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et, en ce cas-là, vous userez de la règle de condescendance que je viens de vous donner, si c'est le conseil de votre directeur.

Quant aux maladies corporelles, aucune n'est un légitime empêchement de communier, sinon celle qui provoquerait à un fréquent vomissement.

Ainsi, pour communier tous les huit jours, il ne faut avoir aucun péché mortel, ni aucune affection au péché même véniel, et de plus il faut avoir un grand désir de la communion. Mais pour communier tous les jours il faut avoir, en outre, surmonté la plupart de ses mauvaises inclinations, et ne le faire même que par le conseil de son père spirituel.

CHAPITRE XXI

De la manière de bien communier.

Commencez dès la veille de votre communion à vous y préparer le soir par plusieurs aspirations d'amour, et retirez-vous de meilleure heure qu'à l'ordinaire, afin de vous lever aussi plus matin. Si vous vous réveillez pendant la nuit, sanctifiez ces moments par quelques dévotes paroles, ou par quelque doux sentiment qui pénètre votre âme du bonheur de recevoir votre divin époux; car il veille sur votre cœur pendant votre sommeil, et vous prépare les grâces qu'il veut vous faire abondamment, s'il le trouve bien disposé. Levez-vous

le matin avec la joie qu'une telle espérance do it vous inspirer, et, après votre confession, allez avec une ferme confiance et une profonde humilité prendre à la sainte table cette viande céleste qui vous communiquera l'immortalité. Après avoir prononcé ces paroles sacrées : Seigneur, je ne suis pas digne, etc., ne remuez plus ni la tête ni les lèvres, soit pour prier, soit pour soupirer; mais ouvrant médiocrement la bouche, et élevant la tête autant qu'il faut pour que le prêtre puisse voir ce qu'il fait, avancez tant soit peu la langue, et recevez avec foi, avec espérance, avec charité, Celui qui est tout ensemble le principe, l'objet, le motif et la fin de votre foi, de votre espéranee et de votre amour. O Philothée, imaginez-vous alors que, comme l'abeille ayant recueilli sur les fleurs la rosée du ciel et leur suc, qui est le plus exquis de la terre, en fait son miel, et le porte dans sa ruche, de même le prêtre prend sur l'autel le Sauveur du monde, le vrai Fils de Dieu descendu du ciel comme la rosée, le vrai fils de la Vierge sorti de la terre comme une fleur, et vous le donne pour vous servir de nourriture. Excitez alors votre cœur à faire hommage au Roi du salut; traitez avec lui de vos affaires intérieures, contemplez-le au dedans de vous-même, où il est venu pour votre bonheur; faites-lui tout l'accueil qui vous sera possible, et agissez de telle sorte que l'on connaisse par toutes vos actions que Dieu est avec vous.

Quand vous n'aurez pas le bonheur de communier réellement à la sainte Messe, communiez-y du moins d'esprit et de cœur, vous unissant par un ardent désir à la chair vivifiante du Seigneur.

Votre grande intention dans la communion doit être de vous avancer, de vous purifier et de vous consolider en l'amour de Dieu; car vous devez recevoir par amour ce que l'amour vous donne. Non, le Sauveur ne donne nulle part une plus grande preuve de sa bonté et de sa tendresse que dans le sacrement où il s'anéantit, pour ainsi dire, et se réduit en nourriture, afin de pénétrer nos âmes de lui-même et de s'unir au cœur et au corps de ses fidèles.

Si le monde vous demande pourquoi vous communiez si souvent, dites au monde que c'est pour apprendre à aimer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous délivrer de vos misères, pour trouver de la consolation à vos peines, et pour vous soutenir dans vos faiblesses. Dites au monde que deux sortes de gens doivent communier souvent les parfaits, parce qu'étant bien disposés, ils auraient grand tort de ne pas s'approcher de la source de la perfection; et les imparfaits, afin d'aspirer à la perfection; les forts, de peur de s'affaiblir, et les faibles, afin de se fortifier; les sains, pour se préserver de toute maladie, et les malades, pour chercher leur guérison. Mais ajoutez que pour vous, étant du

nombre des âmes imparfaites, faibles et malades, vous avez besoin de recevoir souvent l'auteur de la perfection, le Dieu de la force, le ménecin de votre âme. Dites au monde que ceux qui de sont pas bien occupés de leurs affaires doivent communier souvent, parce qu'ils en ont le temps; et ceux qui en sont fort occupés, parce qu'étant chargés de beaucoup de travail et de peines, ils ont plus souvent besoin d'une solide nourriture. Dites enfin que vous communiez fréquemment pour apprendre à bien communier, parce que l'on ne fait guère bien une action à laquelle on ne s'exerce que rarement.

Communiez donc souvent, Philothée, et le plus souvent que vous pourrez, avec l'avis de votre père spirituel, et, croyez-moi, si le corps prend les qualités de la nourriture dont on use habituellement, comme nous le voyons dans les lièvres de nos montagnes, qui deviennent blancs durant l'hiver, parce qu'ils ne voient et ne mangent que de la neige; vous verrez que, nourrissant souvent votre âme de l'auteur de toute beauté et de toute bonté, de toute sainteté et de toute pureté, elle deviendra à ses yeux toute belle et toute bonne, toute pure et toute sainte.

AVIS TOUCHANT LA PRATIQUE DES VERTUS

CHAPITRE I

Du choix qu'on doit faire quant à la pratiqne
des vertus.

Le roi des abeilles ne sort point dans les champs sans être environné de tout son petit peuple : la charité n'entre jamais dans un cœur qu'en reine, suivie de toutes les autres vertus, qu'elle y place et arrange selon leur dignité, et qu'elle fait agir en réglant toutes leurs fonctions, à peu près comme un capitaine règle ses soldats. Mais elle ne les fait pas agir tout à coup, ni également, ni en tout temps, ni en tout lieu. « Le juste est sem« blable à un arbre qui, planté sur le bord des « eaux, porte du fruit en son temps, » parce que la charité, animant son cœur, lui fait opérer beaucoup de bonnes œuvres, qui sont les fruits des vertus, mais chacune en son temps et en sa place. Tâchez donc de bien entendre ce proverbe de l'Écriture: « Quelque charmante que soit une « musique, elle est incommode et désagréable << pendant le deuil. » Il nous indique le grand défaut de plusieurs personnes qui, s'attachant à la pratique d'une vertu particulière, veulent opiniâ

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