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les classes de la population, sans aucune distinction de naissance ni de culte, jouiront de l'égalité des droits civils, et particulièrement du droit de propriété dans toutes les formes; mais l'exercice des droits politiques sera suspendu pour les indigènes placés sous une protection étrangère. » Il n'est pas fait mention, ici non plus, des droits des nationalités, mais l'expression: << tous les Moldaves et tous les Valaques » a permis cette fois de ne pas faire le renvoi traditionnel à la « raison de la race et de la religion ».

Le traité de Berlin de 1878, empreint des tendances réactionnaires de ses inspirateurs et rédacteurs, fait un retour vers l'ancienne thèse condamnée déjà par l'histoire, de la tolérance limitée uniquement à des libertés d'ordre religieux. Il ne va pas plus loin que la reconnaissance d'une égalité de droit, libre de distinctions confessionnelles. Et encore, cela même ne fut-il possible de l'obtenir que grâce à l'opiniâtreté exceptionnelle du premier plénipotentiaire de la France, M. Waddington, soutenu partiellement par les deux plénipotentiaires de la GrandeBretagne, Beaconsfield et Salisbury. Bismarck ne manifesta qu'une opposition relativement molle. La résistance la plus acharnée fut montrée par les délégués russes, Gortchakoff et Chouvaloff.

Par rapport à tous les États formés au Congrès de Berlin, la Bulgarie, le Monténégro, la Serbie et la Roumanie, furent adoptés les articles 5, 27, 35 et 44, ayant tous le même sens. Chacun de ces articles disait : « en Bulgarie (respectivement : « dans le Monténégro, » « en Serbie, »<< en Roumanie, ») » la distinction des croyances religieuses et des confessions ne pourra être opposée à personne comme un motif d'exclusion ou d'incapacité en ce qui concerne la jouissance des droits civils et poli

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tiques, l'admission aux emplois publics, fonctions et honneurs, ou l'exercice des différentes professions ou industries dans quelle localité que ce soit. La liberté et la pratique extérieure de tous les cultes seront assurés à tous les ressortissants de l'État bulgare (respectivement: « du Monténégro,» « de la Serbie, » « de l'État roumain, ») aussi bien qu'aux étrangers, et aucune entrave ne sera apportée, soit à l'organisation hiérarchique des différentes communions, soit à leurs rapports avec leurs chefs spirituels. >>

Pour terminer notre revue, nécessairement schématique, des actes officiels les plus importants qui, au cours du XIXe siècle, furent édictés en vue de sauvegarder les intérêts religieux, de race, et quelquefois, de langue des minorités, il nous reste encore à mentionner ici le traité particulier de commerce et de navigation conclu entre la Russie et les États-Unis de l'Amérique du

Nord.

Ce traité qui porte la date du 18 décembre 1832, obtint plus tard une grande notoriété, principalement, en raison des circonstances qui motivèrent, en 1911, le refus des États-Unis de le renouveler. Le gouvernement tsariste chercha à imposer aux Juifs d'Amérique venant en Russie les mêmes restrictions de droits que celles subies par les Juifs de Russie. Il appuyait ses intentions à ce sujet sur cette considération que les Juifs étrangers ne pouvaient jouir en Russie ni de droits plus étendus ni de privilèges par rapport aux Juifs indigènes. Or, le gouvernement de la république transatlantique ne pouvait admettre que des citoyens américains fussent placés par un État étranger dans des situations différentes selon la race ou le culte auxquels ils appartenaient.

L'art I. de ce traité disait : « Il y aura entre les terri

toires des hautes parties contractantes liberté et réciprocité de commerce et de navigation. Les habitants de leurs États respectifs pourront réciproquement entrer dans les ports, places et rivières des territoires de chacune d'elles, partout où le commerce étranger est permis. Ils seront libres de s'y arrêter et résider dans quelque partie que ce soit des dits territoires pour y vaquer à leurs affaires, et ils jouiront à cet effet de la même sécurité et protection que les habitants du pays dans lequel ils résideront à charge de se soumettre aux lois et ordonnances y établies et en particulier, aux règlements de commerce en vigueur. »

Dans ce cas, comme dans ceux que nous avons cités plus haut, les défenseurs du progrès et de la liberté aussi bien que leurs adversaires, ont envisagé l'égalité civile et politique d'une manière étroite et incomplète. Ils ont assimilé cette égalité à une absence de limitation de droits pour des motifs d'ordre religieux, de race ou de langue. Ils ont défendu la liberté individuelle de personnes prises à part, non organisées en collectivités. Mais ils ont été très éloignés de l'idée de protéger des droits de groupements ou de collectivités, reconnus comme unités juridiques. Et c'est pourquoi ils n'ont pas considéré ces groupements ou collectivités, ni même les les individus pris à part, comme unités auxquelles on devait reconnaître tels droits déterminés ils se sont simplement considérés eux-mêmes, autrement dit, les puissances et les gouvernements qu'ils représentaient et qui signaient les conventions internationales, comme seule source et seule garantie des régimes instaurés.

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II

LES DROITS DES MINORITÉS
DANS L'IDÉOLOGIE DU

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SOCIALISME

Si maintenant des actes de chancelleries diplomatiques, nous nous tournons vers ce qui est l'essence même de l'opposition de principe non seulement à cette diplomatie, mais, ce qui plus est, à toute l'organisation sociale et politique actuelle elle-même, en d'autres termes, si nous nous tournons vers l'idéologie du socialisme, nous sommes obligés de constater, hélas ! ici également, que tout n'y a pas toujours été, que tout n'y est pas encore aujourd'hui pour le mieux en ce qui concerne la reconnaissance ferme de l'inviolabilité des droits des minorités.

Sans doute, la liberté de confession n'a jamais soulevé, ici, aucun doute. Mais la liberté de la religion, considérée comme une « affaire privée » de particuliers, n'a jamais été considérée, ici non plus, autrement qu'une des manifestations de la liberté individuelle en général. L'ensemble des droits politiques et sociaux de l'homme et du citoyen renfermait déjà la revendication de l'égalité civile, indépendante de la question de religion, de nationalité, de race ou de langue.

Mais là s'arrêtait l'idéologie socialiste. Durant tout le XIXe siècle presque, elle n'alla pas plus loin que cette reconnaissance, assez générale, en somme, des droits de l'individu. Pendant toute cette période orageuse de développement du mouvement socialiste et d'épanouissement superbe des forces morales et intellectuelles du socialisme, il est impossible de trouver dans celui-ci des signes suffisamment nets attestant qu'il se rendait compte que le problème de la protection des droits des minorités viendrait fatalement compliquer la question d'une organisation plus juste de l'existence des majorités, dans les sociétés. On n'a même pas toujours pu constater, chez les socialistes, une compréhension nette de ce fait très simple que les contradictions nationales ne coïncident pas nécessairement avec les antagonismes de classes et qu'elles ne peuvent pas dès lors être résolues entièrement et définitivement par l'établissement de l'égalité civile.

La première Internationale socialiste divisait les peuples, non d'après les États auxquels ils appartenaient ni d'après les territoires qu'ils occupaient, mais d'après les langues qu'ils parlaient. En s'adressant avec sa propagande aux prolétariats de divers pays, elle l'adaptait suivant les différences de langues. « La sphère d'action de l'administration centrale d'une nation ne se borne point aux limites de tel ou tel État, proclamait le mémorial du Comité central de langue allemande, présenté au Congrès du parti social démocrate allemand - à Eisenach, en 1869; elle s'étend également aux autres États où la même langue est employée. » Conformément à ce principe, le « Congrès général des ouvriers allemands » à New-York et la section allemande à San-Francisco furent subordonnés, au point de vue de l'organisation,

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