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qu'elle avait vouée solennellement au supérieur de son ordre, s'obligea par un vœu simple à obéir au Père Gratien; soit que, sans aucun vou, on veuille humblement obéir à un confesseur, cette obéissance s'appelle volontaire, parce qu'elle dé-pend dans son principe de notre volonté et de notre élection. Il faut obéir à tous nos supérieurs, mais à chacun en particulier dans les choses sur lesquelles son autorité s'étend: aux princes, pour tout ce qui est de la police et du gouvernement de leurs États; aux prélats, en tout ce qui regarde la discipline ecclésiastique; à un père, à un maître, à un mari, dans tout l'ordre domestique; à son directeur et à son confesseur, pour tout ce qui est de la conduite particulière de l'âme.

Faites-vous ordonner par votre père spirituel toutes les actions de piété que vous devez pratiquer: elles deviendront meilleures, parce que, outre la bonté et le mérite qu'elles auront de leur propre fonds, elles auront encore le mérite de l'obéissance qui les aura commandées et animées de son esprit. Bienheureux sont les obéissants, car Dieu ne permettra jamais qu'ils s'égarent.

CHAPITRE XII

De la nécessité de la chasteté.

La chasteté est le lis des vertus, et, dès cette vie, elle nous rend presque semblables aux Anges. Rien n'est beau que par la pureté, et la pureté des

hommes c'est la chasteté. On appelle cette vertu honnête, et sa pratique honneur: on la nomme encore intégrité, et le vice qui lui est contraire, corruption. En un mot, elle a cette gloire entre toutes les vertus, qu'elle est tout ensemble la vertu de l'âme et du corps.

Pour le premier degré de cette vertu, ne souffrez jamais volontairement rien de ce qui est défendu en ce qui touche à la chasteté.

Pour le second degré, retranchez autant que vous pourrez toutes les délectations des sens superflues et inutiles, quoiqu'elles soient honnêtes et permises.

Pour le troisième degré, n'attachez point votre affection à celles qui peuvent être nécessaires et ordonnées.

Saint Augustin admirait dans son cher Alipius l'admirable pureté qui l'avait entièrement affranchi des sentiments, et même des souvenirs de tous ses déréglements passés. En effet, chacun sait qu'il est facile de conserver longtemps les fruits qui sont encore entiers; mais pour peu qu'ils aient été flétris ou entamés, l'unique moyen de les bien garder, c'est de les confire au sucre ou au miel je dis qu'on a aussi plusieurs moyens de conserver avec sûreté la chasteté tandis qu'elle a toute son intégrité; mais quand elle l'a une fois perdue, rien ne peut plus la conserver qu'une solide dévotion, dont j'ai souvent comparé la douceur avec celle du miel.

Dans l'état de virginité, la chasteté demande nne grande simplicité d'âme, et une grande délicatesse de conscience, pour éloigner toutes sortes de pensées curieuses, et pour s'élever au-dessus de tous les plaisirs sensuels par un mépris absolu et entier de tout ce que l'homme a de commun avec les bêtes, et qu'elles ont même plus que lui. Que jamais donc ces âmes pures ne doutent en aucune manière que la chasteté ne leur soit incomparablement meilleure que tout ce qui est incompatible avec sa perfection. Car, comme dit saint Jérôme, le démon, ne pouvant souffrir cette salutaire ignorance du plaisir, tâche du moins d'en exciter le désir dans ces âmes, et leur en donne pour cela des idées si séduisantes, quoique trèsfausses, qu'elles demeurent fort troublées, parce qu'elles se laissent imprudemment aller, ajoute ce saint Père, à estimer ce qu'elles ignorent. C'est ainsi que tant de jeunes gens, surpris par une fausse et folle estime des plaisirs des sens, et par une curiosité sensuelle et inquiète, s'y livrent et compromettent leurs intérêts temporels et éternels semblables à des papillons qui, croyant la flamme aussi douce qu'elle leur paraît belle, vont étourdiment s'y brûler.

Vous savez combien la chasteté est nécessaire. << Cherchez la paix avec tous, dit l'Apôtre, et la «sainteté, sans laquelle personne ne verra Dieu. » Or remarquez que par sainteté il entend la chasteté, selon l'observation de saint Jérôme et de

saint Chrysostome. Non, personne ne verra Dieu sans la chasteté; personne n'habitera ses saints tabernacles s'il n'a le cœur pur; comme le dit le Sauveur même, les chiens et les impudiques en seront bannis. « Aussi, bienheureux sont, nous « a-t-il dit, ceux qui ont le cœur pur, parce « qu'ils verront Dieu. >>

CHAPITRE XIII

Avis pour conserver la chasteté.

Ayez toujours une grande attention sur vousmême pour éloigner promptement tout ce qui peut porter à la volupté; car c'est un mal qui se développe insensiblement, dont les commencements sont faibles, mais les progrès très-grands. En un mot, il est plus aisé de le fuir que de le guérir.

La chasteté est ce trésor que, d'après saint Paul, nous possédons dans des vases fragiles; et véritablement elle tient beaucoup de la fragilité de ces vases qui se brisent pour peu qu'ils se heurtent les uns contre les autres. L'eau la plus fraîche que l'on veut conserver dans un vase, perd bientôt sa fraîcheur si quelque animal y a touché. Ne permettez donc jamais, Philothée, et défendez-vous à vous-même tous ces badinages extérieurs, également contraires à la modestie chrétienne et au respect que l'on se doit; car,

bien que peut-être on puisse absolument conserver un cœur chaste malgré ces actions qui viennent plutôt de légèreté que de malice, et qui ne sont pas ordinaires, cependant la chasteté en reçoit toujours quelque fâcheuse atteinte. Au reste, vous jugez assez que je ne parle point ici de ce qui ruine entièrement la chasteté.

La chasteté dépend du cœur comme de son origine, et sa pratique extérieure consiste à régler et à purifier les sens; c'est pourquoi elle se perd par tous les sens extérieurs, comme par les pensées de l'esprit et par les désirs du cœur. Ainsi, toute sensation que l'on se permet sur un objet déshonnête, et avec un esprit de déshonnêteté, est véritablement une impudicité, et l'Apôtre recommandait aux premiers chrétiens de ne pas même nommer ce vice entre eux. Les abeilles non-seulement ne touchent pas à un cadavre en putréfaction, mais fuient encore la mauvaise odeur qui s'en exhale. Remarquez, je vous prie, ce que la sainte Écriture nous dit de l'épouse des Cantiques: tout y est mystérieux. La myrrhe distille de ses mains, et vous savez que cette liqueur préserve de la corruption; ses lèvres sont bordées d'un ruban vermeil, et cela nous apprend que la pudeur rougit des paroles tant soit peu malhonnêtes; ses yeux sont comparés aux yeux de la colombe, à cause de leur netteté; elle a des pendants d'oreille en or, et ce précieux métal nous marque sa pureté; son nez est comparé à un cèdre

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