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Pour l'Italie le comte Corti, le comte de Launay.

Pour la Russie le prince Gortchacow, le comte Schouvalow, M. d'Oubril.

Pour la Turquie Alexandre CarathéodoryPacha, Méhémed-Aii-Pacha, Sadoullah Bey.

La séance est ouverte à 2 heures 1/2; le protocole de la séance précédente est adopté.

Le président rappelle à ses collègues qu'une liste de nouvelles pétitions leur a été remise. Une pétition qui touche une question politique mais qui ne porte pas de signature n'a pas été placée sur la liste. En principe, toute communication anonyme de ce genre n'est pas insérée dans la liste remise aux membres du congrès, mais restera, bien entendu, à lear disposition dans les bureaux du secrétariat.

Le prince de Bismarck présente ensuite les considérations suivantes :

< L'ordre du jour fixé pour la séance d'aujourd'hui comprend:

1o La question de l'admission des représentants de la Grèce ;

2o La proposition anglaise sur la Bulgarie, la contre-proposition éventuelle de la Russie, et, s'il y a lieu, le projet sur lequel les représentants des trois puissances se seront concertés.

Vu que les pourparlers engagés entre les représentants des puissances plus spécialement intéressées dans la question bulgare continuent et sont en progrès vers un arrangement qui faciliterait les travaux du congrès à ce sujet ;

Va qu'aujourd'hui ce résultat n'est pas encore atteint ;

Je propose d'ajourner la discussion sur la seconde partie de l'ordre du jour jusqu'à la prochaine séance.>

Cette opinion ayant été accueillie par le congrès, le président ajoute que la seule question à l'ordre du jour est, en conséquence, celle de l'admission des représentants de la Grèce et, sur le sentiment conforme de la haute assemblée, il annonce que le congrès se réunira vendredi pour la discussion des affaires bulgares.

S. A. S. rappelle qu'il y a, sur la question de l'admission de la Grèce, deux propositions connues depuis la dernière séance, l'une de lord Salisbury, l'autre de M. Desprez, et il ajoute qu'en ce qui concerne l'Allemagne, il se rallie à la seconde. Il prie ses collègues de vouloir bien discuter l'une ou l'autre ou toute autre proposition qui serait présentée sur le même sujet. Il demanderait plus tard au congrès, dans le cas où l'admission des représentants grecs serait décidée, de fixer la date de la séance à laquelle ils seraient invités.

Carathéodory-Pacha donne lecture de la déclaration suivante :

< En proposant que la Grèce soit entendue au sein du congrès chaque fois qu'on le croirait nécessaire, lorsqu'il s'agirait de dis

cuter certaines questions spéciales, on a allégué des motifs et échangé des idées qui justifient une explication de la part des plénipotentiaires ottomans.

Se plaçant à des points de vue différents, quelques-uns de MM. les plénipotentiaires semblent avoir envisagé d'une manière tout à fait exclusive la situation respective des diverses catégories de la population de l'empire otto

man.

Les plénipotentiaires ottomans pensent qu'il est de leur devoir de déclarer, qu'au sein du congrès, ils représentent l'Etat lui-même, qui embrasse l'ensemble de tous ces éléments quels qu'ils soient, quelque origine et quelque date qu'on veuille assigner aux conflits auxquels on a fait allusion.

Une protection et un intérêt exclusifs se rapportant à une classe spéciale, de quelque côté qu'ils viennent, et sous quelque formequ'ils se produisent, ne sauraient que nuire là où une puissante solidarité d'intérêts relie incontestablement ces divers éléments entre eux pour constituer un grand tout.

La hauteur de vues qui distingue MM. les plénipotentiaires des grandes puissances signataires des traités de 1856 et de 1871 qui composent le congrès, et l'esprit d'incontestable équité qui les anime, autorisent en conséquence les plénipotentiaires ottomans à croire que, si la Grèce devait être entendue, le congrès saura empêcher que les propositions qui ont été faites à ce sujet ne provoquent les graves inconvénients qu'il y aurait lieu de craindre.

Le prince Gortchacow fait remarquer qu'il se conforme au désir du congrès en apportant des observations écrites et donne lecture du document suivant :

< M. le marquis de Salisbury a présenté une proposition motivée, tendant à l'admission de la Grèce à participer au congrès, ou du moins à assister aux séances dans lesquelles les questions, se rattachant aux intérêts de la race grecque, seront discutées.

Les plénipotentiaires de Russie croient de leur côté devoir énoncer, dans une déclaration également motivée, le point de vue de leur gouvernement sur ce sujet :

1o La Russie a toujours envisagé en Tarquie les intérêts des chrétiens sans exception de race. Toute son histoire l'a suffisamment prouvé. Elle a, avec la race hellénique, un lien puissant celui d'avoir reçu de l'Eglise d'Orient la religion du Christ. Si, dans la présente guerre, la Russie a dû prendre particulièrement en mains la défense des Bulgares, c'est que la Bulgarie s'était trouvée, par les circonstances, la principale cause et le théâtre de la guerre. Mais la Russie a toujours eu en vue d'étendre, autant que possible, aux provines grecques les avantages qu'elle réussirait à conquérir pour la Bulgarie. Elle est satisfaite de voir, par les propositions de MM.

les plénipotentaires de Grande-Bretagne et de France, que l'Europe partage ces vues, et se fécilite de la sollicitude que les puissances témoignent en faveur des populations de race grecque, d'autant plus qu'elle a la conviction que cette sollicitude s'étendra également aux populations de race bulgare. Le gouvernement impérial de Russie se joindra en conséquence voiontiers à toute proposition qui se rait faite au congrès en faveur de l'Epire, de la Thessalie et de la Crète, quelle que soit l'étendue que les puissances voudraient donner aux avantages qui leur seraient réservés.

2o Le gouvernement impérial de Russie ne reconnaît aucun motif fondé à l'antagonisme des races qui a été signalé, et qui ne saurait avoir sa source dans des divergences religieuses. Toutes les nationalités, appartenant à l'Eglise d'Orient, ont successivement revendiqué le droit d'avoir leur Eglise autocéphale, c'est-à-dire leur hiérarchie ecclésiastique indépendante et leur langue nationale pour le culte et les écoles. Tel a été le cas pour la Russie, la Roumanie, la Serbie et même pour le royaume de Grèce. L'on n'aperçoit pas qu'il en soit résulté ni la rupture des liens qui unissent ces Eglises indépendantes avec le patriarcat œcuménique de Constantinople, ni un antagonisme quelconque entre les races. Les Bulgares ne demandent pas autre chose et y ont absolument les mêmes droits. La cause des divergences et des conflits passagers qui se sont produits doit donc être cherchée dans des influences ou des impulsions particulières qui ne paraissent conformes ni aux intérêts réels des races, ni au repos de l'Orient, ni à la paix de l'Europe, et qui, par conséquent, ne sauraient être encouragées.

3o Quant aux circonscriptions territoriales des diverses races se rattachant aux intérêts de la race hellénique que l'on a en vue de protéger, elles semblent ne pouvoir être déterminées d'après un principe plus rationnel, plus équitable et plus pratique que celui de la majorité de la population. C'est celui qui résulte de l'ensemble des stipulations de la Conférence de Constantinople et celui que pose le traité préliminaire de San Stefano. Les répartitions de territoires qui seraient proposées en dehors da principe de la majorité de la population pourraient être suggérées non par des considérations de races, mais par des vues particulières d'intérêt politique, géographique ou commercial. La Russie, n'ayant pour sa part aucun intérêt matériel à poursuivre dans ces contrées, ne peut apprécier ces diverses propositions qu'au point de vue de l'équité ou de la conciliation à laquelle elle est toujours disposée pour la consolidation de l'entente européenne et de la paix générale.

Tels sont les sentiments dans lesquels les plénipotentiaires de Russie croient devoir formuler leur adhésion à la proposition de M. le plénipotentiaire de France; c'est-à-dire d'in

viter le gouvernement de Sa Majesté Hellénique à désigner un représentant qui sera admis à exposer les observations de la Grèce, lorsqu'il s'agira de fixer le sort des provinces limitrophes du royaume, et qui pourra être appelé dans le congrès toutes les fois que les plénipotentiaires le jugeront opportun. Ils étendent également ces prévisions à ce qui concerne la Grèce.

Lord Salisbury, se référant au point de discussion indiqué par le président, propose de substituer dans le texte présenté par les plénipotentiaires français les mots de provinces grecques à ceux de provinces limitrophes du royaume de Grèce. Si cette modification, qui lui semble donner plus de clarté au texte, était admise, il se rallierait volontiers au projet français ainsi amendé, dans le cas où il serait accepté par la majorité des puissances.

M. Desprez craint que l'amendement proposé par M. le plénipotentiaire de la GrandeBretagne n'ait pour effet de rendre moins précis le texte du projet présenté par les plé. nipotentiaires français.

Le président considère que le congrès est en présence d'une question de forme et de rédaction, où la décision de la majorité est admise à moins de protestation de la minorité au protocole. Son Altesse Sérénissime croit qu'il serait utile de procéder à l'inverse de l'usage parlementaire et de commencer, si le congrès y consent, par le vote sur le texte de la proposition française en mettant aux voix en second lieu l'amendement de lord Salisbury. Le résultat du premier vote sera considéré comme éventuel, c'est-à-dire comme sujet à être amendé conformément à la proposition anglaise, dans le cas où celle-ci serait adoptée. Si au contraire elle était rejetée, le vote recueilli sur la proposition française serait définitif.

Le comte Andrassy ne veut pas entrer dans le fond de la question: il regarde qu'il a seulement à statuer sur l'admission en général i vote donc la proposition française en se réservant de se prononcer sur l'amendement de lord Salisbury.

Les plénipotentiaires de France et d'Angleterre votent le texte présenté.

Le comte Corti y adhère également et d'autant plus volontiers que la seconde partie du document lui paraît renfermer, en principe, la pensée exprimée dans l'amendement anglais.

Les plénipotentiaires russes votent de même le texte français.

Carathéodory-Pacha regrette de rencontrer dans le texte proposé les mots : <le sort des provinces, etc. Dans ces termes il ne saurait que réserver l'opinion de son gouverne

ment.

Le président ayant insisté pour obtenir le vote de MM. les plénipotentiaires ottomans, Carathéodory-Pacha et Méhémed-Ali-Pacha

déclarent qu'ils ne s'opposeraient pas en prin. cipe à ce qu'un représentant de la Grèce fût entendu, en admettant que celui-ci n'aurait que voix consultative.

Le prince de Bismarck provoque ensuite un second scrutin sur l'amendement de lord Salisbury, c'est-à-dire sur la question de savoir si les mots provinces limitrophes seront remplacés par ceux de < provinces grecques >.

Le comte Andrassy ayant demandé quelle différence existe aux yeux de MM. les plénipotentiaires anglais entre les deux termes, le marquis de Salisbury dit qu'il y a des provin ces grecques qui ne sont pas limitrophes du royaume hellénique et dont l'Angleterre désire que le congrès s'occupe également. Dans le projet français l'Epire et la Thessalie sont seals en cause: l'amendement de Son Excellence permet au contraire de comprendre dans la délibération, à laquelle assisteraient les représentants de la Grèce, les provinces de Macédoine, de Thrace et de la Crète.

Le comte Andrassy, à la suite de cette explication, et se conformant à son principe qui est de rechercher des résultats aussi stables que possible, vote pour l'amendement de lord Salisbury dans le but de ne pas restreindre l'expression de l'opinion des représentants grecs.

Les plénipotentiaires de France maintiennent leur vote pour leur texte pur et simple.

Les plénipotentiaires de la Grande-Bretagne votent pour l'amendement.

Le comte Corti se rallie à la proposition anglaise,qu'il regarde comme donnant plus de latitude à la délibération.

Le comte de Launay ajoute que d'ailleurs le congrès demeurera toujours libre d'examiner dans quelle mesure il pourra accepter les observations des représentants grecs.

Le président ayant demandé leur vote à MM. les plénipotentiaires de Russie, le prince Gortchacow prie MM. les plénipotentiaires de France d'exposer les motifs qui les portent à maintenir le texte de leur proposition.

M. Waddington ne croit pas qu'il y ait de grandes différences entre le projet de M. Desprez et la rédaction proposée par lord Salisbury. Il y a cependant une distinction à établir les plénipotentiaires de France ont pensé que tout en invitant le gouvernement grec à désigner un représentant, il était utile de limiter le champ de ses observations. M. Waddington admet que le représentant hellénique soit appelé à donner son avis sur des faits qui se passent près de la frontière du royaume; mais il comprendrait moins que la compétence du cabinet d'Athènes pût s'étendre à des contrées habitées par des populations mixtes: Son Excellence craindrait de trop agrandir la sphère des observations du gouvernement hellénique. Toutefois le second

paragraphe du projet réservant au congrès toute sa liberté d'appréciation à cet égard, la haute assemblée reste juge en dernier ressort des délibérations auxquelles elle regarderait comme opportun que le représentant grec fût admis.

Le prince Gortchacow, en présence de ces considérations, vote pour le maintien du texte français.

Carathéodory-Pacha croit comprendre que dans la pensée de la hante assemblée, l'admission d'un représentant grec est surtout une question d'opportunité: toutefois, et tout en acceptant que ce représentant pût être entendu quand on s'occuperait de l'amélioration de l'état de ces provinces, Son Excellence, et avec elle Méhémed-Ali-Pacha, demande de nouvelles explications sur le sens de la phrase du projet français où il est question de provinces limitrophes >.

M. Waddington répond qu'on ne discute pas aujourd'hui le fond de cette difficulté, mais seulement une question préalable; il tient à ajouter que les considérants du projet français en indiquent nettement la portée. En premier lieu, le congrès trouve-t-il juste que la Grèce exprime ses vœux sur des questions qui pourraient intéresser sa frontière? Eu second lieu, le congrès trouve-t-il utile de provoquer sur divers points les explications du cabinet d'Athènes ?

Le prince de Bismarck fait remarquer qu'en réalité la différence pratique entre les deux opinions se manifestera surtout quand il s'agira de déterminer le moment où les représentants grecs seront entendus. Ce sera alors, à son avis, le scrutin décisif. Actuellement il s'agit de savoir, en général, s'ils seront admis, et c'est dans cet ordre d'idées qu'il demande de nouveau si MM. les plénipotentiaires ottomans votent pour la rédaction française ou anglaise.

Les plénipotentiaires ottomans déclarent

s'abstenir.

Le prince de Bismarck, comme plénipotentiaire d'Allemagne, vote pour la rédaction française.

Son Altesse Sérénissime constate ensuite que les voix sont partagées en nombre égal. L'amendement anglais n'a donc pas eu la majorité, et le résultat du premier scrutin adoptant la rédaction française demeure acquis.

Le président demande si le congrès entend décider aujourd'hui ou dans une réunion prochaine à quelle séance le représentant grec sera admis.

Sur la suggestion du comte Corti, le président fait remarquer que l'invitation ne doit être faite qu'à la demande d'un des membres du congrès formulée dans la séance précédente et adoptée par un vote de la haute assemblée.

M. Waddington estime qu'il y aurait lieu d'attendre que la question de Bulgarie fût

décidée et en tout cas de ne pas statuer aujourd'hui.

Le comte Andrassy ne regarde pas en effet comme indispensable de fixer ce jour dès à présent.

M. Desprez fait observer, d'ailleurs, que le projet comporte deux hypothèses: la discussion relative aux provinces limitrophes dans laquelle, d'après la proposition française, la présence du représentant grec est jugée nécessaire par le congrès, et les autres délibérations, où la haute assemblée se réserve la faculté d'appeler, s'il y a lieu, ce représentant dans son sein.

Le prince de Bismarck rappelant que, dans sa pensée, le plénipotentiaire grec ne doit être invité qu'aux séances où le congrès désirerait l'entendre, constate qu'en ce moment aucun des membres de l'assemblée ne fait une proposition en ce sens. Son Altesse Sérénissime croit donc préférable, dans l'état actuel des travaux, où il y a lieu d'espérer sur la question bulgare le rapprochement des opinions divergentes, de ne pas introduire un élément nouveau qui pourrait augmenter les difficultés de l'entente. Il pense que le congrès n'é

mettra sur ce point aucun vote aujourd'hui et réservera son sentiment jusqu'au moment où il sera question des institutions à donner à la Bulgarie du Sud. Son Altesse Sérénissime ajoute que l'ordre du jour est épuisé.

Le comte Schouvalow, tout en exprimant l'espoir que ses collègues d'Autriche-Hongrie, de la Grande-Brteagne et de Russie seront prêts à discuter la question bulgare dans la prochaine séance, fixée précédemment à vendredi 21, pense, qu'en égard aux communica tions échangées entre les gouvernements, il serait peut-être préférable de remettre la séance à samedi. Le président, après avoir pris l'avis du congrès, accepte la date de samedi 22, en se réservant, s'il y a lieu, de convoquer l'assemblée pour vendredi. La séance est levée à 4 heures.

Signé: V. BISMARCK. B. BÜLOW. C. F.

V. HOHENLOHE. ANDRASSY. KAROLYI.
HAYMERLE. WADDINGTON. SAINT VAL-
LIER. H. DESPREZ. BEACONSFIELD. SA-
LISBURY. ODO RUSSELL. L. CORTI. LAU-
NAY. GORTCHACOW. SCHOUVALOW. P.
D'OUBRIL. AL. CARATHÉODORY. MEHE.
MED-ALI, SADOULLAH.

Etaient présents:

PROTOCOLE No 4.

Séance du 22 juin 1878.

Pour l'Allemagne le prince de Bismarck, M. de Bülow, le prince de Hohenlohe-Schillingsfürst.

Pour l'Autriche-Hongrie le comte Andrassy, le comte Károlyi, le baron de Haymerle.

Pour la France M. Waddington, le comte de Saint-Vailier, M. Desprez.

Pour la Grande-Bretagne le comte de Beaconsfield, le marquis de Salisbury; - lord Odo Russell.

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Pour l'Italie le comte Corti, le comte de Launay.

Pour la Russie le comte Schouvalow, — M. d'Oubril.

Pour la Turquie Alexandre CarathéodoryPacha, Mehemed-Ali-Pacha, SadoullahBey.

La séance est ouverte à 2 heures ; le protocole de la séance précédente est adopté.

M. d'Oabril exprime de la part du prince Gortchacow le regret de S. A. S. de ne pouvoir, eu égard à l'état de sa santé, assister à la séance de ce jour.

Le président répond que le congrès regrette l'absence du prince Gortchacow et forme des

vœux pour le prompt rétablissement de M. le premier plénipotentiaire de Russie.

Le président, après avoir donné lecture de la liste des pétitions adressées au congrès depuis la dernière séance, annonce que l'ordre du jour appelle la discussion de la question de Bulgarie sur les points traités dans l'article VI du traité de San-Stefano et de la proposition anglaise consignée dans le 2o protocole du congrès. S. A. S. prie les représentants des puissances qui ont recherché un accord dans des conférences particulières, de faire connaître le résultat de leurs entretiens.

Lord Salisbury donne lecture du document suivant,qui contient le développement des propositions anglaises et qu'il soumet à l'approbation de la haute assemblée :

< Admission de la frontière des Balkans pour la principauté de Bulgarie; la province au sud des Balkans assumerait le nom de Roumélie orientale.

L'incorporation du sandjak de Sophia avec rectification stratégique des frontières dans la principauté serait consentie, soit contre le maintien de Varna dans les mains des Turcs, soit contre l'exclusion des bassins du Mesta Karasou et Strouma Karasou de la Roumélie

orientale. La Roumélie orientale sera placée sous l'autorité politique et militaire directe du sultan, qui l'exercera dans les conditions sui

vantes :

Il aura le droit de pourvoir à la défense des frontières de terre et de mer de la province, de pouvoir y tenir des troupes et de les y fortifier.

L'ordre intérieur sera maintenu par la milice, dont les officiers seront nommés par le sultan, qui tiendra compte de la religion de la population.

Le gouverneur général aura le droit d'appeler les troupes ottomanes dans le cas où la sécurité intérieure ou extérieure se trouverait menacée.

La frontière occidentale reste à préciser. Depuis l'endroit où la frontière occidentale coupe la frontière méridionale de la conférence, la frontière méridionale de la Roumélie orientale suivra le tracé de cette dernière jusqu'à la montagne de Kruchevo, puis le tracé de San. Stefano presque jusqu'à Mustafa Pacha. De ce point une frontière naturelle ira jusqu'à la mer Noire à un point à préciser entre Sizéboli et Agathopoli. Le tracé des frontières se fera par une commission européenne à l'exception des deux points touchant à la mer Noire qui ne sont pas encore arrangés. »

Le président ayant demandé aux plénipotentiaires de Russie s'ils adhèrent aux principes résumés par lord Salisbury, le comte Schouvalow expose que les plénipotentiaires de Russie ont présenté deux amendements qui, dans leur pensée, n'altèrent pas, en principe, les modifications proposées par la Grande Bretagne au traité de San Stefano, mais qui, cependant, malgré leur modération, n'ont pas été accueillies par leurs collègues anglais. Revenant sur l'ensemble des pourparlers qui se sont poursuivis depuis quelques jours, S. Exc. constate que les plénipotentiaires de Russie ont accepté le partage de la Bulgarie par la ligne de Balkans ma gré les objections sérieuses que présente cette division nuisible sous beaucoup de rapports, la substitution du nom de Roumélie orientale à celui de Bulgarie du sud, tout en se réservant sur ce dernier point, concédé par eux à regret, toute liberté de discussion ultérieure au congrès; on a considéré le maintien du mot Bulgarie comme un drapeau, comme un appoint à des aspirations dangereuses; c'est avec peine qu'ils ont, pour ainsi dire, démarqué une partie de la population d'un nom qui lui appartient. Ils ont également consenti à éloigner de la mer Egée les limites de la nouvelle province. On a craint que la Bulgarie ne devienne une puissance navale. Ces craintes leur paraissent illusoires, mais ils ont consenti néanmoins à ce changement de frontières. Ils ont de plus admis sur la frontière occidentale de la Bulgarie une rectification qu'ils considèrent comme une mutilation puisqu'elle divise des

populations bulgares compactes. Cela était demandé en vue de certaines considérations stratégiques et commerciales qui ne concernaient pas la Bulgarie et lui étaient plutôt préjudiciables. Ils ont consenti à rectifier les frontières méridionales vers la mer Noire, en abandonnant ainsi les limites tracées par le traité de San Stefano et en reculant même celles de la conférence de Constantinople. Enfin, ils ont donné au sultan la garde des frontières de la Roumélie orientale. Aux yeux du comte Schouvalow, les demandes qui lui ont été proposées avaient en réalité pour objet de protéger le fort contre le faible, de protéger l'empire ottoman dont les armées, avec un courage aaquel S. Exc. se plaît à rendre hom. mage, ont résisté pendant de longs mois à l'armée russe, contre les agressions éventuelles d'une province qui ne compte pas en core un seul soldat. Quoi qu'il en soit, le plénipotentiaires russes les ont acceptées; mais à leur tour, ils se croient en droit de demander que le faible soit défendu contre le fort, et tel est le but des deux amendements qu'ils ont présentés et dont voici le texte:

< Les plénipotentiaires de Russie sont autorisés à accepter les points suivants :

1. Le sultan aura le droit de pourvoir à la défense des frontières de terre et de mer de la province, et celui de pouvoir y tenir des troupes et de les y fortifier.

2. L'ordre intérieur de la Roumélie Orientale sera maintenu par des milices, dont les officiers seront nommés par le sultan, qui tiendra compte de la religion de la population.

Les plénipotentiaires de Russie pensent toutefois que le principe sur lequel on est d'accord, que l'intérieur de la Roumélie orientale ne soit occupé que par des milices indigènes,devrait être sauvegardé. Il ne pourrait l'être, selon leur opinion, que si une commission européenne était chargée de fixer les points que le gouvernement ottoman pourrait occuper sur ses frontières et la force approximative de ces occupations.

Les plénipotentiaires de Russie sont également autorisés à accepter le point relatif au droit du gouverneur général d'appeler des troupes ottomanes dans les cas où la sécurité intérieure ou extérieure se trouverait menacée.

Mais ils croient nécessaire de ne point se départir du principe que le congrès statue sur les cas et le mode de l'entrée des troupes ottomanes dans la Roumélie orientale. Ils demandent en conséquence que le congrès discute cette éventuali é, car si elle se présentait, elle serait un sujet d'alarmes pour l'Europe. Ils croient utile que le futur gouverneur général reconnaisse l'importance d'une pareille mesure et qu'il sache qu'elle a été l'objet de la sollicitude de l'Europe. >

Le comte Schouvalow ajoute que ces réserves ne changent en rien les principes admis par les plénipotentiaires de Grande-Bretagne ; mais

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