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c'est comme si nous ne le savions pas. C'est pourquoi nous devons toujours disposer notre âme à l'oraison par une profonde réflexion sur la présence de Dieu. C'est là ce qui occupait David quand il disait: Si je monte au ciel, ô mon Dieu, vous y êtes; si je descends en enfer, vous y êtes encore. Nous pouvons aussi nous rappeler les paroles de Jacob, qui, après avoir vu l'échelle mystérieuse dont je vous ai parlé, s'écria: Oh! que ce lieu est redoutable! véritablement Dieu est ici, et je n'en savais rien ! Il voulait dire qu'il n'y avait pas réfléchi; car il ne pouvait ignorer que Dieu est partout. Quand donc vous commencerez votre oraison, dites de tout votre cœur à votre cœur même: « O mon cœur, mon cœur, Dieu est véritablement ici. >>

Le second moyen de se mettre en la présence de Dieu est de penser que non-seulement il est où vous êtes, mais qu'il est en vous-même, au fond de votre âme, qu'il la vivifie, l'anime et la soutient par sa divine présence, étant là comme le cœur de votre cœur, et l'esprit de votre esprit. Car, comme l'âme, qui est répandue dans tout le corps, réside néanmoins dans le cœur d'une manière spéciale, de même Dieu, qui est présent partout, l'est beaucoup plus dans notre âme; aussi David appelait-il Dieu le Dieu de son cœur, et saint Paul dit-il que nous vivons, que nous agissons et que nous sommes en Dieu. C'est aussi cette pensée qui excitera dans votre cœur un profond respect

pour Dieu, qui lui est si intimement présent.

Un troisième moyen dont vous pouvez vous aider est de considérer le Fils de Dieu en son humanité, regardant du haut du ciel tout ce qu'il y a de personnes au monde, mais particulièrement les chrétiens, qui sont ses enfants, et encore plus spécialement ceux qui sont actuellement en prière, et dont il observe les actions bonnes ou mauvaises. Or ceci n'est pas une simple imagination, mais une vérité positive; car, bien que nous ne le voyions pas comme saint Étienne le vit dans son martyre, cependant il a les yeux attachés sur nous comme il les avait sur lui; et nous pouvons lui dire quelque chose de semblable à ce que l'épouse des Cantiques dit de son époux : Le voilà derrière la muraille, regardant par la fenêtre et à travers les barreaux. Je ne puis le voir; mais il me voit, et il me regarde.

La quatrième manière consiste à s'imaginer que Jésus-Christ est dans le même lieu que nous, comme si nous le voyions devant nous, et à peu près comme nous avons coutume de nous représenter nos amis, et de dire: Je m'imagine voir un tel faire ceci et cela; il me semble que je le vois, que je l'entends. Mais, Philothée, si vous étiez dans le très-saint Sacrement de l'autel, cette présence de Jésus-Christ dans l'église avec vous serait très-réelle, et non pas seulement imaginaire; car les espèces ou apparences du pain sont comme un voile qui le cache à nos yeux: vérita

blement il nous voit et nous considère, quoique nous ne le voyions pas en sa propre forme. Vous vous servirez donc de l'une de ces quatre pratiques pour vous mettre en la présence de Dieu, et non pas de toutes les quatre ensemble; cela doit même se faire brièvement et simplement.

CHAPITRE III

De l'invocation, second point de la préparation.

L'invocation se fait de cette manière : votre âme, se sentant en la présence de Dieu, se pénètre d'un grand respect et se juge absolument indigne de paraître devant lui; néanmoins, sachant que Dieu le veut ainsi, elle lui demande la grâce de le servir et de l'adorer dans cette méditation. Si vous le voulez, vous pouvez user de quelques paroles courtes et enflammées, comme celles-ci, qui sont de David: Ne me rejetez point, ô mon Dieu, de devant votre face, et ne m'ôtez pas votre Saint-Esprit : faites briller votre face sur moi, et je considèrerai vos merveilles: donnezmoi l'intelligence, et j'observerai votre loi de tout mon cœur. Il est encore fort utile d'invoquer votre saint Ange gardien et les saintes personnes qui auront eu quelque part aux mystères que vous méditez, comme, dans la méditation de la mort de Notre-Seigneur, la sainte Vierge, saint Jean, sainte Madeleine, et les autres saints ou

saintes, les priant de vous communiquer les sentiments qu'ils y eurent; ou bien, dans la méditatio de votre propre mort, votre saint Ange gardien, qui y sera présent; et il fant observer cela dans tous les autres mystères ou sujets d'oraison.

CHAPITRE IV

De la proposition du mystère, troisième point
de la préparation.

Après ces deux points ordinaires de la méditation, il en est un troisième qui n'est pas commun à toutes les méditations, et qu'on appelle la composition du lieu où la représentation intérieure. Ce n'est pas autre chose qu'un exercice de l'imagination par lequel on se représente le mystère ou le fait qu'on veut méditer, comme si les choses se passaient réellement sous nos yeux. Par exemple, si vous voulez méditer la mort de Jésus sur la croix, vous vous imaginerez être sur le Calvaire, voir tout ce qui s'y fit, entendre tout ce qui se dit au jour de la passion; ou bien encore, ce qui est la même chose, vous vous imaginerez qu'au lieu même où vous êtes se fait le crucifiement de NotreSeigneur avec toutes les circonstances décrites par les évangélistes; il en sera de même quand vous méditerez sur la mort, ainsi que je l'ai indiqué dans la méditation qui l'a pour objet ; sur l'enfer, ou sur tout autre sujet qui représente des choses

visibles et sensibles. Mais cette pratique ne convient pas aux méditations dont les sujets n'ont rien de sensible, telles que sont la grandeur de Dieu, l'excellence des vertus, la fin de notre création. Il est vrai que l'on pourrait y employer quelque similitude ou comparaison, comme nous le voyons dans les belles paraboles du Fils de Dieu; mais cela n'est pas sans difficulté, et je ne veux traiter avec vous que fort simplement et sans fatiguer votre esprit de la recherche de semblables idées. Or l'utilité de cet exercice de l'imagination est que nous renfermons notre esprit dans l'étendue du sujet que nous méditons, afin qu'il ne nous échappe pas pour se répandre sur d'autres sujets; nous agissons envers lui comme envers un oiseau que l'on enferme dans une cage, ou envers un épervier que l'on attache afin qu'il demeure sur le poing.

Quelques-uns vous diront qu'il vaut mieux, dans la représentation des mystères, user de la simple pensée de la foi et de la simple vue de l'esprit, ou bien les considérer comme s'ils se passaient dans votre esprit; mais cela est trop subtil pour une commençante; et, à l'égard de tont ce qui est d'une plus grande perfection, je vous conseille de vous tenir au pied de la montagne avec beaucoup d'humilité, jusqu'à ce que Dieu vous élève plus haut.

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