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le produit de leurs vers à foie quand ils ne changeroient rien d'ailleurs dans leur méthode ordinaire.

Nos Magnaguiers tiroient autrefois leur graine d'Efpagne; c'étoit celle qui avoit plus de réputation. Olivier Serre, Sieur du Pradel, qui étoit Cevenois, dit de cette graine, elle eft plus valereufe dans notre Pays que tout autre. Les Habitans de Lombardie & de Bretagne faifoient leur provifion en Calabre dont les vers à foie plus gros & plus robustes rendoient plus de foie.

Les Magnaguiers expérimentés font revenus du préjugé où l'on étoit à cet égard: lorfqu'ils font dans le cas de renouveller leur graine, ils n'ont point recours à celle de l'étranger toujours douteufe ils trouvent mieux leur comptes aux graines du Pays; elles réuffiffent tout auffi-bien; ils les ont à moins de fraix & elles ne font point expofées aux périls du transport.

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On obferve feulement lorsqu'on habite la plaine ou les fonds, toujours plus chauds, de faire fa provifion dans

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les Pays froids des Montagnes : & à l'égard de ceux dont le climat est également frais, l'échange mutuel qu'ils font entre eux de leurs graines fuffic ordinairement pour opérer d'heureux changemens dans leurs éducations.

Des apprêts de la graine.

Avant de finir ce qui regarde la graine il nous refte à parler des différens apprêts que quelques Magnaguiers y font en la faifant tremper dans quelque liqueur immédiatement avant la

couvée.

Il arrive rarement qu'on faffe tremper la graine dans de l'eau: l'effet ordinaire d'un pareil bain est de procurer plus de traîneurs à la naissance, de rendre la graine plus dure ou plus difficile à éclorre & d'allonger inutilement la couvée [a]. Cette raison feule

(a) Le feul avantage que la pratique de ce bain pourroit produire feroit d'empêcher les graines d'éclorre pendant un long trajet qu'on leur feroit faire dans un climat chaud : il fupplééroit même au défaut d'un endroit

doit même détourner d'humecter le bois, le papier, d'autres matières fur lefquelles la graine auroit été pondue & d'où l'on ne peut guere l'en détacher autrement qu'en l'humectant.

Il eft plus ordinaire lorfqu'on est fur le point de couver, de mettre tremper la graine dans le bon vin & de l'en tirer après quelques inftans pour la faire fécher tout de fuite plutôt à l'air qu'au foleil, en l'éparpillant fur un linge. Cet ufage, qui eft fort ancien, est fondé fur l'opinion que le vin fortifie la graine, fait naître les vers enfemble, les fait marcher de pair, leur

affez frais, pour les garantir des ardeurs d'un Eté qui furpafferoit de beaucoup le nôtre. C'est pour cela peut-être que les Chinois (s'il faut en croire un ancien manufcrit rapporté par le P. Duhalde) donnent à leurs graines plufieurs bains d'eau fraiche: ils la plongent de tems à autre dans une rivière avec le papier où elle tient, ils l'expofent même quelquefois à la pluye & à la neige.

A cela près, on doit éviter de mouiller la graine avec de l'eau, qui lui donne une couleur terne que les connoiffeurs diftinguent au premier coup-d'œil.

donne de la vivacité, les rend moins acceffibles aux maladies & empêche les graines de dégénérer. Les Auteurs (b) Italiens infiftent beaucoup fur cette pratique; c'étoit une raifon pour l'éprouver, afin de s'afsûrer s'il n'y avoit rien à rabattre des magnifiques promeffes qu'ils font à ce fujet. Voici en peu de mots le fuccès des expériences que je fis.

Je mis tremper dans plufieurs fortes de vins pendant un Miferere, comme il eft indiqué indifférens lots de graine; & après les avoir faits fécher, je les mis

(6) Le Guidoboni dit au fujet du bain de la graine dans du vin : che fi faccia esperienza di cento nova pofte nel vino, è di altretante non bagnate, ch'el fatto farà conofcere la differenza.

Le Gallo dit auffi, di qui dipende la falute d'allevar i Cavalieri, i quali reftano taimentefortificati dal vino, che fono per fopportar qualfivoglia forte di mal tempo è laminar uniti tutti ad un tempo.

Enfin le Cor Succio, en parlant des Vers à foie provenus de cette graine baignée, ajoute, diventa no più gagliardi, fanno boccioli più duri, la feta più forte.

tous couver de la même façon dans des paquets féparés & bien étiquetés.

La graine qui avoit été dans du Jufclan, qui cft un vin du Rhône très fpiritueux, vint à éclorre un jour plutôt qu'un paquet de même graine qui n'avoit eu aucun bain & qui me fervoit de pièce de comparaison.

Il n'y cut point à cet égard de différence bien fenfible pour les autres paquets que j'avois mis dans de bon vin du Pays. Et pour ce qui eft de la réusfite des vers des uns & des autres paquets, j'en eus de ceux dont les graines avoient été trempées qui réuffirent très-bien; mais il y en eut en revanche dont le fuccès fut médiocre,tout comme il arrive aux Vers dont les graines n'ont eu aucune forte d'apprêt: & enfin les Vers du paquet dont les graines qui n'avoicntpoint été trempées réuffirent tout auffi-bien que ceux qui l'avoient été.

J'éprouvai en fecond lieu que le vin de Chipre & le mufcat empêchent nonfeulement la graine d'éclorre, mais qu'ils la font périr auffi immanquablefi on l'avoit plongée dans

ment que

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