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NOTES

DU CHAPITRE VI.

Note A, page 314.

Bacon était loin d'être ce qu'on appelle un honnête homme; quelques détails sur sa vie le prouveront surabondamment il n'est pas inutile de rapprocher le philosophe de l'homme privé.

Bacon (né en 1561, mort en 1626) fut créé lord grand chancelier d'Angleterre, en 1619, avec le titre de baron de Vérulam, qu'il échangea l'année suivante pour celui de vicomte de Saint-Alban. Sa fortune était telle alors, qu'il aurait pu vivre avec la magnificence dont il avait le goût, sans dégrader son caractère par les actes d'avidité qu'on eut à lui reprocher avec trop de raison.

Mais avant de parler de ces actes coupables et honteux, signalons son ingrate et lâche conduite envers son bienfaiteur, le comte d'Essex. On sait que ce personnage célèbre périt sur l'échafaud, accusé de haute trahison, dit-on, mais, plus vraisemblablement coupable d'avoir dédaigné l'amour d'Élisabeth, la terrible fille d'Henri VIII. Quoi qu'il en soit, dans l'instruction du procès, ce fut Bacon qui plaida lui-même contre le comte, sans y être obligé; et après l'exécution de la sentence, il chercha à justifier la conduite du gouvernement, dans un appel au public, in

titulé: Déclaration des trahisons de Robert, comte d'Essex. Son ingratitude n'eut pas le succès qu'il en attendait. La voix publique s'éleva contre lui avec tant de force, qu'il se crut obligé d'écrire une longue apologie de sa conduite; mais son éloquence n'eut aucun effet; Élisabeth ne fit rien pour lui, et Bacon, flétri dans l'opinion, fut à la cour l'objet de la haine d'un parti et de la jalousie de l'autre.

Des plaintes graves furent portées contre lui. On l'accusa d'avoir reçu des sommes d'argent pour des concessions de places et de priviléges qu'il avait expédiées sous le grand sceau. Ces plaintes furent renvoyées à la chambre des pairs. Bacon, hors d'état de se justifier, voulut éviter l'éclat d'une recherche judiciaire, et adressa à la chambre une lettre de repentir et de soumission, par laquelle il invoque la clémence de ses pairs, et demande que la peine qu'on prononcera contre lui se borne à lui ôter la place éminente qu'il a déshonorée. Les lords exigèrent de lui une confession circonstanciée sur chacun des griefs allégués contre lui. Il envoya un mémoire dans lequel il reconnaissait la vérité de presque toutes les imputations de corruptions portées contre lui, en implorant de nouveau la clémence de la chambre.

Malgré l'intérêt que le roi Jacques Ier témoigna pour lui, et celui que prenait la chambre même à la situation d'un de ses membres, elle ne put s'empêcher de rendre un jugement sévère ; il fut condamné à payer une amende de 40,000 livres sterling, et à être emprisonné à la Tour, pendant le bon plaisir du roi ; il fut en outre déclaré incapable d'occuper aucun emploi ou office public, de siéger au parlement, et d'approcher même du lieu où résiderait la cour.

Note B, page 324.

Il y aurait tout un livre à faire sur les Contradictions de

J. J. Rousseau, et le mot de La Harpe, cité par M. de Maistre, en serait la véritable épigraphe. Oui, tout jusqu'à la vérité trompe dans les écrits de Rousseau.

J'enregistre ici quelques-unes des nombreuses et des plus fortes contradictions de ce dangereux sophiste.

Contradictions sur Dieu. Dieu visible de J. J. Rous

seau.

« Il est un livre ouvert à tous les yeux, c'est celui de la nature; c'est dans ce grand et superbe livre que j'apprends à servir son auteur. Nul n'est excusable de ne pas y lire, parce qu'il parle un langage intelligible à tous les esprits..... J'aperçois Dieu en moi, je le sens en moi, je le vois autour de moi. Quand je serais né dans une île déserte, quand je n'aurais vu d'autre homme que moi, la raison suffirait pour m'apprendre à remplir mes devoirs envers lui. » (Émile, t. III, p. 163 et 45, édition in-12.)

Dieu invisible.—«L'être incompréhensible qui embrasse tout, qui donne le mouvement à tout, échappe à tous mes sens, et ce n'est pas une petite affaire de savoir enfin qu'il existe (à le bien prendre même, le monde n'en sut rien pendant six ou sept mille ans); car il a fallu essayer tous les bizarres systèmes de fatalité, de nécessité, d'atomes, de monde animé, jusqu'à ce qu'enfin le docteur Clarke annonçât ce Dieu, l'Être des êtres, le dispensateur des choses... Il est d'une impossibilité démontrée qu'un sauvage, privé des lumières qu'on n'acquiert que dans le commerce des hommes, pût jamais élever ses réflexions jusqu'à la connaissance du vrai Dieu... Pouvez-vous croire que dans un million d'hommes, il y en eût un seul qui vînt à penser à Dieu ? » (Émile, t. III, p. 58; t. II, p. 352, et Lettre à l'archevêque de Paris.)

La raison de Jean-Jacques très-certaine qu'il existe un Dieu, et le démontrant. « Les premières causes du mouvement ne sont point dans la matière, elle reçoit le mouvement et le

communique, mais ne le produit pas. Plus j'observe l'action et la réaction des forces de la nature, plus je trouve que d'effets en effets il faut toujours remonter à quelque volonté pour première cause, car supposer un progrès de cause à l'infini, c'est ne rien supposer... Il n'y a point de véritable action sans volonté, voilà mon premier principe. Je crois donc qu'une volonté meut l'univers... ; je conçois cette volonté comme cause motrice; mais concevoir la matière comme cause productrice du mouvement, c'est clairement concevoir un effet sans cause, c'est ne concevoir absolument rien... Toujours est-il certain que le tout est un, et annonce une intelligence unique. Cet être qui meut l'univers, je l'appelle Dieu. Je joins à ce nom les idées d'intelligence, de puissance, de volonté et celle de bonté, qui en est une suite nécessaire. Je sais très-certainement qu'il existe par lui-même, et que mon existence lui est subordonnée. » — (Émile, t. II, p. 45.)

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La raison de Jean-Jacques incertaine et insuffisante pour démontrer l'existence de Dieu. « J'avouerai naïvement que ni le pour, ni le contre, ne me paraissent démontrer sur ce point l'existence de Dieu par les seules lumières de la raison, et que si le théiste ne fonde son sentiment que sur des probabilités, l'athée, moins précis encore, ne me paraît fonder le sien que sur des probabilités contraires. » (Lett. à Voltaire, t. II, édit. in-4o de Genève.)

Jean-Jacques proscrivant les athées. - « Tout philosophe athée est un raisonneur de mauvaise foi, ou que son orgueil aveugle. Chacun doit savoir qu'il existe un arbitre suprême du sort des humains, duquel nous sommes tous les enfants. Ces dogmes sont ceux qu'il importe d'enseigner à la jeunesse et de persuader à tous les citoyens. Quiconque les combat mérite châtiment, sans doute; il est le perturbateur de l'ordre et l'ennemi de la société.

« Le magistrat peut bannir de l'État quiconque ne croit pas les dogmes de la religion civile, à la tête desquels je mets l'existence de Dieu. Il peut le bannir, non comme impie, mais comme insociable, comme incapable d'aimer sincèrement les lois, la justice, et d'immoler au besoin sa vie à son devoir. Si quelqu'un, après avoir reconnu publiquement ces mêmes dogmes, se conduisait comme ne les croyant pas, qu'il soit puni de mort; il a commis le plus grand des crimes : il a menti devant les lois. >> (Lettre à l'archevêque de Paris; Émile, t. IV, p. 68; Contrat social, chap. vIII.)

Jean-Jacques absolvant les athées. - « Je suis indigné que la foi de chacun ne soit pas la plus grande liberté, comme s'il dépendait de nous de croire ou de ne pas croire dans des matières (telles que j'annonce positivement l'existence de Dieu) où la démonstration n'a pas lieu; et qu'on pût asservir la raison à l'autorité... Un athée peut-il être athée, peut-il être coupable devant Dieu ? Détourne-t-il les yeux de lui, ou Dieu lui-même lui a-t-il voilé sa face? Si j'étais magistrat et que la loi portât peine de mort contre les athées, je commencerais par faire brûler comme tel quiconque en viendrait dénoncer un autre. (Lettre à Voltaire, t. XII, édit. de Genève, in-4°; Nouvelle Héloïse, t. VI, in-12, p. 171, et t. V, p. 254.)

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« Je déclare donc que mon objet était, dans la Nouvelle Héloïse, de rapprocher les deux partis opposés par une estime réciproque, et d'apprendre aux philosophes qu'on peut croire un Dieu sans être hypocrite; et aux croyants, qu'on peut être incrédule sans être un coquin. »> (Lett. à M. Vernet, t. XII, in-4°, p. 239.)

Et voilà l'homme qui prenait pour devise: Vitam impendere vero, « dépenser sa vie au service de la vérité ! »

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