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une raifon pour fubftituer indifféremment, pour toutes fortes de Vers fains ou malades & à toute forte d'âge, une efpéce de feuille à l'autre & fans y apporter les précautions que nous venons d'indiquer: je connoîs des Magnaguiers qui pour l'avoir fait, avoient fouvent effuyé des mortalités dans leur bétail, peu confidérables, à la vérité, & qui étoient probablement en raifon de la vigueur plus ou moins grande de ces Infectes.

Ce changement de feuille n'a point de fuites fâcheufes pour des Vers bien conftitués; mais la feuille noire, plus dure, plus coriace que la blanche, ne peut que caufer des dérangemens dans des eftomacs foibles, & qui n'y feroient pas accoutumés: auffi lorfqu'on a du bétail de refte & qu'il y en a de malingres, qui confumeroient la feuille inutilement, on s'en délivre de bonne-heure, ou au commencement de la grande freze en leur jettant deux ou trois repas de fuite de feuille noire, à laquelle les Vers malades, ou d'un tempérament délicat, ne résistent pas ordinairement.

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..

L'on fert de même avec économie & à-propos, la feuille de mûrier d'Efpagne qui produit à-peu-près fur les Vers à foie les mêmes effets que celle du mûrier noir, dont elle approche la confiftence. L'on s'en défie même

par

d'avantage, lorfqu'elle eft trop graffe, trop fucculente, à moins qu'on ne lui ait fait perdre une partie de fes fucs par la transpiration.

Manie

re de

graffe.

Pour cet effet on l'expofe dans un drap, pendant demi-heure, à un foleil ardent: on la ferre enfuite toute chau- la feuille de, dans le même drap, dont on lie les quatre coins; lorfqu'elle y a fué environ encore demi-heure, on l'étend dans le Magafin pour ne la fervir que le lendemain. On traite de même la Romaine & la feuille ordinaire qui vient dans un terroir trop gras ; & celle qui croît dans le voifinage des Etangs & des Marais, qui eft la pire de toutes, fans en excepter même celle qui fe trouve dans le voisinage des Lieres, qu'on a très mal-à-propos décriée.

La feuille Colomba eft la plus faine,

De la

la plus délicate, & celle dont les Vers à foie mangent plus volontiers: on préfére celle qui vient fur les Coteaux, dans les plaines féches & aërées, dans les Terroirs de grès ou graveleux ; c'est celle qu'il faut fervir lorfque les Vers ont peu d'appétit, immédiatement avant & après les mues & avant la montée la plus féche eft auffi la plus foyeuse: on peut la reconnoître en la mâchant & en la réduifant en pâte; on fent que la falive en devient gluante & gommeufe (d); ce qui n'arrive pas aux feuilles vigoureufes & trop pleines de fuc.

Feuille La pratique précédente de ferrer la échauffeuille chaude dans un drap pour la

fée.

faire fuer, eft certainement contraire aux bonnes régles. Pour obtenir l'ef

[d] Cette pâte file en la touchant; les mûres en maturité en font de même: c'eft ce qui fournit aux Vaiffcaux gommeux dont nous parlerons ailleurs, ou à la gomme qui fe convertit en foie. Si dans le dernier âge de nos Vers on leur fervoit de la feuille qui ne fût pas mûre, ou qui n'eût pas pris toute fa croiffance, on n'auroit que de fort mauvais

cocons.

fet

fet qu'on défire, il fuffiroit de la gar der un peu plus de tems dans le magafin: au lieu qu'en la faisant échauffer toute entaffée, on y excite un commencement d'effervefcence, qui tend à la pourriture & qui change, ou altére notablement fa qualité : mais lorsque le Ver à foie eft dans la vigueur de l'âge & qu'il jouit d'une fanté robufte, fon appétit ne dédaigne point une` nourriture, qui le rebuteroit & qui lui nuiroit dans tout autre tems: tout tourne à bien, ou tout devient fain , pour un eftomac affamé & bien conftitué.

C'est ce qu'on éprouve ici quelquefois, lorfque la difette & la cherté de la feuille, obligent d'aller s'en pourvoir ailleurs, fouvent à fept ou huit lieues `loin, & pendant les grandes chaleurs. En 1752 la feuille vint à manquer dans nos Cévenes où les Vers étoient en freze; ils avoient paffé dans quelques atteliers, un ou deux jours fans manger, on leur apporta de la feuille fi échauffée, que ce qui étoit dans le centre des paquets, commençoit à III. Partie.

C

pourrir on auroit tout jetté dans une extrêmité moins preffante; on fe contenta d'ôter ce qu'il y avoit de plus gâté; les Vers mangerent avidement le refte & l'on cut une bonne récolte de cocons.

On corrige en partie la mauvaise qualité d'une feuille trop échauffée dans le transport & l'on fauve l'inconvénient d'un paffage trop fubit du froid au chaud, en l'expofant quelque tems bien étendue dans le maga fin, ou au grand air, avant de la fervir: j'éprouvai cependant qu'on pouvoit la donner impunément aux Vers à foie dans cet état,

Je jettai à des Vers qui avoient grand appétit un repas un repas de feuille, que j'avois fait échauffer pendant plus d'une heure, au milieu d'un tas de vieille litiere à demi pourrie & dont la chaleur faifoit monter mon Thermométre à plus de trente-fix degrés au-deffus de zéro; je la fervis toute chaude; món Magnaguier s'attendoit à voir tout perir fubitement; je le préfumois de même; aucun des Vers qui en

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