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Notre femme répondit qu'elle avait leur affaire et elle indiqua son mari comme un médecin illustre en ajoutant qu'il ne voulait jamais avouer sa profession et qu'il fallait lui donner des coups de bâton pour l'en persuader. La nouvelle continue sans trop de différence; seulement les guérisons du médecin sont telles que Molière n'aurait pas pu les reproduire, surtout pour la méthode employée avec la fille du roi. En effet, dit le fabliau, le vilain se dépouille et commence à se frotter la peau et à se gratter faisant des grimaces, de sorte que la fille ne peut, malgré sa douleur, s'empêcher de partir d'un éclat de rire, qui la délivre de l'arête. Molière, en changeant fort habilement la nature de la maladie de la jeune fille, sut trouver un remède d'amour, d'un effet plus comique et moins choquant.

Les farces du moyen âge, qui nous rappellent l'allure des saynètes espagnols, ont, en général, pour thème, quelque ruse de cocuage on de friponnerie, un avare, un mari dupés, souvent aussi un vilain fourbe ou un badin niais.

Elles sont sorties des fabliaux dont elles reproduisent les canevas, sans interruption d'actes ou

de scènes, comme un conte dialogué. Les personnages prennent souvent le nom de leur état; le mari, lè couturier, le chaussetier, la femme, le varlet, le galant; ils sont rarement nombreux et, dans la plupart des cas, la pièce consiste dans un simple dialogue on dans des monologues comme la Confession de Margot et Le discours de frère Guillebert très verts pour la forme et pour le sens. En lisant ces pièces légères, il nous vient à l'esprit à tout moment quelque nouvelle d'Italie, où le même sujet issu de la même source a acquis une haute importance littéraire, et l'art de l'écrivain nous fait pardonner l'obscénité du récit.

Ces farces sont le produit des confréries joyeuses qui pullulèrent en France au XIV et XVe siècle et celles qu'on appelle sotties ne sont que des farces jouées par les sots. Les plus célèbres de ces sociétés, sont celles des Enfants sans souci à Paris, de la Mère folle à Dijon, des Connards à Rouen et à Évreux, mais il y en avait, peut-être, plus de cinq cents dans toute la France. Il y avait en outre les Mystères et les Moralités, ces dernières inspirées, dans leur forme allégorique, par le roman de la Rose. Au XIIIe siècle, nous avons seulement les

PIERRE TOLDO

Figaro etc.

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deux jeux d'Adam de la Halle, le jeu du Pélerin, qu'on a quelquefois attribué au même auteur et sur un feuillet de garde de manuscrit on a trouvé une petite farce intitulée « Le garçon et l'aveugle, » qui fut jouée à Tournai vers 1277.

« C'est une bagatelle, dit G. Paris; un jeune garçon s'offre à mener un aveugle, le dépouille, et le fait se heurter violemment, comme Lazarille de Tormés, dans le roman espagnol bien connu; il est à noter qu'il lui donne aussi des coups en feignant d'être un autre, comme fait Scapin à Géronte dans Molière; d'ailleurs gaie dans la grossièreté de plus d'un de ses traits, mais dont le principal intérêt est son existence même. Nous ne saurions pas sans elle qu'on jouait des farces au XIII° siècle (le mot farce lui-même n'apparaît que plus tard) et elle permet de conjecturer qu'au moins dans le Nord de la France on en jouait dès lors beaucoup qui ne nous sont pas parvenues ".

Le XIVe siècle est encore plus pauvre, (deux pièces d'Eustache Deschamps) mais probablement plusieurs farces du XVe siècle ne sont qu' une reproduction des farces du siècle précédent. Avant d'examiner dans ces productions le valet dans ses

variétés principales, on ne pourrait se passer de toucher à un argument de la plus haute importance. Cette production dramatique du moyen âge, malgré tous ses défauts et le manque, souvent, d'action et d'intrigue, fait voir déjà le goût du public pour ce genre de spectacles et renferme, pour ainsi dire, le germe comique qui aurait suffi pour donner à la France un théâtre national.

Que l'on pense que 1600 pièces (*), qui nous res

(*) Les textes qu'on possède sont les suivants: Recueil du Britisch Museum (XVIe siècle).

Manuscrit La Vallière (XVIe siècle).

Recueil Nicolas Rousset (1612).

Recueil de Copenhague (1619).

Collection Caron (1798-1806).

Mélanges des Bibliophiles (1828-1829).

Collection Montaran (1829-1830).

Collections Silvestre (1830-1832, 1838-1858).

Recueil Le Roux de Lincy et F. Michel (1837).

Recueil Viollet-Leduc (1854).

Recueil Montaiglon (1855).

Recueil P. L. Jacob (1859).

Recueil Charles Brunet (1872).

Recueil Edouard Fournier (1872).

Recueil Émile Picot (1880).

À consulter: Répertoire du théâtre comique en France au

tent encore, témoignent de la production vraiment merveilleuse du XVe siècle, que l'on pense, que la langue encore dans son enfance, n'était pas à même de fournir un dialogue vif et animé. On n'avait ni de règles ni de société, on avait oublié la tradition latine, on vivait au milieu des troubles des guerres d'Italie et des guerres civiles et pourtant le théâtre, malgré le graveleux de plaisanteries grossières, comprenait dêjà sa mission civile, en rompant en visière aux abus et aux vices de l'époque.

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Église, noblesse et pauvreté qui font la lessive (1541) et Le ministre de l'Église, Noblesse, Labeur et le Commun sont deux moralités contre la noblesse et le clergé, qui maltraitent le peuple. Dans la première on voit l'Église et la Noblesse qui contraignent Pauvreté de laver leur linge sale; après elles en chargent Pauvreté, qui se plaint amèrement des abus des deux puissances et les maudit à demi-voix, sans avoir, pourtant le courage

moyen âge par le professeur Petit de Julleville que des travaux récents sur le théâtre ont mis au rang des critiques les plus distingués. Plusieurs citations de ce chapitre sont tirées de ce répertoire redigé avec tout le soin possible, d'autres de l'ouvrage de Royer (Histoire universelle du théâtre).

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