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Mais qui trouvera cet ami? Le Sage répond : « Celui qui craint Dieu, » c'est-à-dire l'hnmble qui désire ardemment son avancement spirituel. Puisqu'il est si important, Philothée, d'avoir un bon guide dans les voies de la dévotion, priez Dieu avec ferveur qu'il vous en donne un selon son cœur, et ne doutez pas qu'il ne vous exauce; car, quand il devrait vous envoyer un Ange comme au jeune Tobie, il vous donnera un sage et fidèle conducteur.

En effet, ce doit toujours être un Ange pour vous: c'est-à-dire, quand vous l'aurez trouvé, ne le considérez plus comme un homme, ne vous confiez ni en lui ni en son savoir humain, mais en Dieu, qui vous conduira et vous instruira par son ministère, en mettant dans son cœur et dans sa bouche les sentiments et les paroles nécessaires à votre conduite. Ainsi vous devez l'écouter comme un Ange descendu du ciel pour vous y conduire. Parlez-lui à cœur ouvert, en toute sincérité et fidélité, lui découvrant clairement le bien et le mal qui est en vous, sans déguisement ni détour; le bien sera assuré, et le mal plus promptement corrigé etréparé; votre âme sera plus promptement corrigée et plus modérée dans ses consolations. Ayez en lui une confiance absolue, mêlée d'un respect profond, en sorte que le respect ne diminue point la confiance, et que celle-ci n'empêche pas le respect. Confiezvous en lui avec la soumission d'une fille envers son père, et respectez-le avec la confiance d'un

fils envers sa mère. En un mot, cette amitié doit être forte et douce, toute sainte, toute sacrée, toute spirituelle et toute divine.

« Choisissez-en un entre mille, » dit Avila: et moi je dis entre dix mille, car il s'en trouve bien moins qu'on ne pense qui soient propres à ce ministère. Il faut qu'un directeur soit plein de charité, de science et de prudence: si l'une de ces trois qualités manque, le choix que l'on fera ne sera pas sans danger. Je vous le dis encore, demandez-le à Dieu; et, quand vous l'aurez trouvé, bénissez-en sa divine Majesté; tenez-vous à votre choix, et n'en cherchez point d'autre allez en toute simplicité, humilité et confiance; car vous ferez un très-heureux voyage.

CHAPITRE V

Il faut commencer par purifier l'âme.

« Les fleurs, dit l'Époux sacré, commencent << à paraître dans notre terre, il est temps d'émon« der les arbres et de les tailler. » Quelles sont ces fleurs pour nous, & Philothée, sinon les bons désirs? Or, dès qu'ils se font sentir à notre cœur, il faut s'appliquer à le purifier de toutes les œuvres mortes et superflues. Dans la loi de Moïse, une fille étrangère qui voulait épouser un Israélite devait quitter la robe de sa captivité, se couper les

ongles et se raser les cheveux; quand une âme aspire à l'honneur d'être l'épouse du Fils de Dieu, elle doit se dépouiller du vieil homme, se revêtir du nouveau en quittant le péché, et puis retrancher de sa vie toutes les superfluités qui peuvent la détourner de l'amour de Dieu. Pour guérir le corps, il faut commencer par se débarrasser des humeur nuisibles; il en est de même pour l'âme. Dans saint Paul cela se fit en un instant et d'une manière parfaite, et de même dans sainte Catherine de Gênes, dans sainte Madeleine, dans sainte Pélagie et dans quelques autres saints ou saintes : mais une telle guérison est un aussi grand miracle dans l'ordre de la grâce que la résurrection d'un mort dans celui de la nature, et nous ne devons pas y prétendre. La guérison de l'âme, comme celle du corps, est lente, ne s'opère que par degrés, peu à peu, avec peine et à loisir.

Les Anges de l'échelle de Jacob ont des ailes; cependant ils ne volent pas; mais ils montent et descendent avec ordre, d'échelon en échelon. L'âme qui abandonne le péché pour embrasser la dévotion s'élève peu à peu, comme l'aube du jour, qui ne chasse pas les ténèbres tout à coup, mais peu à peu. Une guérison lente est toujours sûre, dit un proverbe. Les maladies du cœur, comme celles du corps, viennent à cheval ou en poste, et s'en retournent à pied et au petit pas. Il faut donc s'armer de force et de patience en entrant dans la vie dévote. Hélas! quelle pitié de voir des âmes

engagées depuis peu dans la dévotion s'inquiéter, se troubler, se décourager, presque jusqu'à vouloir tout quitter et retourner en arrière! Et, d'un autre côté, quelle dangereuse tentation pour une âme de se croire guérie de ses imperfections dès le premier jour de sa conversion, de se croire parfaite avant même d'être faite, et de se mettre à voler sans ailes! O Philothée, que la rechute est à craindre quand on se prive trop tôt des soins du médecin! << Ne vous levez pas avant la lumière, « dit le Prophète : levez-vous après être demeuré «assis. » Et lui-même, pratiquant ce qu'il enseigne, après avoir été lavé et purifié, demande à l'être de nouveau.

Cet exercice de la purgation de l'âme ne doit et ne peut finir qu'avec notre vie. Ne nous troublons donc point à la vue de nos imperfections; ear notre perfection consiste à les combattre; et nous ne saurions ni les combattre sans les voir, ni les vaincre sans les rencontrer; la victoire que nous en espérons ne consiste pas à ne les point sentir, mais à n'y pas consentir.

Au reste, ce n'est pas y consentir que d'en être fatigué il faut bien, dans ce combat spirituel, que, pour l'exercice de notre humilité, nous soyons quelquefois blessés; cependant nous ne sommes jamais vaincu que quand nous avons perdu ou la vie ou le courage. Or les imperfections et les péchés véniels ne peuvent nous faire perdre la vie spirituelle de la grâce, que le seul

péché mortel nous ravit; il n'y a rien autre chose à craindre, sinon qu'elles nous fassent perdre le courage. Seigneur, disait David, délivrez-moi de l'esprit de lâcheté et de découragement. C'est pour nous une très-heureuse condition, dans cette guerre spirituelle, de pouvoir toujours vaincre, pourvu que nous voulions toujours combattre.

CHAPITRE VI

De la première purification, qui est celle
des péchés mortels.

L'éloignement du péché doit être le premier soin de celui qui veut purifier son cœur; le moyen à employer, le sacrement de pénitence. Cherchez le plus digne confesseur que vous pourrez; ayez un de ces petits livres qui ont été faits pour aider la conscience dans l'examen qu'on doit faire de sa vie, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger, ou autres semblables; lisez-le attentivement, et remarquez de point en point en quoi vous avez offensé Dieu depuis l'usage de raison; si vous vous défiez de votre mémoire, écrivez ce que vous avez remarqué. Après cette recherche de vos péchés, détestez-les avec la contrition la plus vive et la plus parfaite que vous pourrez concevoir, par la considération de ces quatre grands motifs : Que par le péché vous avez perdu la grâce de Dieu, abandonné votre droit au paradis, mérité

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