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pour rire à la figure de ses tyrans et on admire, continuellement, en lui ce bon sens populaire, cette finesse et cette habileté dans l'intrigue, que Figaro a héritée de lui. Souple, insinuant, il lutte pour la vie et seul an milieu de difficultés incroyables, il marche lentement, mais d'un pas assuré.

On le voit, parfois, méchant, mais l'esclavage engendre la méchancheté ; on le voit, souvent, lâche, mais le fer des menottes rend le bras incapable au fer de l'épée et la comédie de Ménandre et de Plaute nous le montre, au moment le plus triste de sa vie, égayer sa misère par ses folles risées, qui forment tout son bonheur et sa seule richesse.

La comédie grecque et la latine nous le montrent quelquefois digne d'un état meilleur. C'est Parménon de Ménandre pleurant sur les misères de son maître, c'est Trakhalion de Plaute défendant la liberté de deux jeunes filles contre un marchand d'esclaves et plaidant la cause des opprimés devant les citoyens de Cyrène, c'est Liban de l'Asinaire, qui, monté sur les épaules de son seigneur, venge, sur lui, les humiliations, les injures et les coups qu'il a dû essuyer.

Figaro a beau se plaindre de n'avoir pas de parents et désespérer presque de sa fortune. Il n'est

pas fils de je ne sais qui, ses

connus et son origine est plus

parents sont bien

ancienne que celle

de la famille la plus illustre de rois. Son avenir est désormais assuré; il est l'enfant du peuple qui jusqu'alors n'a été rien et qui dorénavant sera tout, puisque on lui a permis de devenir quelque chose.

Dans l'état d'homme libre il comprend ce que c'est que la justice, il moralise quelquefois même à l'excès. Ainsi l'immoralité de la servitude disparaît par la connaissance des droits de l'homme et l'égalité produit, dans les classes inférieures, le sentiment du devoir.

La liberté! Voilà l'unique école de la dignité humaine.

Si Figaro a disparu du théâtre, il a su trouver. une place digne de lui dans la societé contemporaine, où le travail, le savoir-faire et l'intelligence, ouvrent toutes les portes. Nous le rencontrons, aujourd'hui, notre Barbier, dans toutes les charges et dans toutes les dignités, à l'armée, à l'école, à l'église, à la Bourse et au Parlement et s'il a quitté son habit de laquais, on le reconnaît encore

à son air narquois et à ses yeux pétillants d'esprit. Il a apporté dans la société moderne cette passion pour l'intrigue et pour l'argent que nous lui avons si souvent reconnue et si le droit de naissance a fait place au sentiment de l'égalité humaine, on doit pourtant regretter ce bon air de grand seigneur presque, entièrement, disparu.

Le chasse au pouvoir est devenue plus vive et acérée; Figaro intrigant, rusé, frappant à toutes les portes, escaladant tout pouvoir, représente encore cette marche de l'humanité que le Barbier peignait au comte par ces mots : « On se presse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut: le reste est écrasé ".

Si parfois on le rencontre encore dans les antichambres, le plus souvent il a pris la place des beaux seigneurs du temps jadis; comme Figaro de la comédie, et Beaumarchais de l'histoire, il se pique de noblesse, met des armoiries à ses voitures et à son palais, brave, fait l'insolent, joue gros jeu dans la vie, gagne et dépense insolemment son crédit et son argent.

Et c'est bien cette nouvelle noblesse de parvenus qui nous fait rappeler parfois, en souriant, ce que J. J. Rousseau disait de la noblesse de son

temps: « qu'il a vingt contre un à parier que tout gentilhomme descend d'un fripon ".

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Figaro fit école. Le catalogue Soleine, dit M. Celler (ouv. cité), indique une vingtaine de pièces sur Figaro; le catalogue Goizet, non terminé, en eût indique une quantité bien autrement considérable, surtout si on comprend dans ce nombre les œuvres, où Figaro joue un rôle, sans pour cela figurer sur le titre. Citons, entre autres, la Mort de Figaro par Rosier (1833), le Fils de Figaro, pièce jouée en 1848 à l'Odéon, les Deux Figaro par Martelly (1794) et le Picaros de la Citerne de Guilbert de Pixérécourt (1809), qui rappelle, à bien des endroits, notre héros.

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