Images de page
PDF
ePub

nairement à l'habileté du Magnaguier; c'eft uniquement dans une pofition contraire qu'il fait briller fon adreffe, ou lorfqu'il a à lutter contre l'intempérie des faifons & d'autres fâcheux obftacles qu'il trouve fur fon chemin. Les Auteurs de ces méthodes auroient donc dû, pour fe rendre utiles, donner une defcription exacte des Lieux où ils prétendent avoir fouvent réuffi; & marquer les autres circonftances où ils fe font trouvés, faciliter au Lecteur les moyens d'y placer fon éducation, ou pour l'aider à tirer parti de fa pofition, telle qu'elle puisse arre, & qu'il n'eft pas toujours le maître de changer à fon gré. ά

› pour

C'est par des obfervations pareilles & fur-tout par la voie des expériences qu'on peut apprécier le degré de valeur de ces pratiques qu'on nous vante & le fonds qu'on doit y faire. Mais ces expériences, pour être bien faites, demandent des attentions dont nos Magnaguiers ne s'avifent pas & qu'on défire même dans ceux qui entreprennent de les inftruire on met par exemple des Vers à foie à certaines épreuves, telles

que de les parfumer avec quelque drogue, de les nourrir d'une qualité de feuille particuliere, &c. mais on y foumet à la fois toute l'éducation; au lieu de réserver une partie des Vers qui n'y fût point expofee, & qu'on éléveroit à cela près comme le refte, pour pouvoir enfuite les confronter ensemble : autrement l'éducation a beau réuffir, on n'en peut rien conclurre en faveur de la pratique éprouvée qui eft peut-être du nombre de celles qui font indifférentes ou inutiles & fans laquelle les Vers auroient tout auffi-bien réussi: il est évident qu'on ne tient rien ou que bien peu, fi l'on manque d'une pièce de comparaifon qui peu feule décider du mérite de l'expérience & de la pratique.

Mais pour s'afsûrer encore telle que chofe eft nuifible ou profitable à nos infectes, il ne fuffit pas de l'éprouver une fois, on peut échouer à une feconde épreuve, fans favoir à quoi s'en prendre, ni à quoi l'on doit s'en tenir : les caufes de fanté ou de maladie qui affectent les Vers à foie pouvant fe combiner différemment avec des circonf

tances qui changent felon les tems & les lieux,on ne peut recueillir des connoiffances certaines que par des expériences réitérées. Expériences, au refte, qui demandent un zèle & une patience à toute épreuve, étant d'autant plus longues & rebutantes, que pour fçavoir le fuccès d'une feule, il faut fouvent attendre la fin de l'éducation & que pour la répéter on eft obligé de renvoyer à une autre année ou à la campagne fuivante.

J'en ai fait malgré ces longueurs un nombre dont je ne donnerai le plus fouvent que les résultats; mais il en refte encore beaucoup à faire; & il est bien difficile qu'un feul homme puisse y fuffire & s'en bien acquitter.

Pour abréger le travail autant qu'il étoit possible, je me déterminai dès le commencement, à ne pas me borner à ce que mon attelier feul pouvoit me fournir: j'avois l'avantage d'habiter un pays où cette éducation eft très-repandue depuis qu'elle fut apportée en France. Mon zéle étoit, de plus, foutenu par les invitations de Mr. Trudaine Confeiller d'État & Intendant des Finances & celles de Mr. le

la

Vicomte de St. Prieft Maître des Requétes & Intendant de Languedoc, qui protegent autant par inclination, que par place qu'ils occupent les talens utiles à la Société & à qui je fuis redevable des fecours qu'ils me firent fournir par l'Etat, pour les dépenfes qu'il me fallut. faire.

Je n'épargnai ni foin ni peine pour vifi ter les atteliers du voisinage à plufieurs lieues à la ronde: l'infpection du climat, ou du local donnoient lieu à des conjectures fur les fuccès qu'on y éprouvoit, les réponses des Magnaguiers que j'importunois de mes queftions, appuyoient quelquefois ces conjectures & me fourniffoient un bon nombre de faits intéreЛJans que le hazard leur avoit procurés : j'avois fouvent à deviner la penfée de gens groffiers & peu intelligibles, qui me fefoient même quelquefois myftére des moindres chofes & dont les moins experts avoient toujours le plus de prétentions.

Je prenois des nottes de tout, pour ef fayer enfuite chez moi dans des éducations en grand, les bons fuccès de quelques-uns & même la mauvaife réuffite d'un plus

grand nombre; ces derniers effais que je ne fefois qu'en petit, me tenoient autant à cœur que les premiers & m'étoient tout auffi avantageux, par la connoiffance qu'ils pouvoient me donner des caufes des maladies: j'étois fort fatisfait lorsque je venois à bout d'en procurer quelqu'une à mes vers, qui n'affecta que ceux que j'y avois expofés: mais j'avois quelquefois beau faire, lorfque mon bétail étoit trop bien fervi par la faifon, il s'obstinoit malgré moi à fe bien porter.

Au refte, je ne me fuis pas toujours propofé dans mes éducations & dans les Mémoires que j'ai dreffé en conféquence, d'imaginer des procédés dont perfonne ne fe fût avifé avant moi ; j'ai crû fervir tout auffi-bien mes Compatriotes, en me bornant le plus fouvent à recueillir les bonnes pratiques éparfes dans différens atteliers, à les dépouiller de ce qu'elles avoient d'inutile & à devoiler les prétendus fecrets des bons Magnaguiers, qui ne font autres que ces mêmes pratiques, ou l'application qu'ils en font à propos, mais comme par inftinct, ce qui les rend incapables d'en bien inf

« PrécédentContinuer »