PRÉFACE. Bien des gens ont frondé d'abord cette comédie; mais les rieurs ont été pour elle, et tout le mal qu'on en a pu dire n'a pu faire qu'elle n'ait eu un succès dont je me contente. Je sais qu'on attend de moi dans cette impression quelque préface qui réponde aux censeurs, et rende raison de mon ouvrage; et sans doute que je suis assez redevable à toutes les personnes qui lui ont donné leur approbation, pour me croire obligé de défendre leur jugement contre celui des autres; mais il se trouve qu'une grande partie des choses que j'aurais à dire sur ce sujet est déjà dans une dissertation que j'ai faite en dialogue, et dont je ne sais encore ce que je ferai. L'idée de ce dialogue, ou, si l'on veut, de cette petite comédie, me vint après les deux ou trois premières représentations de ma pièce. Je la dis, cette idée, dans une maison où je me trouvai un soir; et d'abord une personne de qualité, dont l'esprit est assez connu dans le monde, et qui me fait l'honneur de m'aimer, trouva le projet assez à son gré, non-seulement pour me solliciter d'y mettre la main, mais encore pour l'y mettre lui-même; et je fus étonné que deux jours après il me montra toute l'affaire exécutée d'une manière à la vérité beaucoup plus galante et plus spirituelle que je ne puis faire, mais où je trouvai des choses trop avantageuses pour moi; et j'eus peur que, si je produisais cet ouvrage sur Molière II. 1 notre théâtre, on ne m'accusât d'abord d'avoir mendié les louanges qu'on m'y donnait. Cependant cela m'empêcha, par quelque considération, d'achever ce que j'avais commencé. Mais tant de gens me pressent tous les jours de le faire, que je ne sais ce qui en sera; et cette incertitude est cause que je ne mets point dans cette préface ce qu'on verra dans la Critique, en cas que je me résolve à la faire paraître. S'il faut que cela soit, je le dis encore, ce sera seulement pour venger le public du chagrin délicat de certaines gens; car, pour moi, je m'en tiens assez vengé par la réussite de ma comédie; et je souhaite que toutes celles que je pourrai faire soient traitées par eux comme celle-ci, pourvu que le reste suive de même. L'ÉCOLE DES FEMMES, COMÉDIE (1662). PERSONNAGES. ACTEURS. ARNOLPHE, autrement M. DE LA SOUCHE. nolphe. HORACE, amant d'Agnès. ALAIN, paysan, valet d'Arnolphe. GEORGETTE, paysanne, servante d'Arnolphe. ENRIQUE, beau-frère de Chrysalde. ORONTE, père d'Horace, et grand ami d'Arnolphe. UN NOTAIRE. MOLIÈRE. Mlle DE BRIE. DE BRIE. La scène est à Paris, dans une place publique. ACTE I. SCÈNE I. CHRYSALDE, ARNOLPHE. CHRYSALDE. Vous venez, dites-vous, pour lui donner la main? ARNOLPHE. Oui. Je veux terminer la chose dans demain. CHRYSALDE. Nous sommes ici seuls; et l'on peut, ce me semble, Voulez-vous qu'en ami je vous ouvre mon cœur? ARNOLPHE. Il est vrai, notre ami. Peut-être que chez vous CHRYSALDE. 5 Ce sont coups du hasard, dont on n'est point garant; Que de votre critique on ait vus garantis; Que vos plus grands plaisirs sont, partout où vous êtes, ARNOLPHE. Fort bien. Est-il au monde une autre ville aussi Et d'aucun soin jaloux n'a l'esprit combattu, Parce qu'elle lui dit que c'est pour sa vertu. L'un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guères; Prend fort honnêtement ses gants et son manteau. Qui dort en sûreté sur un pareil appas, Et le plaint, ce galant, des soins qu'il ne perd pas; Dit qu'elle gagne au jeu l'argent qu'elle dépense; CHRYSALDE. Oui; mais qui rit d'autrui Mais, quoi que l'on divulgue aux endroits où je suis, Car enfin il faut craindre un revers de satire, Que quelques bonnes gens diront: Que c'est dommage! |