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SGANARELLE ET SA LIGNÉE

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En 1601, dans la même année que la compagnie de Scala amusait la Cour, le théâtre français donnait des pièces dont le titre seulement suffit, comme a remarqué justement Sainte Beuve, à expliquer l'ennui qu'elles répandaient autour d'elles. En effet, à part la Sophonisbe, tragédie du Sieur de Monstreux et les « Chastes et loyales amours de Théagène et de Chericlée ", par Hardy, les pièces produites sont tirées de l'Ecriture sainte. Ainsi on jouait Joseph le Chaste, Jephté, Achab, Lucrèce ou l'amour divin, par le sieur de Marié, Sainte Cécile et Job, par le S. Scevole de Sainte-Marthe.

D'un côté on écoutait donc les niaiseries et les saillies spirituelles d'Arlequin, Pedrolin et Buratin,

de l'autre continuait la tradition théocratique du moyen âge.

Dans ses débuts (*), le théâtre français suivit la route que la comédie italienne et quelque peu l'espagnole lui venaient de tracer; il y a pourtant çà et là des traces de la vieille farce gauloise et Garguille est un nom qu'on retrouve dans une Sottie du XVe siècle, de sorte que le comédien fameux qui prit ce nom, se rattacha, au moins par là, à la source nationale.

En général, on peut cependant affirmer que la compagnie française, qui en 1634 jouait à l'hôtel de Bourgogne, marcha sur les traces des masques de la comédie de l'art. Turlupin, Bruscambille, Gaultier-Garguille n'étaient que les personnifications des caractères de la comédie italienne, qui commençait déjà à se franciser. Gros Guillaume (Robert Guérin dit La Fleur) à la fin du seizième. siècle, se rendit célèbre dans le rôle de valet de Gaultier-Garguille, le Pantalon de ce théâtre. Gros Guillaume descendait de Zeninot; il était donc, presque toujours, fort niais, tandis que Turlupin

(*) Voir M. Rigal Alexandre Hardy et le théâtre française 1890.

(rôle joué par Henri Le Grand et son fils) représentait le fourbe et ses traits nous font souvenir de ceux de Brighella. « Turlupin, dit M. Sand, était fécond en quolibets, calembourgs, coq-à-l'âne, amphigouris, et en ce genre de plaisanteries, qui prirent de lui le nom de Turlupinades ".

Ajoutons que son nom même est d'origine italienne (du verbe turlupinare, se moquer), et qu'il ne se détache en rien des Zanni. Gilotin, Tripotin, et Filipin étaient d'autres farceurs de cette troupe. Filipin portait le masque noir des valets italiens et Scarron composa en son honneur, sur un modèle espagnol, la comédie qui porte pour titre: « Le gardien de soi-même ".

Bruscambille fut créé par Deslauriers, qui remplissait, dans l'hôtel de Bourgogne, les rôles plaisants et se moquait de Guillot-Gorju (Bertrand Haudouin), représentant les médecins ridicules.

Gros Guillaume et Jodelet sont les plus célèbres de ces farceurs. Le premier jouait, le visage enfariné; il blanchissait de sa farine les interlocuteurs et i imitait les lazzi et les scènes fort libres des plaisants de la comédie de l'art. Sa niaiserie formait le désespoir de son maître, ce qui donnait lieu à des dialogues parfois fort enjoués,

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