui lui est inhérent.

Mais si l'indemnité de passage payée par le propriétaire enclavé avait été calculée primitivement en vue d'un passage pour la culture seulement, et si, par la suite, des maisons d'habitation venaient aggraver cette servitude de passage, il pourrait y avoir lieu de demander devant les tribunaux un supplément d'indemnité.

Toutefois, la prolongation du passage pendant trente ans, faisant acquérir la libération de l'indemnité et la servitude même de passage, il semblerait que dans ce cas l'indemnité serait censée avoir, dès le principe, été payée pour tous usages et qu'un supplément ne serait pas dû.

Il a été jugé que des constructions ou agrandissements de bâtiments, quoique augmentant le nombre des personnes qui usent d'un passage, ne devaient pas être considérés comme une aggravation nuisible de servitude.

Cessation d'enclave.

Peut-on conserver les droits de propriétaire enclavé, c'est-à-dire le passage acquis par la prescription ou par le paiement d'une indemnité, lorsque l'on est devenu propriétaire d'un autre fonds au moyen duquel l'enclave a cessé ?

Cette question ne peut, comme beaucoup d'autres, être résolue que par les circonstances de chaque espèce : l'intérêt de l'agriculture et les considérations tirées du mobile de la partie qui se plaint, de la position des lieux et de l'expérience pratique.

Nous croyons que le passage obligatoire, en raison d'enclave, devrait être regardé comme une servitude accidentelle s'éteignant avec la cause qui l'a fait naître. Toute servitude est une charge, une situation exceptionnelle à restreindre dans les limites des stipulations du contrat, des intentions des parties ou des exigences de la position des lieux et de la stricte nécessité dont elle dérive. Le législateur qui permet que le siége d'une servitude nécessaire, mais trop onéreuse, puisse en certains cas être déplacé (701), n'entend pas imposer à perpétuité une servitude devenue inutile. L'enclave n'existant plus, la servitude devient simplement discontinue, précaire, non prescriptible. La force majeure, cause de la servitude de passage, venant à cesser, la servitude prend nécessairement fin. Si une indemnité avait été payée, elle serait conséquemment remboursable.

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