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peuples? Le pacte remet-il entre les mains des intéressés, c'est à dire des petits peuples et nationalités, la protection des droits qu'il leur a reconnus ?

A toutes ces questions, hélas ! on est obligé de répondre par la négative. Si le président Wilson a diagnostiqué justement la cause profonde de la guerre mondiale, alors les mesures par lesquelles on compte prévenir le retour de guerres sont, de toute évidence, insuffi

santes.

Le fait qu'à côté de la Grande-Bretagne les colonies et les Dominions britanniques se sont trouvés également représentés au sein de la Société des Nations ne signifie pas évidemment que seuls des pays comme le Canada, la Nouvelle-Zélande, etc., forment des unités nationales ou territoriales déterminées, alors que telles colonies non britanniques, tels territoires, États ou cantons n'ont pas soi-disant ce caractère d'unité définie. Les statuts de la Société des Nations, tels qu'ils sont sortis des mains de leurs rédacteurs de Versailles, portent des traces évidentes de l'influence prépondérante non seulement du génie anglais, mais encore des intérêts britanniques.

D'ailleurs, les imperfections et l'état de non parachévement de la Société des Nations, dans sa structure actuelle, sont reconnus par tous ses amis les plus sincères, par tous ceux qui, loyalement, lui souhaitent une longue et digne carrière. Sans parler des courants d'opinion socialistes, qui manifestent des sympathies réelles envers l'idée de la Société, mais qui en critiquent vigoureusement l'incarnation pratique, d'autres groupements politiques ou sociaux se préoccupent, dans bien des pays, de trouver des voies et des moyens propres à contribuer au développement du principe sur lequel est basé le pacte de la Société des Nations.

Il suffit, en effet, pour s'en convaincre de rappeler, par exemple, des noms - jouissant d'une notoriété considérable hors même de leur propre pays tels que Léon Bourgeois en France, Gugliemo Ferrero en Italie, Edward Grey, Robert Cecil et le général Smints en Angleterre, Paul Hymans en Belgique, le professeur Nieppold en Suisse, le professeur Schücking en Allemagne, le professeur Ehrlich en Autriche, Fritiöf Nansen en Norvège, etc.

Rappelons aussi le vœu exprimé par l'Union interparlementaire de la Suède, de la Norvège et du Danemark encore à la veille de l'élaboration du pacte et tendant à ce que ce pacte ne soit pas une charte octroyée aux petites nations par celles qui se sont d'ellesmêmes attribué la qualité des grandes puissances. Nostra res agitur, disaient les représentants des groupes interparlementaires des pays scandinaves qui ont, pendant la guerre, conservé leur neutralité et qui ont tout de même désiré prendre leur part à l'élaboration du pacte de la Société des Nations.

Rappelons.encore les propositions formulées à peu près à la même époque par la conférence des soixante associations neutres de Berne, qui estimaient que la Société des Nations devait embrasser toutes les nations autonomes disposant d'institutions appropriées pour l'exécution des tâches fédérales. En cas de doute, le Tribunal international soumettra son avis au Conseil exécutif qui statuera en dernier lieu sur l'admission de la nation en question. Ce droit ne sera pas refusé au peuple juif constitué sur une base démocratique. Le Saint-Siège sera admis à collaborer aux œuvres de la Société des Nations.

La troisième Conférence internationale des associations

pour la Société des Nations, réunie à Bruxelles du 1er au 3 décembre dernier, a discuté, entre autres choses, la question de la participation de la Papauté à la Société des Nations. On y a soulevé cette même question qui a été résolue par l'affirmative dans le projet allemand de la Société des Nations, rédigé par l'Association allemande du droit des gens et publié par la Gazette de Francfort le 28 janvier 1919.

La Conférence de Bruxelles a répondu négativement à la question si la Papauté représente une nation. Mais, en même temps, elle a reconnu que le Saint-Siège est une puissance qu'elle n'a pas cru possible d'écarter catégoriquement de toute participation à la Société des Nations, avant d'avoir soumis cette question à une étude préalable. La question a donc été renvoyée au Bureau en vue d'un examen approfondi. Mais le seul fait qu'elle ait été posée est, en lui-même, caractéristique et symptomatique. Il pose le problème sur une base plus large.

Et il est permis de prévoir que si l'organisme de la Sóciété des Nations fait preuve de vitalité, toutes les forces politiques, morales et sociales, qui jouent un rôle dans la société actuelle y trouveront leur expression et leur application dans telle ou telle mesure. Et à côté de la représentation des États souverains, des Dominions non souverains et des colonies autonomes une certaine forme et une certaine mesure d'influence ne pourront pas ne pas être accordées aux peuples et aux nationalités, qu'ils soient grands ou petits, opprimés ou non.

Une certaine forme et une certaine mesure d'influence. ne pourront pas ne pas être accordées aux minorités reconnues comme telles dans l'ordre international.

CONDITIONS D'UNE ORGANISATION

RATIONNELLE DE LA PROTECTION
DES DROITS DES MINORITÉS

Tous les États ne sont pas intéressés dans la même mesure à voir solutionner d'une manière rationnelle le problème de la protection des droits des minorités. Les grands États ayant une population variée, appartenant à des nationalités diverses, parlant de différentes langues, confessant de différentes religions, y ont évidemment un intérêt plus grand que ceux dont la population est, au point de vue de la race, de la religion et du langage, plutôt homogène. Cependant, le problème dont il s'agit touche plus ou moins directement, à un point plus ou moins prononcé, tous les États et tous les peuples.

Russes, Allemands, Polonais, Bulgares, Grecs, Turcs, Tchèques, Tartares, Roumains, Japonais, Chinois, Nègres, Européens ou Américains, musulmans, chrétiens ou bouddhistes, tous les hommes, sous quelque latitude ou altitude qu'ils vivent, ont un intérêt intime à ce que la protection des droits des minorités soit organisée rationnellement. Ce problème continue encore

à se dresser partout sous l'aspect tragique de ce qu'on appelle la question juive. L'interdépendance internationale est devenue universelle. Ainsi que l'a dit le président Wilson, dans son discours du 11 février 1918, que nous avons déjà cité, « dans le monde nouveau où nous vivons, la justice et les droits des peuples affectent tout le champ des relations internationales au même titre que l'obtention des matières premières et de justes et équitables conditions commerciales. »

Il faut prendre ce fait pour base fondamentale du problème à résoudre. Et alors, on devra introduire la protection des minorités dans les codes de tous les États, quel que soit leur rang ou leur situation, que ce soient des États grands ou petits, diminués à la suite de la guerre ou créés par celle-ci, victorieux ou vaincus, ou encore neutres. Devenu universel, le principe de protection des droits des minorités ferait partie comme élément intégrant de la vie même des peuples, mais non pas à titre de prévention ou de répression à l'égard d'un État dont la conduite aurait suscité des doutes, ni comme compensation de la part d'un petit État pour les bienfaits reçus des grandes puissances tutrices. Alors disparaîtrait ce sentiment acerbe d'humiliation, éprouvé par les États secondaires à l'idée que ce n'est qu'à eux que la protection des minorités est imposée, obligation qu'ils ressentent comme une sorte de capitis diminutio, comme une restriction injuste et unilatérale de leur souveraineté. La protection des minorités acquerrait alors le caractère d'un principe fondamental, incontesté et inébranlable, du droit contemporain.

L'organisation rationnelle de la protection des droits des minorités est relativement simple dans les cas où telle où telle minorité se rattache à un territoire déter

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