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un autre point de son canton? Et cette gravité digne et soutenue que comporte la justice répressive, n'exclutelle pas l'abord ouvert et tout paternel, indispensable pour gagner la confiance sympathique des plaideurs qu'il s'agit d'accorder ?

On ne peut se dissimuler que les lois postérieures à 1790 ont modifié considérablement, sinon détruit, le caractère primitif du juge de paix, que le citoyen conciliateur, assisté dans l'origine de deux notables du lieu, est aujourd'hui un magistrat jurisconsulte, un véritable juge, et un officier actif du ministère public.

Pourtant les législateurs ont continué à ne l'envisager, avec ses nouvelles charges, que tel qu'il était originairement. La loi du 13 décembre 1799 dit encore que sa principale fonction consiste à concilier les parties...

La loi du 20 mars 1801 fit une innovation diversement jugée. Elle supprima les assesseurs et ordonna que le juge de paix remplirait seul les fonctions judiciaires et de conciliation, lesquelles en cas de maladie, absence ou autre empêchement, seraient remplies par un suppléant; qu'à cet effet chacun aurait deux suppléants.

Cette suppression était le complément des mesures qui avaient transformé la magistrature de paix. L'esprit de la loi fondamentale étant abandonné, les formes devaient l'être. Ces formes existaient sous l'ancienne législation. L'édit de 1769 voulait que les officiers des bailliages jugeassent au nombre de trois et en dernier ressort, les causes personnelles n'excédant pas 40 livres.

L'absence d'assesseurs est regrettable dans beaucoup de cas où seraient utiles les lumières réunies de plusieurs juges et où la responsabilité se diviserait. Leur concours

devait en outre faciliter les conciliations. Mais de nouvelles nécessités ayant surgi, la pensée du législateur a changé. Le juge de paix, proprement dit, est resté fort apprécié. Cependant, comme on multipliaitses rôles pour éviter la création d'un nouveau fonctionnaire, il fallait bien rendre plus rapide la marche de cet agent de la puissance exécutive.

Par une conséquence naturelle de sa position, il cessa d'être électif. Sa nomination fut confiée, par la loi du 3 nivôse an II, au conseil général du district pendant la durée du gouvernement révolutionnaire. Le premier consul le choisit ensuite pour dix ans parmi des candidats élus par les citoyens. Enfin la Charte de 1814 attribua au Roi le droit de le nommer, et en consacrant l'inamovibilité des juges elle en excepta les juges de paix.

Le greffier, d'abord nommé par le juge de paix, est devenu, par la loi du 18 mai 1802, à la nomination du gouvernement.

Les Codes Napoléon, de procédure civile, de commerce et d'instruction criminelle, ont réglé quelquesunes des attributions des juges de paix qui existaient antérieurement, telles que les avis de parents, scellés, la police judiciaire, l'instruction criminelle par commission rogatoire, etc. Le Code Napoléon en a ajouté d'extrajudiciaires, telles que les actes de notoriété, d'émancipation, d'adoption, testaments en certains cas, etc. Il a conféré aux tribunaux ordinaires le jugement des oppositions aux mariages, que la loi du 20 septembre 1792 avait confié aux juges de paix.

D'un autre côté, la loi du 6 août 1791 avait rendu les tribunaux de district seuls compétents pour juger les

fraudes aux droits des douanes, puis celle du 24 mars 1794 en a chargé les juges de paix.

Diverses autres lois leur ont conféré des attributions en matière d'octroi, de marque de fabrique, de contraintes, etc.

Après la promulgation des Codes, l'on n'a pas fait d'innovations importantes à leur égard, jusqu'à la loi du 25 mai 1838. L'extension de la compétence judiciaire civile était attendue depuis longtemps. Cette loi attribue aux justices de paix les actions personnelles ou mobilières, en dernier ressort jusqu'à la valeur de cent francs, et à la charge d'appel, jusqu'à deux cents francs.

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Elle ajoute à la nomenclature de la loi de 1790, les entreprises sur les cours d'eau, dénonciations de nouvelœuvre, actions en réintégrande, en bornage, etc., et pour les distances de plantations et travaux ; plus les actions civiles pour diffamations verbales et voies de fait, à quelque somme que la demande puisse monter, les contestations entre hôteliers, voyageurs, voituriers carrossiers, jusqu'à 1500 fr., en premier ressort; les demandes en payement de loyer pour les locations au dessous de 200 fr. (taux élevé ensuite à 400 fr.) à quelque valeur que la demande puisse s'élever; les pensions alimentaires au-dessous de 150 fr.; les demandes reconventionnelles, saisies-gageries, résiliations de baux et expulsion de lieux.

La même loi a déféré aux tribunaux les actions concernant les brevets d'invention, que la loi du 14 mai 1791 avait attribuées aux juges de paix.

Avant 1838, on leur avait confié, par les lois des 7 juillet 1833 et 21 mai 1836, la direction des jurys d'expropriation, dans les cas d'ouverture des chemins

vicinaux, et le règlement des indemnités lors de l'élargissement de ces chemins.

Le Ministre de l'intérieur les avait choisis pour commissaires dans les enquêtes administratives. On y a joint des opérations de statistique, la surveillance des gardeschampêtres, celle des manufactures; leur concours pour le classement et la conservation des archives des communes rurales; le soin de veiller à la confection régulière des actes de l'état-civil, en vertu de la loi du 26 novembre 1823, qui a donné au procureur impérial le droit de déléguer le juge de paix du canton pour vérifier les registres de l'année courante.

Ils fonctionnaient déjà dans les jurys de révision de la garde nationale d'après la loi de 1831. La loi de 1833, sur l'instruction primaire, les avait appelés dans les comités d'arrondissement. Par celle de 1850, ils ont cessé d'être membres de droit de ces comités.

En 1845 l'on songea à les assimiler aux autres magistrats de l'ordre judiciaire : l'on supprima les vacations que leur allouait pour certains actes le tarif de 1807. Ces salaires payés par les parties et si peu compatibles avec la dignité du juge, faisaient revivre les anciennes épices.

La révolution de 1848 fit encore entrer l'institution dans une nouvelle phase.

Par l'établissement du suffrage universel et la loi du 15 mars 1849, les juges de paix eurent la présidence des assemblées électorales au chef-lieu de chaque canton, et la charge de faire au chef-lieu du département, sous la présidence de leur doyen, le recensement général des votes.

Le plébiciste du 2 décembre 1851 ayant établi le vote

par commune, la présidence des élections fut laissée aux maires sous une sorte de surveillance des juges de paix.

Un décret de l'Assemblée nationale du 25 mai 1848, donna aux juges de paix la mission d'organiser et présider dans chaque canton une enquête sur les questions de travail agricole et industriel; cette enquête ouverte sur toute l'étendue du territoire de la France.

Les appels des décisions des maires en matière de capacité électorale, leur sont déférés par la loi du 15 mars 1849. Ces appels étaient portés devant les cours royales à l'époque où était en vigueur le cens électoral.

La loi du 7 août 1848 a donné aux juges de paix la vice-présidence, et celle du 4 juin 1853 leur a attribué la présidence des commissions cantonales pour la transformation des listes du jury criminel. Une loi du 27 mars 1800 leur avait déjà confié, à cette époque, la composition des listes des jurés, mode changé plus tard par le Code d'instruction criminelle.

Lorsqu'on lit dans nos vastes recueils de jurisprudence, dans nos innombrables lois, dans une multitude de traités fort étendus, les dispositions relatives aux justices de paix, et que l'on se pénètre des difficultés que la pratique a fait surgir, l'on se demande où en serait l'institution si les gouvernements dans leurs choix eussent méconnus de telles exigences qu'oubliaient les législateurs. Presque tout le droit civil, le droit administratif, le droit criminel, les lois de procédure et de commerce trouvent applications dans les matières de la compétence judiciaire et extra-judiciaire des juges de paix :

Nous avons entendu des doléances sur leur movibi

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