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Ce memorandum se tenait entièrement sur le terrain des principes. Il ne disait mot des droits des Juifs en tant que Juifs. Il défendait les droits de toutes les minorités nationales, confessionnelles, de race ou de langue. Il proclamait le principe de droit, et non une situation de fait, il proclamait le droit égal pour tous et non des privilèges ou des exceptions en faveur des uns et au détriment des autres; enfin, il appliquait ces principes à toutes les minorités de la Bulgarie, de la Grèce, de la Pologne, de la Russie, de la Roumanie, de la Finlande, de la TchécoSlovaquie, de la Yougo-Slavie et d'autres pays de l'Orient ou de l'Europe centrale, qui n'ont pas, comme les pays de l'Europe occidentale, une population homogène.

Partant des intérêts des Juifs, le memorandum ne se bornait pas là, cependant, et il s'élevait bien au dessus de la défense des intérêts particuliers juifs : là est son principal intérêt et sa grande importance.

Le memorandum en question fut créé par les conditions toutes spéciales où le peuple juif avait été placé. Dispersé parmi les autres nations du monde, il se trouva par là même en état de concevoir d'une manière plus directe que les autres l'organisation rationnelle de l'existence internationale. Il était intimement intéressé à ce que le régime de droit, d'égalité et de liberté fût universellement adopté et devînt le patrimoine général de tous.

Dans leur exposé des motifs, les auteurs du memorandum définissaient leurs buts de la façon suivante : « Par des garanties constitutionnelles adéquates et la sanction éventuelle de la Société des Nations, assurer aux populations des États récemment créés ou agrandis en Europe, les droits suivants :

1o Liberté civile, religieuse et politique pour les individus;

20 Droit d'organisation et de développement pour les minorités nationales;

3o Égalité de statut pour les individus et pour les minorités nationales. >>

L'exposé des motifs conclut comme suit : « Nous demandons en faveur des neuf millions de Juifs des pays qui doivent être maintenant reconstitués politiquement, que cette charte de liberté leur soit garantie, ainsi qu'à tous les autres habitants de ces pays, et qu'une complète émancipation et la possibilité d'un entier développement leur soient assurées. Pendant des siècles, ils ont été privés des droits humains les plus élémentaires, soumis à une oppression intolérable et à un régime d'exception odieux. Si à une époque où le monde se reconstitue sur une base de justice et de liberté, des minorités nationales devaient seules être privées de ces biens, leur sort désespéré reculerait les bornes du tragique. >>

Le memorandum se compose de deux parties inégales. La seconde, et la plus brève, autorise chacune des parties ayant signé les articles contenus dans la première partie à déposer plainte, s'il y a lieu, devant la Société des Nations ou devant le Tribunal que cette Société aura créé. Dans la première partie sont exposés les articles que le Comité demande à la Conférence de la paix d'incorporer dans les divers traités et conventions projetés par elle. Ces articles sont renfermés en neuf paragraphes et sont formulés sous forme d'engagements assumés par la partie signataire à l'égard de chacune des puissances alliées ou associées. Les engagements ont le caractère d'obligations internationales relevant de la juridiction de la Société des Nations.

Sous l'influence directe et manifeste de ce memorandum

furent composés et même rédigés les articles des sections des traités internationaux de 1919 et 1920, concernant la protection des droits des minorités. Seul, l'article 7 du memorandum n'a pas trouvé d'application dans les traités en question. Cet article prévoyait la création de curies nationales, laissant à chaque minorité nationale le droit de contribuer dans une certaine proportion à la formation des différents corps électifs de l'État, du département, de la commune, ou autres. Cette proposition est la seule qui n'ait pas été prise en considération par les auteurs des traités; il est vrai, d'ailleurs, que ce n'était pas là le vrai remède contre la situation injuste des minorités.

LE DROIT

DES MINORITÉS
DANS LES TRAITÉS DE 1919-1920

Le premier des traités signés à Versailles par les puissances alliées et associées, le traité conclu avec l'Allemagne, contient déjà, dans l'art. 93, notamment, une mention indiquant l'obligation de la Pologne << de garantir les intérêts de ses habitants qui diffèrent de la majorité de la population au point de vue de la race, de la langue et de la religion ». Sur les vingt et un articles du traité qui fut signé le 28 juin 1919, d'une part, par les cinq grandes puissances et, d'autre part, par la Pologne, douze furent consacrés à la protection des droits des minorités en question.

Le traité de Saint-Germain, conclu ensuite avec l'Autriche le 10 septembre 1919 parle des droits des minorités dans les art. 62 à 82, 228, 230 et 263 et prévoit de semblables engagements en ce qui concerne la SerboCroatie-Slavonie, la Tchéco-Slovaquie et la Roumanie, notamment dans les art. 51, 57 et 60.

Les traités avec les États de Serbo-Croato-Slavonie et de Tchéco-Slovaquie, liés directement à celui de Saint

Germain et signés à la même date du 10 septembre, sont ceux qui sont consacrés, par excellence, à la protection des droits des minorités. Le traité avec la Serbo-CroatoSlavonie, n'est composé que de seize articles, sur lesquels les onze premiers traitent de cette question; le traité tchéco-slovaque y consacre ses neuf premiers articles et son art. 14.

Le traité conclu avec la Bulgarie le 27 novembre 1919 à Neuilly-sur-Seine parle de la protection des minorités dans ses art. 39, 40, 44, 46, 49 à 57. L'art. 46 de ce traité prévoit spécialement à l'égard de la Grèce les mêmes engagements que ceux imposés à la Pologne par l'art. 93 du Traité de Versailles.

Dans le traité conclu avec la Roumanie à Paris, le 9 décembre 1919 et qui n'est composé que de dix-sept articles, douze articles sont consacrés à la réglementation des droits des minorités.

Le traité avec la Hongrie signé au Trianon le 4 juin 1920 traite des droits des minorités dans les art. 54 à 66.

Le traité conclu avec la Turquie à Sèvres le 10 août 1920 réglemente la protection des droits des minorités dans les art. 140 à 151 (partie IV).

Le traité avec la Grèce n'est pas encore publié.

A quelques exceptions secondaires près, les droits des minorités ont été réglementés dans tous les dix traités d'une façon analogue. Et le traité conclu avec la Pologne, le premier en date, peut servir d'exemple le plus typique et en même temps le plus complet de la manière dont ces droits ont été définis et réglementés.

Les articles premier et dernier du traité avec la Pologne,

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