Chez les auteurs comiques, qui ont suivi immédiatement Molière, on rencontre encore des traces de Sganarelle, mais peu à peu ce type acquiert une physionomie différente et sa bonne humeur, sa gaieté inaltérable, sont remplacées par un esprit inquiet de fortune et un désir d'abord caché, ensuite vif et agité, d'égalité et de pouvoir. Il est arrivé un point où la presque-liberté dont il jouit ne lui suffit plus. Il entrevoit le chemin qu'il doit parcourir et ce n'est ni la peur ni les scrupules qui pourront l'arrêter dans sa marche. C'en est fait ainsi des sentiments tendres et affectueux qui l'attachaient jadis à la personne de son maître, dont il exploite, maintenant, les vices et les ridicules; il ne donnera plus à son seigneur des conseils soumis et sensés, mais il attendra sa fortune de la débâcle des classes supérieures. Le valet de cette période n'est plus fourbe par nécessité, par l'intérêt du moment, par devoir de serviteur, mais encore fourbe par une longue habitude, qui est devenue en lui une seconde nature, il reste fourbe par plaisir, élevant son industrie souvent effrontée à la hauteur d'un art et presque d'un principe. Il est fourbe pour tromper non seulement ses maîtres, mais encore tous ceux qui ont une supériorité de rang sur lui et par un esprit de révolte contre le pouvoir, esprit de révolte qui est encore à son début. Frontin, le héros de cette période dramatique, est un madré compère, qui en flattant son patron, le conduit tout doucement à sa ruine. Lisette, sa complice, le seconde de son mieux; ils font argent de toute chose et savent grossir leurs épargnes des épaves du naufrage. Boursault, dans son Mercure galant, nous présente une société frivole, qui courbe déjà son front au pouvoir naissant de la presse. Merlin et Lisette, le valet et la suivante de la pièce, ont déjà un air rusé et un esprit fort intéressé. Merlin n'a pas trop d'amitié pour son maître et il songe faire bien payer celle qu'il lui démontre : à se « Secrétaire banal, je m'en vais essayer Puisqu'il me met en œuvre, à m'en faire [payer ". Il a assez de culture pour donner des leçons de grammaire à La Rissole, assez de finesse pour se moquer du monde qui l'entoure et pour trois cents louis, il épouse la jolie suivante bien qu'il se doute que son maître puisse prétendre: 66 sur elle avoir droit de seigneur Droit de dîme ". On voit que la cause de la lutte entre Figaro et le comte Almaviva, commence déjà à se dessiner. Dancourt, qui eut avec Dufresny un talent singulier à faire parler les paysans, qu'il peint d'une manière agréable et naturelle, excelle surtout à faire agir les intrigants et les valets, qu'il introduit dans la société bourgeoise. C'est un tableau assez fidèle de ce monde fat et vicieux celui qu'il nous présente dans son chevalier à la mode, où il s'agit d'un chevalier d'industrie, qui mène ensemble plusieurs intrigues d'amour et qui a trouvé le moyen de se faire entretenir, par ses maîtresses. C'est un caractère d'homme fort particulier, dit |