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hérétiques, soit pour disposer plusieurs âmes à recevoir la doctrine du salut avec plus de docilité. Il disait cela avec un si grand désir d'inspirer cette dévotion aux autres, qu'une demoiselle qui l'avait entendu dans sa plus tendre jeunesse le racontait elle-même il n'y a pas quatre ans, c'est-à-dire plus de soixante ans après, avec un grand sentiment de piété. Pour moi, je fus trèsconsolé, l'année passée, d'avoir consacré un autel au lieu même où Dieu fit naître son bienheureux serviteur, dans le petit village de Villaret, au milieu de nos montagnes les plus inaccessibles.

Choisissez quelques saints en l'intercession desquels vous ayez une particulière confiance et dont vous puissiez lire la vie avec plus de goût, pour l'imiter fidèlement. Celui dont on vous a donné le nom au baptême doit être le premier de tous.

CHAPITRE XVII

Comment il faut entendre et lire la parole de Dieu.

Aimez à entendre la parole de Dieu; mais écoutez-la toujours avec beaucoup d'attention et de respect, soit au sermon, soit dans les conversations édifiantes de vos amis qui aiment à parler de Dieu c'est la bonne semence qu'il ne faut pas laisser perdre. Faites-la profiter; recevez-la comme un baume précieux dans votre cœur, à l'imitation de la très-sainte Vierge, qui conservait avec soin

dans le sien tout ce qu'elle entendait dire de son divin enfant; et souvenez-vous bien que Dieu n'écoute favorablement notre parole dans nos prières qu'autant que nous profitons de la sienne dans les prédications.

Ayez toujours quelque bon livre de dévotion, comme sont ceux de saint Bonaventure, de Gerson, de Denis le Chartreux, de Louis de Blois, de Grenade, de Stella, d'Arias, de Pinelli, de Dupont, d'Avila, le Combat spirituel, les Confessions de saint Augustin, les Lettres de saint Jérôme, et autres semblables. Lisez-en tous les jours un peu, mais avec autant d'attention que si un saint l'avait envoyé du ciel pour vous en apprendre le chemin, et pour vous encourager à y marcher. Lisez aussi les Vies des saints, où vous verrez, comme dans un miroir, le véritable portrait de la vie chrétienne, et accommodez leurs exemples aux devoirs de votre état; car, bien que plusieurs actions des saints soient absolument inimitables pour les personnes qui vivent dans le monde, on peut toujours les suivre ou de près ou de loin. Imitez la solitude de saint Paul, le premier ermite, par la solitude spirituelle de votre cœur et par les retraites que vous pouvez faire; l'extrême pauvreté de saint François, par l'application à certaines pratiques de la pauvreté dont je vous parlerai. Entre les vies des saints et des saintes, il y en a dont notre esprit reçoit plus de lumière pour la conduite de notre vie, comme

celle de la bienheureuse mère Thérèse, dont la lecture est admirable pour cela; celles des premiers jésuites, celles du bienheureux cardinal Borromée, de saint Louis, de saint Bernard, les Chroniques de saint François, et autres livres semblables, Nous avons aussi certaines vies de saints qui offrent plus de sujets d'admiration que d'imitation, comme celles de sainte Marie l'Égyptienne, de saint Siméon Stylite, de sainte Catherine de Sienne, de sainte Catherine de Gênes, de sainte Angèle, et plusieurs autres qui ne laissent pas de donner en général un grand goût du saint amour de Dieu.

CHAPITRE XVIII

De la manière de bien recevoir les inspirations. Nous appelons inspirations tous les attraits de la grâce, les bons mouvements du cœur, les reproches de la conscience, les lumières surnaturelles de l'esprit, et généralement toutes les bénédictions dont Dieu prévient notre cœur par son amoureuse et paternelle miséricorde, soit pour nous réveiller dans notre assoupissement, soit pour nous engager à la pratique des saintes vertus, soit pour exciter en nous son amour, en un mot, pour nous faire chercher ce qui peut nous conduire aux biens éternels. C'est ce que l'époux des Cantiques appelle, en termes mystérieux,

rechercher son épouse, frapper à sa porte, lui parler au cœur, la réveiller, la rappeler et la chercher quand elle est absente, l'inviter à manger de son miel, à venir cueillir des fruits et des fleurs, à chanter, à parler. J'ai besoin d'une comparaison pour me faire bien comprendre.

Trois choses sont nécessaires à la conclusion d'un mariage. Premièrement, il faut le proposer à la personne dont on désire l'alliance; secondement, elle doit en agréer la proposition, et, en troisième lieu, y donner son consentement. C'est ainsi que, quand Dieu veut, pour sa gloire, opérer quelque bien en nous, pour nous et avec nous, il nous le propose par son inspiration; nous le recevons avec une douce complaisance, et nous y consentons. Car, comme il y a trois degrés par lesquels on tombe dans le péché, la tentation, la délectation et le consentement, il y en a trois aussi par lesquels on s'élève à la pratique de la vertu : l'aspiration, qui est contraire à la tentation; la complaisance que l'on a pour l'inspiration, et qui est contraire à la délectation de la tentation, et le consentement que l'on donne à l'inspiration, et qui est contraire au consentement donné à la tentation.

Quand l'inspiration durerait tout le temps de notre vie, nous n'en serions pas plus agréables à Dieu, si nous ne la recevions pas avec complaisance. Au contraire, Dieu en serait offensé, comme il le fut par les Israélites, que sa grâce, ainsi qu'il

le dit, pressa inutilement durant quarante ans de se convertir, et auxquels il déclara avec serment que jamais ils n'entreraient dans son repos.

Cette complaisance avec laquelle on reçoit les inspirations avance beaucoup l'œuvre de la gloire de Dieu en nous, et nous rend agréables à ses yeux. Car, bien que cette délectation ne soit pas un véritable consentement, elle est du moins une disposition heureuse à consentir; et si le plaisir que l'on prend à entendre la parole de Dieu, qui est comme une disposition extérieure, est un signe de salut et une disposition agréable à Dieu, cela est encore plus vrai à l'égard de l'inspiration intérieure. C'est aussi de cette délectation que parle l'épouse sacrée quand elle dit : « J'ai senti mon « âme se fondre de joie en elle-même quand mon « bien-aimé m'a parlé. »

Enfin, pour que l'acte soit parfait, il faut le consentement; car si, ayant été inspirés et ayant reçu l'inspiration avec complaisance, nous refusons notre consentement à Dieu, nous nous rendons coupables d'une extrême ingratitude envers sa divine Majesté, et il semble qu'il y ait plus de mépris que si tout d'un coup nous avions rejeté l'inspiration. Ce fut la faute et le malheur de l'épouse des Cantiques. La voix de son bien-aimé avait frappé son cœur d'une douce joie; néanmoins elle ne lui ouvrit pas la porte, et elle s'en excusa d'une manière frivole: aussi l'époux la quitta-t-il avec indignation.

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