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que le protocole reste ouvert pour recevoir ul. térieurement, s'il y a lieu, le vote de la Russie sur le 3e alinéa.

Le président propose de passer à la discussion de la motion du comte Andrassy insérée au protocole de la dernière séance et relative à la substitution des commissaires européens aux commissaires russes.

Lord Salisbury insiste en faveur de cette proposition, dont il voudrait voir les conclusions mises à exécution le plus promptement possible: Il a reçu de l'ambassadeur d'Angleterre à Constantinople un télégramme qui donne les détails les plus inquiétants sur la conduite du gouverneur militaire de Bulgarie, dont les mesures sembleraient prises en vue d'engager l'avenir politique et financier du pays. Son Excellence ajoute qu'il ne veut pas sans doute rejeter la responsabilité de cet état de choses sur le gouvernement russe, mais il prie le congrès de mettre fin un moment plus tôt à cette situation, et surtout de ne pas laisser engager l'avenir de la province.

Le président est d'avis que la communication qui vient d'être faite par lord Salisbury devrait être exprimée dans une proposition formulée par écrit, et à la suite d'un échange d'idées entre le prince de Bismarck et le se. cond plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, lord Beaconsfield ayant d'ailleurs appuyé l'opinion de son collègue sur les dangers de la situation actuelle dans la Roumélie orientale, il est entenda que lord Salisbury remettra au secrétariat une proposition écrite pour recommander la prompte adoption de la motion du comte Andrassy.

Le comte Schouvalow désire répondre aux inquiétudes manifestées par le gouvernement anglais. La Russie souhaite vivement 1° signer la paix, 2o voir achever l'œuvre de réorganisation, 3o faire cesser l'occupation militaire. Mais pour en arriver à ces résultats, il ne faut pas compliquer la situation et dépasser les limites indiquées par l'Intérêt de l'Europe. Il est utile, sans doute, de nommer des commissions, mais il serait dangereux d'en nom. mer un trop grand nombre. Dans la Roumélie orientale, la Russie n'a pas œuvre isolée à faire; l'Europe s'est substituée à elle et peut y agir comme il lui semble opportun; mais en Bulgarie une commission européenne ne paraît pas indispensable, et pourrait être utilement remplacée par le contrôle des consuls en Bulgarie et, s'il y a lieu, des représentants européens à Constantinople. Ce contrôle semble être suffisant à la Russie, et si le gouvernement impérial semble se réserver en Bulgarie une part d'action plus directe que les autres puissances, le comte Schouvalow fait remarquer que la Russie a pris aussi une part plus directe à la création de cette nouvelle principauté autonome.

Le président constate que dans la pensée du comte Schouvalow la commission serait en

réalité la conférence des représentants des grandes puissances à Constantinople, et que les consuls seraient les agents de cette conférence.

Le comte Schouvalow ajoute que les représentants à Constantinople seraient plutôt une cour d'appel entre les consuls des puissances et les commissaires russes.

Le comte Andrassy concède à MM. les plénipotentiaires de Russie que le principe des commissions n'est pas applicable partout, mais le comte Schouvalow va plus loin et se refuse à substituer des commissions européennes aux commissaires russes dans les cas prévus par l'article 7. Son Excellence maintient au contraire, pour ces cs, la nécessité de l'intervention de l'Europe. Faisant allusion aux faits indiqués par le télégramme que lord Salisbury vient de citer, le comte Andrassy croit que cette intervention est dans l'intérêt même de la Russie. Son Excellence fait ressortir les difficultés techniques de la combinaison présentée par le comte Schouvalow: le rôle des consuls serait malaisé, et quant au contrôle des ambassadeurs, il faudrait en définir le caractère et la compétence en présence de l'action des commissaires russes. Dans un entretien particulier, M. le plénipotentiaire de Russie avait laissé entrevoir un autre procédé, qui serait l'adjonction de deux commissaires européens aux commissaires russes et turcs.

Lord Salisbury ne comprend pas que la Russie, qui paraît désirer rendre la Bulgarie aussi indépendante que l'étaient autrefois les autres principautés autonomes et tributaires, insiste pour le maintien d'un commissaire russe. Son Excellence insiste donc sur l'adhésion qu'il a donnée à la proposition du comte Andrassy.

Le comte Schouvalow n'entend pas écarter l'intervention de l'Europe, mais lui donner une autre forme. Quant à l'objection de lord Salisbury, qui s'étonne que la Russie cherche à maintenir en Bulgarie l'influence d'un commissaire russe, Son Excellence fait observer que c'est précisément pour répondre au désir du congrès de voir se terminer rapidement l'organisation de cette principauté et l'évacuation, que la Russie insiste en faveur de son commissaire. Si l'on veut que les choses mar. chent vite, il ne faut pas lier les mains à la Russie. En Roumélie orientale, si aucun gouvernement ne se constitue, le congrès a pourva à cette éventualité, mais en Bulgarie il n'en est pas de même il faut y agir rapidement. En se résumant, Son Excellence déclare que ce qu'il désire obtenir en Bulgarie, c'est une unité d'action sous le contrôle de l'Europe, et ce qu'il veut éviter, ce sont des institutions collégiales qui accroîtraient les difficultés, Le meilleur moyen, à ses yeux, serait done le maintien du commissaire russe agissant sous le contrôle supérieur des ambassadeurs euro

péens à Constantinople, dont les consuls seraient les agents et les représentants.

Le comte Andrassy ayant renouvelé ses objections sur le mode de ce contrôle et sur les difficultés de cette intervention des ambassadeurs et des consuls, le comte Schouvalow demande à présenter par écrit dans la prochaine séance le développement de sa pensée.

Le président dit que le congrès attendra un amendement de la Russie sous forme de contre-projet à la proposition austro-hongroise.

Lord Salisbury donne lecture de la motion qu'il a précédemment indiquée pour appuyer la proposition du comte Andrassy, et qu'il regarde comme devant être ajoutée à l'article VII. En voici le texte :

< Le gouvernement militaire actuel de la principauté et de la province en matière administrative et financière sera remplacé sans délai, dans la principauté par le gouvernement provisoire de la commission susmentionnée, et dans la province par le gouvernement du sal

tan. >

Le président croit que cet amendement, dont le congrès pourra s'occuper dans la prochaine séance, a une portée très-considérable, en ce qu'il touche aux droits de l'occupation militaire garantie pour neuf mois. Au surplus Son Altesse Sérénissime, revenant sur une pensée qu'il a déjà en l'occasion d'exprimer, n'est pas d'avis de discuter en congrès les questions secondaires. Il regarde par exemple celle dont on s'occupe en ce moment comme étant de ce nombre, et il pense qu'en agitant cette question d'assemblée de notables, de commission russe et de commission européenne, le congrès sort des limites assignées à sa discussion: il ne voit pas, dans cette délibération de détails, un intérêt européen. Son Altesse Sérénissime n'a, du reste, que bien peu de confiance dans les résultats des discussions auxquelles se livreront les notables. Faisant allusion à l'état de sa santé qui ne lui permettrait pas d'assister encore à de nombreuses séances, le prince de Bismarck ajoute qu'il serait d'avis de laisser de côté la question de Bulgarie dès qu'on sera entièrement d'accord sur les grands principes, et de s'occuper aussitôt après des autres points les plus importants du traité de San Stefano, tels que les remaniements territoriaux et les affaires de navigation. Il compte proposer à la prochaine séance d'effleurer seulement les questions subalternes et de ne discuter longuement que les objets d'une véritable importance européenne. Le président n'entend d'ailleurs préjuger en rien le sentiment de ses collègues, et l'opinion qu'il vient d'exprimer lui est entièrement personnelle.

Le comte Corti ne regarde pas qu'il soit difficile d'établir l'accord entre les opinions des plénipotentiaires de Russie et d'AutricheHongrie. Son Excellence fait remarquer qu'en

réalité la commission de consuls demandée par le comte Schouvalow répond au désir du comte Andrassy et forme une véritable commission européenne, puisque chaque puissance en nommant son consul nommerait en même temps son commissaire. Quant à l'appel porté devant la conférence des ambassadeurs à Constantinople, Son Excellence a pujuger, par l'expérience de semblable réunion, que l'entente y est assez difficile à établir, et que cette combinaison nue serait point efficace. Il pense qu'on pourrait se borner à une commission consulaire, et, rappelant l'heureux effet de l'intervention de plénipotentiaire de France dans la question si importante des garnisons ottomanes, il suggère l'idée de confier de nouveau au plénipotentiaire d'une puissance neutre le soin de rechercher les éléments d'une entente entre le comte Andrassy et son collègue de Russie.

Le président approuve ce projet, qui rencontre également l'adhésion de la haute assemblée, et le comte Corti, à la demande du congrès, consent à examiner, de concert avec les représentants des trois puissances plus spécialement intéressées, les modifications à apporter au texte du traité de San Stefano dans le sens de la proposition du comte Andrassy.

Le congrès passe à la proposition présentée par l'Autriche-Hongrie, la France et l'Italie, au sujet du maintien intégral en Bulgarie et en Roumélie orientale des traités de commerce, de navigation et règlements de transit, conclus avec la Porte. Le texte de ce projet a été inséré au protocole 5.

Lord Salisbury demande à rayer le mot < Roumélie orientale qui lui semble superflu.

Le prince de Bismarck regarde comme de droit des gens que la Bulgarie reste sous l'autorité des traités auxquels elle était soumise sous le gouvernement de la Porte.

Le comte Andrassy désire également voir disparaître le mot <Roumélie orientale» afin qu'il n'y ait lieu à aucune confusion et pour qu'il soit bien entendu que cette province ne saurait avoir d'autonomie commerciale comme l'a eue autrefois la Roumanie.

M. Waddington fait remarquer que l'on ignore encore quel régime politique sera établi en Roumélie orientale, et qu'il y aurait peut-être à craindre qu'une assemblée locale ne se crût en droit de modifier les traités conclus avec les puissances. Pour éviter ces malentendus, Son Excellence préférerait que le mot de Roumélie orientale fût maintenu et insiste notamment sur le danger de l'interven. tion d'assemblées locales en matière de droits de transit.

Une discussion s'engage à ce sujet, à laquelle prennent part lord Salisbury, M.Waddington, le baron de Haymerle et Carathéodory Pacha. Le premier plénipotentiaire de Turquie ayant finalement affirmé que nul droit de transit ne peut être établi sur le ter

ritoire de l'empire sans l'autorisation expresse du souverain, M. Waddington, prenant acte de cette déclaration, consent à la radiation du mot < Roumélie orientale dans le texte de la proposition.

Les quatre premiers alinéas sont acceptés. Sur le 5o, le comte Schouvalow, s'arrêtant aux mots les capitulations et usages > demande la suppression du mot < usages > comme trop vague et pouvant donner lieu à des abus.

Lord Salisbury et le comte Andrassy consentent à cette radiation.

M. Desprez dit qu'il est de notoriété que les capitulations sont insuffisantes, rudimentaires, et n'ont donné que les principes généraux de la juridiction et de la protection consulaires. Les usages sont le complément nécessaire des droits stipulés dans les traités. M. Desprez en cite des exemples, et regarde comme utile de maintenir le mot usages >.

Le comte Schouvalow répond qu'il ne s'agit ici que de la Bulgarie et rappelle que la Roumanie n'a pas tenu compte des usages > depuis qu'elle a développé ses institutions judiciaires.

Lord Beaconsfield ne croit pas nécessaire de s'expliquer en ce moment sur les capitulations qui sont encore l'objet de diverses négociations: il ne faudra pas les sauvegarder si elles sont inutiles; il y aurait lieu, sans doute, de leur donner une force additionnelle dans le cas contraire, mais l'impression de Son Excellence est qu'elles sont destinées à disparaître. Son Excellence croit donc préférable de supprimer tout le dernier alinéa.

Carathéodory-Pacha dit qu'au surplus, sauf les quelques points sur lesquels le congrès pourrait apporter des modifications, l'état de choses existant dans les autres parties de l'empire en ce qui concerne les lois, traités et conventions restera appliqué dans la Roumélie orientale.

Après ces déclarations, le congrès conserve le dernier alinéa de la proposition des trois puissances en y ajoutant la phrase suivante : <tant qu'ils n'auront pas été modifiés du consentement des parties intéressées. >

L'ordre du jour appelle ensuite les deux propositions françaises insérées dans le protocole 5 et relatives à la liberté des cultes.

Sur la première, M. Desprez demande la substitution des mots habitants da la Principauté de Bulgarie › à ceux de ‹ sujets bulgares; cette modification est admise et la proposition acceptée à l'unanimité. Sur la se conde proposition, particulièrement relative aux évêques et religieux catholiques, le comte Schouvalow propose de substituer à ces mots: les ecclésiastiques et religieux étrangers >.

Lord Salisbury désirerait que la même lé

gislation fût, sous ce rapport, établie pour la Roumélie et pour les autres provinces de la Turquie.

Carathéodory-Pacha déclare qu'en effet une proposition concernant le libre exercice du culte dans la province de Roumélie orientale paraît tout à fait superflue, cette province devant être soumise à l'autorité du sultan et, par conséquent, aux principes et aux lois communs à toutes les parties de l'empire et qui établissent la tolérance pour tous les cultes également.

M. Waddington, prenant acte de ces paro les, annonce l'intention d'introduire quelques changements dans la rédaction de sa proposition et demande l'ajournement de la discussion à demain.

Le baron Haymerle donne lecture de la proposition suivante :

< Les plénipotentiaires d'Autriche-Hongrie proposent de substituer à la dernière partie de l'alinéa 2 de l'article 9 les dispositions suivantes :

La principauté de Bulgarie assume tous les engagements et obligations que la SublimePorte a contractés tant envers l'AutricheHongrie qu'envers la compagnie pour l'exploitation des chemins de fer de la Turquie d'Europe, par rapport à l'achèvement et au raccordement ainsi qu'à l'exploitation des lignes ferrées situées sur son territoire.

Les conventions nécessaires pour régler ces questions seront conclues entre l'Autriche. Hongrie, la Porte, la Serbie et la principauté de Bulgarie immédiatement après la conclusion de la paix.

Il s'entend que les droits et obligations de la Sublime-Porte par rapport aux chemins de fer dans la Roumélie-Orientale restent intacts. >

Le président remet la discussion de ce projet à la prochaine séance. Son Altesse Sérénissime ajoute qu'il y a encore à l'ordre du jour la proposition ottomane insérée au 5e protocole et relative à la part proportionnelle que la Bulgarie doit assumer dans la dette ottomane.

Lord Beaconsfield recommande cette proposition à toute la sollicitude du congrès; diverses objections ayant été annoncées par le comte Schouvalow, la discussion est remise à demain.

La séance est levée à cinq heures.

Signé : V. BISMARCK, B. BULOW, C. F. V. HOHENLOHE, ANDRASSY, KAROLYI, HAYMERLE, WADDINGTON, SAINT-VALLIER, H. DESPREZ, BEACONSFIELD, SALISBURY, ODO RUSSELL, L. CORTI, LAUNAY, SCHOUVALOW, P. D'OUBRIL, AL. CARATHÉODORY, MÉHÉMED ALI,

SADOULLAH.

Etaient présents:

PROTOCOLE No 7.

Séance du 26 juin 1878.

Pour l'Allemagne le prince de Bismarck, M. de Bülow, le prince de Hohenlohe

Schillingsfürst.

Pour l'Autriche-Hongrie le comte Andrassy, - le comte Karolyi, le baron de Haymerle.

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Pour la France M. Waddington, le comte de Saint-Vallier, M. Desprez. Pour la Grande-Bretagne le comte de Beaconsfield, le marquis de Salisbury, — lord Odo Russell.

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La séance est ouverte à 2 heures et demie. Le protocole no 5 est adopté.

Le président lit la liste no 6 des pétitions adressées au congrès.

Le prince de Bismarck propose, au nom de l'Allemagne, à la haute assemblée de constituer une commission à laquelle chaque puissance déléguerait un plénipotentiaire, et qui serait chargée de préparer un projet de rédaction de toutes les stipulations à insérer dans un nouveau traité, en tenant compte des résolutions consignées aux protocoles du congrès.

Son Altesse Sérénissime prie chaque puissance de vouloir bien, si cette motion est accueillie, désigner après la séance au secrétariat le plénipotentiaire dont elle aurait fait choix pour la représenter au sein de la commission.

La proposition du prince de Bismarck est acceptée à l'unanimité.

Le président ayant fait appel aux communications que les membres du congrès auraient à présenter à la haute assemblée, le prince Gortchacow exprime le vif regret qu'il a éprouvé de ne pouvoir assister aux dernières réunions dans lesquelles a été discutée l'importante question de la Bulgarie. Son absence a été indépendante de sa volonté, mais Son Altesse Sérénissime désirerait à propos de cette discussion prononcer aussi brièvement que possible quelques paroles inspirées par l'esprit de conciliation qui le dirige. Lord Beaconsfield, dans une précédente séance, a exprimé le désir que le sultan fût maître chez lui: Son Altesse Sérénissime, comme lord Beaconsfield, désire que le sultan soit maître chez lui, mais croit que l'existence de cette

autorité dépend de certaines conditions en dehors desquelles le génie même ne saurait accomplir de miracles. Aux yeux de M. le premier plénipotentiaire de Russie, ces conditions sont administratives et politiques: il importe, au point de vue administratif, que les habitants des provinces qui n'auront pas été déclarées indépendantes par le congrès soient assurés de leurs propriétés, de leurs vies, etc., non point par des promesses sur le papier qui pourraient, comme les précédentes, n'être suivies d'aucun effet, et n'empêcher ni abus, ni exactions, mais par un concours européen qui en assure l'efficacité et qui inspire confiance aux populations. Au point de vue politique, le prince Gortchacow fait observer qu'au lieu d'une prépondérance anglaise, française ou russe que l'histoire nous montre avoir existée à Constantinople à différentes époques, il voudrait qu'il n'y eût, en Orient, aucune prépondérance quelconque, pas plus pour la Russie que pour un autre Etat, et désirerait voir substituer à la lutte mesquine et malsaine des amours-propres sur le terrain mouvant de Constantinople, une action collective des grandes paissances qui épargnerait à la Porte-Ottomane bien des illusions et bien des fautes. Son Altesse Sérénissime, usant d'une expression qui paraîtra certainement à tout homme compétent dans l'art de la guerre, justifiée par les héroïques efforts des armées russes, fait remarquer que la Russie apporte ici des lauriers, et il espère que le congrès les convertira en branches d'olivier.

Le prince Gortchacow ajoute que ses deux collègues, dans les dernières séances, ont fait de très grandes concessions au désir de paix qui inspire la Russie comme toute l'Europe. Ils ont présenté à la haute assemblée, non pas des phrases, mais des faits. M. le premier plénipotentiaire de Russie est persuadé que les membres du congrès rendent à cet égard pleine justice à son pays. Son Altesse Sérénissime et ses collègues persisteront dans la même voie.

Le prince Gortchacow écarte donc la pensée qu'une puissance quelconque veuille s'opposer au grand et beau résultat de la paix qui domine tous les intérêts de l'Europe, en élevant ses demandes jusqu'à des limites que le grand Souverain et la grande nation qu'il représente ne sauraient dépasser. Son Altesse Sérénissime répète qu'il n'admet point la possibilité d'un fait qui serait sévèrement jugé par les contemporains et par l'histoire.

Lord Beaconsfield dit qu'il ressent une vive

satisfaction de voir le prince Gortchacow reprendre sa place au sein du congrès, et regarde l'éloquent discours de Son Altesse Sérénissime comme un heureux témoignage de l'amélioration de sa santé. Son Excellence, rappelant les paroles de M. le plénipotentiaire de Rus. sie relatives aux sacrifices considérables que le grand Souverain et le grand pays représentés si dignement par Son Altesse Sérénissime ont consentis en vue de la paix, se regarde comme pleinement autorisé à dire que lui-même et ses collègues d'Angleterre ont également fait d'importantes concessions dans la même pensée pacifique. La paix est en effet le vœu de l'Europe et lord Beaconsfield est heureux de constater, d'après les paroles qu'il vient d'entendre, l'expression désormais unanime de ce sentiment. Mais, pour que ce désir s'accomplisse, l'esprit de conciliation est encore nécessaire: Son Excellence n'a d'ailleurs rien de plus à dire sur les considérations présentées par le prince Gortchacow et qu'il a écoutées avec le plus grand plaisir.

Le prince de Bismarck est persuadé que l'es. prit de conciliation continuera à inspirer le congrès et que tous les membres de la haute assemblée se rencontrent dans le même sentiment de devoir suprême, celui de conserver et de consolider la paix de l'Europe. Les progrès obtenus dans les travaux du congrès font espérer à Son Altesse Sérénissime que les représentants des puissances atteindront le but que les deux illustres hommes d'Etat viennent d'indiquer, en exposant l'un et l'autre lears intentions pacifiques, avec des restrictions dictées par le sentiment de l'honneur national. Ces restrictions, Son Altesse Sérénissime n'en doute pas, ne sauraient toucher au fond de l'œuvre du congrès, et l'honneur national de part et d'autre s'accordera parfaitement avec les dispositions coneilantes. Le prince de Bismarck fait observer que les Etats moins directement intéressés dans les questions qui pourraient troubler le repos du monde sont naturellement appelés à faire entendre une voix impartiale en toute circonstance où, pour des motifs secondaires aux yeux de l'Europe, l'objet pacifique des réunions du congrès se trouverait compromis. C'est dans ce sens que la France, l'Italie et l'Allemagne feraient appel, s'il était nécessaire, à la sagesse de celles des puissances amies dont les intérêts se trouvent plus particulièrement engagées. Le prince de Bismarck termine en disant qu'il serait heureux si dans ses paroles il avait bien rendu la pensée des gouvernements neutres et impartiaux.

L'ordre du jour appelle la proposition de M. le premier plénipotentiaire de Turquie ainsi conçue :

< Indépendamment a tribut, la principauté de Bulgarie supportera une part des dettes de l'empire proportionnelle à ses re

venus. >

Carathéodory-Pacha, pour expliquer l'esprit de sa proposition, donne lecture du document suivant:

En proposant qu'indépendamment du tribut la principauté de Bulgarie supporte une part des dettes de l'empire proportionnelle à ses revenus, j'ai tenu à remplir ce que je considère comme un devoir vis-à-vis des créanciers de la Turquie.

Je ne puis nier que les revenus des localités qui constituent la nouvelle principauté soient affectés explicitement d'une manière générale à toute la dette publique de la Turquie. Pour certains emprunts quelques-uns de ces revenus sont même engagés d'une manière spéciale.

Dans le document porté sur la liste des pétitions adressées au congrès sous le n° 16, et qui m'a été envoyé directement aussi, les créanciers de la Turquie ont invoqué des précédents puisés dans la pratique du droit public européen.

Je m'empresse de reconnaître que l'analogie n'est pas parfaite puisque les précédents qu'on invoque concernent les territoires qui ont été annexés à des Etats indépendants ou bien des territoires qui ont été déclarés indépendants, tandis que tout au contraire la principauté de Bulgarie est seulement autonome. Mais quoique privée des prérogatives de l'indépendance, la principauté de Bulgarie n'en aura pas moins, en vertu du principe même de son autonomie intérieure, un régime financier et par conséquent un budget de recettes et de dépenses distinct et sé. paré, et c'est précisément à raison même de la non-indépendance de la principauté que peut-être le congrès croira utile de lever les doutes qui pourraient exister à cet égard.

La participation de la principauté de Bulgarie à la dette publique de l'empire ne saurait se confondre avec le tribut que la principauté doit payer. Les deux choses sont distinctes. La participation à la dette est simplement la conséquence de la reconnaissance ou plutôt de la simple admission d'un droit du créancier.

Le tribut, par contre, concerne la cour auzeraine. Il représente le lien qui rattache la principauté à l'empire; il est le prix du rachat de la sujétion directe, et il est indépendant de l'existence d'autres dettes passées ou fatures. A l'appui de cette manière de voir, je me permets de rappeler aussi que le gouvernement impérial de Russie, en stipu lant simplement un tribut, avait pensé qu'il n'y avait pas lieu de préciser davantage, pour la raison, disait-il, qu'il aurait peut-être empiété sur des intérêts de tiers.

La proposition que j'ai eu l'honneur de soumettre au congrès est formulée dans le même ordre d'idées. Elle laisse intacte la question

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