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D'ailleurs, la forme précatoire des sacrements ne permet pas d'admettre que Dieu opère sans qu'on le lui demande. Tous, explicitement ou implicitement, s'administrent par la prière. Et ce n'est point l'application du signe que le pontife demande, c'est l'opération divine; ce n'est point le sacrement, c'est son effet.

Mais il n'y a que la grâce qui ait le droit de solliciter la grâce pour autrui. Il n'y a que la sainteté qui puisse être le ministre de la sanctification. La conscience se révolte à l'idée que le vice la dispense. On a entendu saint Augustin le proclamer: « Ce n'est point aux méchants que le Seigneur aurait dit: Les péchés seront -remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » Voilà pourquoi les sectes que le spectacle des désordres du clergé suscita au moyen âge, voilà pourquoi ces sectes, confondant les sacrements avec leurs effets, soutenaient que les sacrements sont nuls quand celui qui les confère n'est pas pur.

Or, celui qui les confère pouvant n'être pas pur et ne l'étant pas toujours, il faut que la prière soit faite par qui possède constamment la sainteté, c'est-à-dire par le corps des saints. Aussi n'est-ce pas en son nom, mais au nom de l'Église que le pontife célèbre les sacrements. Par conséquent, c'est au nom, c'est à la prière de l'Église, et non à la prière du pontife, que Dieu les rend efficaces. Que si le pontife est juste, sa prière

s'unit à celle des autres justes qui sont dans l'Église, et il agit avec eux, non comme pontife, mais comme chrétien juste 1.

Il a été élevé une autre objection contre le pouvoir précatoire, c'est qu'il est « difficile de concevoir qu'une chose aussi importante, qui touche à la vie même de l'Église, soit restée inaperçue si longtemps et n'ait fait que paraître pour retomber aussitôt dans l'oubli 2. >>

Si l'expression est nouvelle, la doctrine est aussi ancienne que l'Église.

C'est ce que prouvent les passages liturgiques cités. C'est ce que prouve l'usage d'attribuer à l'Église ce que fait le sacerdoce et de ne considérer le sacerdoce que comme le ministre de l'Église 3.

Certaines vérités ne sont élucidées que lorsque le besoin le demande. La liberté des cultes, quoique soutenue par Tertullien et autres parmi lesquels saint Augustin", quoique proclamée par l'Église lorsqu'elle a déclaré l'empire indépendant du sacerdoce, quoiqu'elle soit essentielle à l'Église, si bien que le contraire la

1. On lit en marge du manuscrit : « D'après les théologiens, les sacrements agissent moralement ou physiquement. Les saints agissent moralement; les pontifes, physiquement : le sacerdoce intérieur, moralement; le sacerdoce extérieur, physiquement. »> ÉD.'

2. Extrait d'une lettre d'un ami de l'auteur; elle était jointe au manuscrit.

3. Voir saint Thomas, Tostat, Tertullien.

ÉD.

4. Malheureusement le grand docteur changea de sentiment. Voir le Règne social du christianisme, liv. I, ch. IX.

ÉD..

matérialise et l'anéantit, la liberté de conscience n'a cependant été réellement établie que dans les derniers temps.

Le pouvoir précatoire devait se produire lorsque le pouvoir laïque serait forcé de reprendre son antique action dans l'Église, afin de l'arracher au despotisme papal et épiscopal et à la mort. Combien n'est-il pas propre à humilier le clergé dans la sacramentation, dans l'enseignement, dans le gouvernement: le pontife n'ayant la minime part, le fait extérieur et non l'intérieur !

que

FIN DU LIVRE DEUXIÈME.

LIVRE III

SACERDOCE EXTÉRIEUR OU MINISTÉRIEL

CHAPITRE I

LES QUATRE PREMIERS SENS DE LA MAXIME QUE LES CLEFS ONT ÉTÉ DONNÉES A L'ÉGLISE. LES PASTEURS TIRENT IMMÉDIATEMENT LEUR AUTORITÉ DE JÉSUS-CHRIST.

Quelle est la distribution du sacerdoce extérieur ? Il faut la chercher dans les cinq premiers sens, savoir: que les clefs ont été données à Pierre pour l'utilité de l'Église; qu'elles lui ont été données pour ses successeurs ; qu'elles lui ont été données pour tous les pasteurs; que comme lui les autres pasteurs tirent immédiatement leur autorité de Jésus-Christ; qu'il faut distinguer l'usage des clefs de la propriété des clefs.

« Les trois premiers sens auxquels les ultramontains, dit Legros, voudraient qu'on se bornât, renferment des vérités incontestables; ils peuvent en quelque sorte servir à expliquer ce que saint Augustin a voulu nous enseigner, mais certainement ils ne suffisent pas.

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