Images de page
PDF
ePub

Commencement de la couveé artificielle.

On chauffe différemment la graine au commencement, au milieu, & à la fin de la couvée : les Magnaguiers commencent dans le tems marqué la couvée artificielle, en plaçant les noucts aux graines dans la paille foulée, ou brifée fur laquelle ils couchent; les nouets y font enfoncés de quelques travers de doigt au bas du lit, afin que la graine foit à portée de recevoir, pendant la nuit feulement, la foible chaleur des pieds.

Elle ne reçoit de cette façon qu'environ quinze à feize degrés de chaleur qui diminue même infenfiblement lorfque le Magnaguier fe leve pour vaquer à d'autres occupations pendant la journée: il donne feulement dès le fecond ou le troisieme jour, un coup d'œil à fes paquets, pour les ouvrir, pour retourner la graine; on peut fe pafler d'y regarder plus fouvent, lorfqu'elle eft au large & qu'elle a été bien Hivernée.

Mais fi la faifon a été chaude

pendant les mois de Février & Mars & que les graines ayent été trop à portée de l'éprouver, on doit être plus attentif à ce commencement de couvée; cette foible chaleur qui ne fait que préparer les graines bien Hivernées à en recevoir une plus forte, suffit quelquefois pour faire éclorre celles qui ont été trop chaudement Hivernées & l'on s'apperçoit en ce cas, qu'elles blanchiffent dès le troisième jour, qu'elles ont été à la paille: on doit faire alors fréquemment, & dès le commencement, la manoeuvre précédente, d'ouvrir le nouet, de remuer la graine, fi l'on y a manqué, autant vaut-il la jetter de bonne heure; furtout fi elle avoit commencé à blanchir avant de la mettre à la paille: les Vers qui en éclofent font très beaux en apparence, & l'on est tout étonné qu'ils périffent peu à peu de la maladie des gras; maladie qui eft plus générale à mesure que la graine a été plus entaffée pendant l'hivernage.

Dans les pays chauds, tels que l'Italie

les Vers à foie éclofent dit-on, dès le

troifième ou quatrième jour de la couvée & l'on s'y prend fans doute de façon à les faire réuffir. Les couvées de ce pays-ci durent communément dix à douze jours, & dans les années où ce tems eft abrégé de moitié il périt beaucoup plus de Vers à foie parce qu'il eft rare qu'on prenne dès le commencement de la couvée, les précautions dont j'ai parlé & qu'on n'a coutume de mettre en ufage que vers le milieu ou la fin.

Bien des Magnaguiers regardent la couvée à la paille comme une chofe affez indifférente & ils la font en conféquence négligemment, les uns en oubliant entiérement les paquets fans y regarder de quatre ou cinq jours (ce qui tire moins à conféquence s'ils ont été Hivernés froidement, ) d'autres en donnant brufquement dès le commencement une forte chaleur.

Cependant les plus expérimentés conviennent unanimement qu'il ne faut chauffer la graine que par dégrés & n'y donner d'abord que le peu de chaleur que nous avons marquée &

qu'on augmente peu peu tous les jours fi la faifon eft avancée. En effet lorfque la couvée eft brufquée & qu'on y donne dès le commencement une chaleur pareille à celle qu'on n'a coutume de donner que cinq ou fix jours après, les graines n'éclofent jamais bien; il en périt une bonne partie & l'on fe trouve reculé pour avoir été trop vîte.

C'est ce qui arriva en 1755 où l'on fut furpris par la pouffée de la feuille qui arriva tard & tout à coup, les Magnaguiers effrayés de ce contre-tems & craignant que leurs Vers ne fuffent trop tardifs, poufferent vivement la couvée, au lieu d'amener peu à peu la chaleur en l'augmentant d'un jour à l'autre.

J'eflayai la même année de commencer brufquement dans la faifon ordinaire la couvée de deux paquets de graine qui avoit été bien hivernée (b) je donnai d'abord à l'un trente

(a) Cette circonftance de l'hyvernage change entièrement l'efpéce de cette expérience-ci avec une autre toute pareille déjà rapportée,

[ocr errors]

deux dégrés de chaleur & vingt-huit à l'autre la graine du premier ne blanchit feulement pas & je n'en vis éclorre qu'une douzaine de Vers : la chaleur n'avoit cependant pas été trop forte, puifque j'en ai fouvent donné d'avantage fans aucun inconvénient elle n'avoit été que déplacée: la moitié de la graine du second paquet périt de même que prefque toute celle du premier, le refte vint à éclorre & les Vers furent roux en naiffant; tandis que dans mes autres couvées, faites à une chaleur graduée, il ne resta prefque pas de graine fans éclorre.

C'eft, au refte, le feul inconvénient qui arrive aux couvées trop preffées favoir, que les graines n'éclofent pas en tout ou en partie, car d'ailleurs les Vers à foie qui en viennent ne laiffent pas de réuffir: mais cet inconvénient eft affez grand pour qu'on ne fe hâte que lentement: fi au furplus on eft preflé par la saison, la faifon, c'est-à-dire

qui n'avoit été faite qu'avec de la graine recemment pondue, ce qui empêche de confondre l'une avec l'autre.

« PrécédentContinuer »