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Note du Comte Mouravieff du 12/24 Août 1898.

Le maintien de la paix générale et une réduction possible des armements excessifs qui pèsent sur toutes les nations se présentent, dans la situation actuelle du monde entier, comme l'idéal auquel devraient tendre les efforts de tous les gouvernements.

Les vues humanitaires et magnanimes de Sa Majesté l'Empereur, mon Auguste maître, y sont entièrement acquises.

Dans la conviction que ce but élevé répond aux intérêts les plus essentiels et aux vœux légitimes de toutes les Puissances, le gouvernement impérial croit que le moment actuel serait très favorable à la recherche, dans les voies d'une discussion internationale, des moyens les plus efficaces d'assurer à tous les peuples les bienfaits d'une paix réelle et durable, et de mettre avant tout un terme au développement progressif des armements actuels.

Au cours des vingt dernières années les aspirations à un apaisement général se sont particulièremont affirmées dans la conscience des nations civilisées. La conservation de la paix a été posée comme but de la politique internationale; c'est en son nom que les grands Etats ont conclu entre eux de puissantes alliances; c'est pour mieux garantir la paix qu'ils ont développé dans les proportions inconnues jusqu'ici leurs forces militaires et qu'ils continuent encore à les accroître, sans reculer devant aucun sacrifice.

Tous ces efforts pourtant n'ont pu aboutir encore aux résultats bienfaisants de la pacification souhaitée.

Les charges financières, suivant une marche ascendante, atteignent la prospérité publique dans sa source, les forces intellectuelles et physiques des peuples, le travail et le capital sont en majeure partie détournés de leur application naturelle et consumés improductivement. Des centaines de millions sont employées à acquérir des engins de destruction

effroyables, qui, considérés aujourd'hui comme le dernier mot de la science, sont destinés demain à perdre toute valeur à la suite de quelque nouvelle découverte dans ce domaine. La culture nationale, le progrès économique, la production des richesses se trouvent paralysés ou faussés dans leur développement.

Aussi, à mesure que s'accroissent les armements de chaque puissance, répondent-ils de moins en moins au but que les gouvernements s'étaient posé. Les crises économiques, dues en grande partie au régime des armements à outrance, et le danger continuel qui gît dans cet amoncellement du matériel de guerre, transforment la paix armée de nos jours en un fardeau écrasant que les peuples ont de plus en plus de peine à porter. Il paraît évident dès lors que, si cette situation se prolongeait, elle conduirait fatalement à ce cataclysme même, qu'on tient à écarter et dont les horreurs font frémir à l'avance toute pensée humaine.

Mettre un terme à ces armements incessants et rechercher les moyens de prévenir les calamités qui menacent le monde entiertel est le devoir suprême qui s'impose aujourd'hui à tous les Etats.

Pénétré de ce sentiment, Sa Majesté l'Empereur a daigné m'ordonner de proposer à tous les gouvernements, dont les représentants sont accrédités près la Cour impériale, la réunion d'une conférence qui aurait à s'occuper de ce grave problème.

Cette conférence serait, Dieu aidant, d'un heureux présage pour le siécle qui va s'ouvrir. Elle rassemblerait dans un puissant faisceau les efforts de tous les Etats qui cherchent sincèrement à faire triompher la grande conception de la paix universelle sur les éléments de trouble et de discorde. Elle cimenterait en même temps leur accord par une consécration solidaire des principes d'équité et de droit, sur lesquels reposent la sécurité des Etats et le bien-être des peuples.

St-Pétersbourg, le 12 août 1898.

Réponse du Conseil Fédéral Suisse du 30 Septembre 1898. Monsieur le Ministre,

C'est avec plaisir que nous avons reçu de Vos mains la note du 12 août 1898 de Son Excellence le Comte Mouravieff par laquelle le Gouvernement impérial propose au nom de Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies à tous les gouvernements dont les représentants sont accrédités près la Cour impériale la réunion d'une conférence qui rechercherait les moyens de mettre un terme au développement progressif des armements actuels et d'assurer à tous les peuples les bienfaits d'une paix réelle et durable.

«Votre Excellence ajoutait à sa communication qu'elle était faite au Conseil fédéral au même titre qu'aux gouvernements spécialement visés dans la circulaire.

Par sa situation géographique au milieu de quatre grandes puissances, par son rôle d'Etat neutre au centre de l'Europe si formidablement armée, la Suisse est naturellement portée à redouter la guerre, qui pourrait, malgré ses efforts, transporter ses horreurs sur son territoire. Une paix universelle solide et durable répondrait au contraire à ses aspirations constantes, et rien de ce qui peut tendre vers ce but ne saurait lui être indifférent.

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Le Gouvernement helvétique salue donc avec bonheur la grande et belle initiative prise par Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies; il fait des vœux pour que cette noble entreprise porte ses fruits pour le plus grand bien de tous les peuples, et il est prêt à apporter dans ce but sa modeste collaboration.

Bien que la Suisse ne soit pas un Etat militaire et que son armée de milices ne soit destinée qu'à défendre son indépendance et sa neutralité et bien qu'à cet égard les considérations énoncées dans la circulaire du gouvernement impérial ne puissent assurément lui être appliquées, elle n'en est pas moins entraînée, par suite des augmentations et du perfectionnement des armements des Etats qui l'avoisinent, à des dépenses dont le poids pèse lourdement sur son budget. Aussi le Conseil fédéral est-il heureux de répondre à l'invitation qui lui est adressée qu'il est très disposé à par

ticiper à la conférence projetée. Il prie Votre Excellence de bien vouloir communiquer cette détermination au haut gouvernement impérial dont il attendra avec plaisir les ultérieures communications. >>

Note du Comte Mouravieff du 30 Décembre 1898,

11 Janvier 1899.

Lorsqu'au mois d'août dernier mon Auguste Maître m'ordonnait de proposer aux gouvernements dont les représentants se trouvent accrédités à St-Pétersbourg la réunion d'une conférence destinée à rechercher les moyens les plus efficaces d'assurer à tous les peuples les bienfaits d'une paix réelle et durable et de mettre avant tout un terme au développement progressif des armements actuels, rien ne semblait s'opposer à la réalisation plus ou moins prochaine de ce projet humanitaire.

L'accueil empressé fait à la démarche du gouvernement impérial par presque toutes les puissances ne pouvait que justifier cette attente. Appréciant hautement les termes sympathiques dans lesquels était conçue l'adhésion de la plupart des gouvernements, le cabinet impérial a pu recueillir en même temps avec une vive satisfaction les témoignages du plus chaleureux assentiment qui lui étaient adressés, et ne cessent de lui parvenir, de la part de toutes les classes de la société de différents points du globe terrestre.

Malgré le grand courant d'opinions qui s'était produit en faveur des idées de pacification générale, l'horizon politique a sensiblement changé d'aspect en dernier lieu. Plusieurs puissances ont procédé à des armements nouveaux, s'efforçant d'accroître encore leurs forces militaires, et, en présence de cette situation incertaine, on pouvait être amené à se demander si les puissances jugeaient le moment actuel opportun à la discussion internationale des idées émises dans la circulaire du 12/24 août.

Espérant toutefois que les élements de trouble qui agitent les sphères politiques feront bientôt place à des dispositions plus calmes et de nature à favoriser le succès de la con

férence projetée, le gouvernement impérial est, pour sa part, d'avis qu'il serait possible de procéder dès à présent à un échange préalable d'idées entre les puissances dans le but: a) de rechercher, sans retard, les moyens de mettre un terme à l'accroissement progressif des armements de terre et de mer, question dont la solution devient évidemment de plus en plus urgente en vue de l'extension nouvelle donnée à ces armements, et

b) de préparer les voies à une discussion des questions se rapportant à la possibilité de prévenir les conflits armés par les moyens pacifiques dont peut disposer la diplomatie internationale.

Dans le cas où les puissances jugeraient le moment actuel favorable à la réunion d'une conférence sur ces bases, il serait certainement utile d'établir entre les cabinets une entente au sujet du programme de ses travaux.

Les thèmes à soumettre à une discussion internationale au sein de la conférence pourraient, en traits généraux, se résumer comme suit:

1° Entente, stipulant la non-augmentation, pour un terme à fixer, des effectifs actuels des forces armées de terre et de mer, ainsi que des budgets de guerre y afférents; étude préalable des voies dans lesquelles pourrait même se réaliser, dans l'avenir, une réduction des effectifs et des budgets ci-dessus mentionnés.

2o Interdiction de la mise en usage, dans les armées et les flottes, de nouvelles armes à feu quelconques et de nouveaux explosifs, aussi bien que les poudres plus puissantes que celles adoptées actuellement, tant pour les fusils que pour les canons.

3o Limitation de l'emploi dans les guerres de campagne des explosifs d'une puissance formidable déjà existants, et prohibition du lancement de projectiles ou d'explosifs quelconques du haut des ballons ou par des moyens analogues.

4o Défense de l'emploi dans les guerres navales de bateauxtorpilleurs sous-marins ou plongeurs, ou d'autres engins

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