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lui a point fait un vol, et qu'il ne sera point tenu envers lui aux peines du vol littéraire, ou, en d'autres termes, aux peines de la contrefaçon? »

Conformément aux conclusions de Merlin, la cour de cassation, entrant dans l'appréciation des faits plus avant qu'elle ne s'est cru en droit de le faire par sa jurisprudence posté, rieure, a rendu le 18 floréal an xII (8 mai 1804), l'arrêt suivant : « Considérant que, sous le rapport de l'application de la loi, le jugement du 26 fructidor an xr est soumis à l'examen de la cour de cassation; considérant, au fond, que par le jugement dénoncé il est déclaré constant, en fait, que Leclère et Moutardier ont imprimé, mis en vente et distribué, en l'an x, deux volumes in-4, intitulés: Dictionnaire de l'Académie française, nouvelle édition, augmentée de plus de vingt mille articles, etc.; que cet ouvrage reproduit souvent le même téxte que le Dictionnaire de l'Académie française, 'imprimé par Smith et compagnie; qu'il porte le et consorts sont fondés

même titre principal, et que d

à regarder cette usurpation de titre comme dommageable à leur entreprise; considérant que ces faits constituent un délit prévu par la foi du 19 juillet 1793, et qu'avoir refusé de prononcer contre Moutardier et Leclère les peines portées par cette loi, c'est en avoir expressément violé les dispositions; que cette violation n'est pas justifiée par l'idée que les juges de la cour d'appel se sont faite de la contrefaçon, qu'ils ne voient' ni dans l'usurpation du titre principal ni dans la conformité' du texte des deux ouvrages, parce que, suivant eux, ce texte a été surchargé de définitions, retranchemens, additions, corrections et remarques qui en font un ouvrage nouveau et autre que celui imprimé par Smith et compagnie; qu'en effet, cette distinction entre la contrefaçon résultant de la réimpression totale ou de l'imitation parfaite d'un ouvrage1;' et la contrefaçon qui résulte, comme dans l'espèce du texte et du titre de l'ouvrage, mais avec des additions, corrections et changemens, n'a jamais eu lieu dans la librairie, où, sui

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vant que le prouvent les anciens règlemens, et notamment le préambule de l'arrêt du conseil du 30 août 1777, il était également défendu de faire imprimer, sans la permission de l'auteur, le texte littéral de son ouvrage et de faire imprimer ce même texte avec des additions, corrections, changemens et commentaires; que cette distinction ne se trouve pas davantage dans la loi du 19 juillet 1793, au silence de laquelle les juges du tribunal criminel de Seine-et-Oise n'ont pas pu suppléer; qu'elle n'a pas même, pu entrer dans la pensée du législateur, parce que l'objet de la loi de 1793, littéralement exprimé dans ses deux premiers, articles, est de faire jouir les auteurs, leurs héritiers et cessionnaires, du droit exclusif d'imprimer, vendre et distribuer leurs ouvrages, et par conséquent de prohiber l'impression et distribution, de tout ouvrag qui, en offrant une contrefaçon plus ou moins parfaite, nuirait à l'exercice de ce droit exclusif qu'elle leur garantit; qu'ainsi, dès l'instant où il a été reconnu que, sans permission de l'Académie française ou des éditeurs de son Dictionnaire étant à ses droits, Leclère et Moutardier se sont permis d'usurper le nom de l'auteur du Dictionnaire, et, sous ce titre principal qui devait faire naître la confiance du public, d'imprimer avec plus ou moins de fidélité le texte de son ouvrage; dès qu'il a été reconnu que cette usurpation et cette distribution avaient causé un dommage réel à l'entreprise de Bossange et consorts, c'est-à-dire au droit exclusif, dont la loi de 1793 voulait qu'ils eussent la jouissance pour l'impression, vente et distribution du Dictionnaire de l'Académie française, aucun motif ne devait empêcher les juges de la cour criminelle du département de Seine-et-Oise d'appliquer la loi du 19 juillet 1793; et qu'ils ont contrevenu à ses dispositions en refusant de prononcer les peines portées! dans l'article 4; Casse. Pret

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Les usurpations de titres ont donné lieu à de fréquens pro+> cès, dont nous nous contenterons de rapporter quelquesmin'hi ni wa mil 8, 9ozanj $11,206.9 MISRJ 19

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Jugement du tribunal de commerce de Paris, du 2 mars 1832.: (1)

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«< Attendu que le titre d'un journal est une propriété; attendu que le Constitutionnel est en possession de son titre depuis 1815; qu'en prenant ce titre, le nouveau journal qui paraît depuis peu, encore bien qu'il y ait ajouté l'indication d'une création récente, a cependant porté atteinte au droit de propriété acquis depuis long-temps au journal ancien ; par ces motifs, fait défense au gérant qui a pris le titre de Constitutionnel de 1880 de faire paraître sa feuille sous ce titre à compter de ce jour, et, faute de ce faire, condamne ledit gérant, par corps, au paiement de la somme de 100 francs par chaque jour de retard; sur la demande en dommages-intérêts : attendu que le préjudice que peut avoir éprouvé le Constitutionnel, par le fait de l'émission jusqu'à ce jour de la nouvelle feuille, est sans importance; dit qu'il n'y a lieu de statuer; ordonne que le présent jugement sera exécuté par provision, nonobstant appel, et sans caution, attendu la solvabilité notoire des propriétaires du Constitutionnel.»

Arrêt de la cour royale de Paris, du 8 décembre 1833 (2), entre M. Michaud, éditeur de la Biographie universelle en 52 volumes, et MM. Gosselin et Furne, éditeurs d'une Biographie universelle en 6 volumes par une société de gens de lettres, de professeurs et de biographes : « Considérant que le titre donné par les éditeurs Gosselin et Furne à l'ou-.'' vrage par eux publié est une expression générique consacrée par l'usage pour ce genre d'écrits, et que les dissemblances existantes entre ce titre et la biographie de Michaud, notamment les différences de prix et d'étendue des deux ouvrages, ne permettaient aucune confusion; infirme les deux ! jugemens (du tribunal de commerce) et rejette les réclamations de Michaud.».

(1) Dalloz, 1832, 3, 57.
(2) Dalloz, 1834,2, III.

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Arrêt de la même cour, du 15 février 1834 (1): « Considérant que le titre d'un journal est une propriété à laquelle il ne peut être porté atteinte ni directement, ni indirectement ; que le titre la Mode, donné par Dufougerais à son journal n'est pas une expression générale qui pourrait s'appliquer à plusieurs journaux traitant des sujets différens, mais bien une désignation spéciale et caractéristique de l'objet dont ce journal s'occupe; qu'ainsi ce titre lui appartient exclusivement; considérant que Guyot, en donnant le titre la Mode de Paris à un journal qui s'occupe des mêmes objets que celui de Dufougerais, s'est évidemment, et malgré la légère modification sous laquelle il s'est déguisé, emparé d'un titre qui était la propriété de Dufougerais, et lui a ainsi causé un préjudice dont il lui est dû réparation; Infirme (le jugement du tribunal de commerce); au principal fait défense à Guyot de plus à l'avenir donner à son journal le titre la Mode, de quelque, autre désignation que ce titre soit accompagné, et en cas de contravention, le condamne par corps, par le présent arrêt, et sans qu'il en soit besoin d'autre, à payer à Dufougerais 500 francs par chaque publication; le condamne.. en outre, par corps, à 500 fr. de dommages-intérêts, avec amende et dépens, »

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Arrêt de la même cour du 8 octobre 1835 (2): « Considérant que, d'après les dispositions de la loi du 19 juillet 1793, la propriété littéraire est acquise aux auteurs ou à leurs cessionnaires au moyen du dépôt régulièrement fait de leur ouvrage; mais que ces dispositions et le privilège qu'elles consacrent ne sont applicables qu'aux œuvres terminées ou aux œuvres qui, susceptibles de publications partielles et successives, ont déjà reçu une existence réelle par l'importance de ces publications; qu'un titre ne peut être revendiqué que lorsqu'il a été appliqué à un ouvrage à l'égard duquel i les formalités légalement exigées pour en garantir la pro

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priété ont été remplies, et lorsque l'usurpation de ce titre, nuisible aux intérêts d'un auteur, devient en quelque sorte une contrefaçon; considérant qu'indépendamment de cette condition il faudrait encore que le titre revendiqué s'appliquát privativement, par sa qualité, à l'écrit auquel il a été destiné, l'adoption que pourrait faire un auteur d'expressions généralement employées pour désigner une branche particulière de connaissances ou un genre particulier d'ouvrages ne pouvant avoir pour effet d'en déposséder le domaine public pour son avantage particulier; considérant que Forfelier (appelant) et de Saint-Priest (intimé) ayant eu, à des époques diverses, la pensée de fonder un ouvrage intitulé Encyclopédie catholique, ont chacun usé de leur droit en annonçant publiquement ce projet, sans acquérir aucun droit exclusif sur ledit ouvrage, que le dépôt d'un prospectus, fait par Forfelier, ne peut être assimilé au dépôt de l'ouvrage même, et que si de Saint-Priest a, le 25 juin 1835, déposé une première livraison de son ouvrage, il est constant que cette publication unique, informe soit sous le rapport typographique, soit sous le rapport de la rédaction, n'a été faite à la hâte que pour tenter de créer le privilège résultant du dépôt, et qu'elle ne saurait être considérée comme une réalisation sincère de l'œuvre projetée, devant la faire réputer commencée, et susceptible d'en assurer la propriété... Réforme le jugement (du tribunal de commerce) et rejette la demande principale et la demande reconventionnelle des deux parties, tous dépens compensés. »>

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Des monumens de jurisprudence qui viennent d'être cités et des observations qui précèdent, on peut conclure:

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Que le titre d'un ouvrage, destiné à assurer son individualité et à la manifester au public, ne doit pas être usurpe, même pour être donné à un ouvrage d'un contenu différent; qu'il y a usurpation, même lorsqu'il est fait à ce titre des modifications insignifiantes qui laissent subsister les chances de confusion et de méprise ; 81 9ndavon ĈI, mudiklab ; V (1) Or #bdist 296 .509) 1981 178 ČI Ub tâmA (8)

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