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Mais auparavant, nous jetterons un rapide coup d'œil sur le mouvement des mariages, des divorces, des naissances et des décès, et sur leurs variations de département à département pendant l'année 1895. Mariages. Le nombre des mariages, qui avait été de 286.662 en 1894, est tombé à 282.918 en 1895, en diminution de 3.744 unités, soit de 13 p. 100.

Cette diminution, peu importante en elle-même, puisque le taux générale de la nuptialité se maintient à 7.4 pour 1.000 habitants, chiffre considéré comme satisfaisant, annonce néanmoins une perte éventuelle de 10.000 naissances (à raison de près de 3 naissances par mariage), échelonnée sur plusieurs années à venir.

Les départements où l'on compte, toutes proportions gardées, le plus de mariages ne sont pas toujours, tant s'en faut, ceux où est enregistrée la natalité la plus haute : par exemple la Seine, 9.3 mariages pour 1.000 habitants, ne doit ce taux élevé qu'à la prédominance de l'élément adulte immigré, car la natalité y est faible.

Au contraire, les départements qui fournissent un gros contingent à l'émigration et où la natalité se maintient généralement assez forte enregistrent une nuptialité très faible (les Basses-Pyrénées, 6 mariages pour 1.000 habitants; les Hautes-Pyrénées, 5.8 pour 1,000 habitants; les Hautes et les Basses-Alpes, 6 et 6.6 pour 1.000 habitants).

Divorces. Les divorces sont, comme chaque année, en progrès : voici les chiffres des douze années qui se sont succédé depuis l'année 1885 qui a suivi le rétablissement du divorce:

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On aurait pu penser que le nombre des unions dissoutes par le divorce serait stationnaire, après la liquidation du passé qui s'est produite dans les premières années; il n'en a rien été et le nombre des divorces n'a cessé de croître d'une façon régulière, à raison d'environ 300 à 400 divorces par an.

Comme toujours, ce sont les départements de la Seine (1.785 divorces), du Rhône (304), des Bouches-du-Rhône (156), de la Gironde (178), de l'Aube (58), qui ont enregistré le plus de divorces eu égard à leur population. Par rapport à 1894, les divorces ont augmenté de 11 p.100 dans la Seine, de 33 p. 100 dans le Rhône; ils ont diminué de 14 p. 100 dans la Gironde et de 17 p. 100 dans l'Aube.

Naissances. En 1895, le nombre des naissances s'est abaissé à 834,173, soit 21,215 de moins que l'année précédente. La diminution a été générale, et l'on ne relève que 9 départements, Jura, Maine-etLoire, Meurthe-et-Moselle, Pas-de-Calais, Haute-Saône, Haute-Savoie, Seine-et-Oise, Deux-Sèvres, Vendée, dans lesquels il y ait eu augmentation du chiffre des naissances. La perte qui, dans l'ensemble de la France, a été de 2.5 p. 100 du chiffre de 1894, s'est élevée à 11 p. 100 dans les Basses-Alpes, 10 p. 100 dans Lot-et-Garonne et 9 p. 100 dans les Pyrénées-Orientales.

Le taux des naissances a été de 21.4 pour 1,000 habitants, chiffre égal à celui qui avait été enregistré après la guerre de 1870; jamais il n'avait été aussi bas depuis cette époque. Considéré sous le rapport de sa répartition géographique, il varie de 14.1 p. 1.000 dans le Gers et 14.2 p. 1.000 dans Lot et-Garonne, à 32 p. 1.000 dans le Finistère et 31 p. 1.000 dans le Pas-de-Calais.

Il est remarquable que pour la première fois depuis longtemps les naissances naturelles ont très sensiblement décru en 1895 et que dans la diminution totale du nombre des naissances elles enfrent pour 3 173 unités. Le taux moyen des naissances naturelles a été de 8.8 p. 100 naissances totales, variant de 2.1 p. 100 dans l'Ardèche et de 2.2 p. 100 dans le Finistère, à 24.8 dans la Seine et 13.8 dans la Somme, Viennent ensuite, parmi les départements où la proportion est la plus forte: le Rhône, 13.2 p. 100; la Seine-Inférieure, 13 p. 100; les Bouches-duRhône et le Nord, 12 p. 100.

Décès. Pour la mortalité de la France, dont la moyenne pendant la dernière période quinquennale a été de 857.000 décès, elle a été quelque peu inférieure à cette moyenne en 1895, bien que présentant une aggravation de 36.366 unités par rapport au nombre des décès de l'année 1894. Pendant cette dernière, la mortalité avait manifesté une brusque et notable décroissance, sauf dans le Dauphiné, la Savoie et quelques départements bretons et normands. L'aggravation nouvelle s'est fait sentir dans toute la France et s'est élevée à 16 p. 100 du taux de 1894 dans Eure-et-Loir, 15 p. 100 dans Seine-et-Marne et l'Aisne, 13 p. 100 dans les Ardennes et l'Oise, 12 p. 100 dans l'Eure, Seine-etOise, le Nord. D'une manière générale, tout le bassin de la Seine et tout l'Est ont paru souffrir, en 1895, d'une forte augmentation de la mortalité, tandis que des régions tout entières du Midi voyaient leurs décès rester à peu près stationnaires et même, dans les Alpes et dans les départements gascons, bénéficier d'une sensible amélioration; celle-ci a même été de 10 p. 100 en Savoie et Haute-Savoie.

Dans l'ensemble de la France, le taux de la mortalité générale a été de 22.4 pour 1.000 habitants; il est descendu à 17 p. 1.000, comme

d'ordinaire, dans les départements du Centre et il s'est élevé à plus de 28 p. 1.000 dans la Seine-Inférieure et à 27 p. 1.000 dans les Bouches-du-Rhône.

Excédents des décès ou des naissances. — Nous avons dit l'année que 1895 présente un excédent de 17.813 décès. Dans 58 départements il y a eu excédent de décès; dans 29 seulement, soit le tiers de la France, il y a eu excédent de naissances. Ce dernier excédent s'est élevé à 6 p. 1.000 habitants dans la Vendée, le Morbihan, le Finistère, le Nord; à 9 p. 1.000 habitants dans le Pas-de-Calais. Quant à l'excédent de décès, il a atteint 6 p. 1.000 dans le Gers, la Haute-Garonne, le Lot, Lotet-Garonne, Tarn-et-Garonne, au sud de la France; il a atteint 6.2 p. 1.000 dans le Calvados et 9 p. 1.000 dans l'Eure et dans l'Orne.

Il a été compté en moyenne 98 naissances pour 100 décès dans toute la France, mais, pour ne prendre que les résultats extrêmes, le nombre des naissances et descendu à 69 p. 100 décès dans le Gers et à 67 dans l'Eure; il s'est élevé à 136 p. 100 décès dans la Vendée et à 142 dans le Pas-de-Calais.

Il a été dit plus haut que pendant la période de 1891-1895, considérée dans son ensemble, il y a eu balance entre les décès et les naissances sur le territoire français; l'excédent des naissances constate daus 34 départements est venu compenser l'excédent des décès constaté dans les 53 autres circonscriptions.

Parmi les plus gros excédents pendant les cinq années 1891-1895, y a lieu de citer pour les excédents de naissances :

il

Les Côtes-du-Nord, 8.325; le Finistère, 25.819; le Morbihan, 16.682; le Nord, 63.006; le Pas-de-Calais, 39.643; la Seine, 21.097. Pour la même période, il y a eu excédent de décès dans :

Le Calvados, 10.916; l'Eure, 11.567; la Haute-Garonne, 12.225; l'Orne, 14.140; le Rhône, 9.994.

Il n'y a pas lieu de conclure, on le sait, que tous les départements où se sont produits des excédents de naissances ont vu leur population augmenter ni que tous ceux qui ont enregistré plus de décès que de naissances ont vu leur population diminuer. Les migrations intérieures de la population viennent modifier les résultats. Certains départe ments accusent un excédent d'émigration, comme les Côtes-du-Nord, par exemple, ou d'immigration, comme la Seine et le Rhône. Cette étude fera l'objet d'un travail spécial qui prendra place dans le compte rendu détaillé des résultats du dénombrement de 1896, actuellement en préparation dans les bureaux de l'Office du travail.

SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE

RÉUNION DU 5 AVRIL 1897

NECROLOGIE. M. Victor Deheurle.

DISCUSSION.

De la constitution de la dette publique de la Chine et de ses conséquences économiques.

OUVRAGES PRÉSENTÉS.

La séance est présidée par M. E. Levasseur, de l'Institut. Le Président a le regret d'annoncer à la réunion le décès d'un de nos collègues, peu connu parmi nous, car il vivait en province et n'assistait que rarement à nos séances: c'était M. Victor Deheurle, ancien sous-préfet,membre titulaire de la Société depuis 1873. Il s'intéressait cependant aux questions économiques, car il avait publié en 1873 un Nouveau Traité d'économie politique, en dehors de diverses autres études, par exemple l'Épargne employée dans les assurances sur la vie (1874) et, bien auparavant,le Réalisme dans la littérature et dans les arts (1865).

A droite du Président est assis, comme invité du Bureau, M. F. Dujardin-Beaumetz, ingénieur civil, membre du Comité de direction du Comité des Forges de France.

M. Alphonse Courtois, au nom du Bureau, félicite M. Coste de la manière délicate et énergique dont il a défendu la mémoire de notre regretté collègue Auguste Burdeau « contre les odieuses et infâmes calomnies dont elle a été l'objet, mais dont, grâce à lui, elle ne sera pas la victime ». (Nombreuses marques d'approbation.)

Parmi les ouvrages présentés, que M. A. Courtois énumère, M. Levasseur signale la seconde édition de l'ouvrage de M. Maurice Block Les progrès de la science économique depuis Adam Smith. Cette œuvre d'un Économiste des plus distingués est un véritable monument de savoir et d'érudition.

Sur la proposition du Secrétaire perpétuel, la réunion adopte comme sujet de discussion la question suivante, formulée par M. Fournier de Flaix :

DE LA CONSTITUTION DE LA DETTE PUBLIQUE DE LA CHINE ET DE SES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES.

M. Fournier de Flaix expose ainsi la question.

Qui nous aurait prédit, il y a 25 ans, à l'époque de notre grand emprunt national à 5 p. 100, au cours de 82,50, que ce serait au moyen des capitaux prêtés par la France à la Chine, à 4 p. 100, sous la garantie de la Russie, que la paix serait rétablie entre le Japon et la Chine, à la suite d'une guerre dans laquelle le Japon, pourvu rapidement d'une excellente armée, mais n'ayant que 40 millions d'habitants, aurait raison, en peu de mois, de l'immense empire de la Chine, renfermant plus de 400 millions d'habitants ?

La Chine avait, sans doute, déjà fait quelques emprunts; mais ils n'étaient pas cotés à Paris; ils ne représentaient qu'un ensemble de 9 millions de livres sterling, soit 225 millions de francs. Aujourd'hui, les choses ont bien changé. En deux ans, la Chine a dû ajouter près d'un milliard de francs à sa dette primitive. Elle est grevée ainsi d'une dette extérieure considérable.

Ne serait-ce pas là pour la Chine,qu'un premier pas dans la voie des emprunts d'État. Lors de la visite faite l'été dernier à l'hôtel du Crédit Lyonnais par Li-Hung-Tchang, ambassadeur extraordinaire de l'empereur de la Chine, il s'est empressé de demander à quelles conditions il serait possible d'avancer à la Chine une somme importante pour les dépenses intérieures, marine, armée, routes, canaux, chemins de fer auxquelles elle a à pourvoir.

Un terrible dilemme se pose, en effet, à la Chine: ou faire un grand effort en vue d'une réfection complète, d une appropriation comme celle que le Japon a si heureusement accomplie, depuis quarante ans environ, ou devenir la proie des redoutables voisins, Japon, Russie, Angleterre, France, qui l'enveloppent et qui la convoitent.

Malgré le pessimisme de plusieurs observateurs, très compétents, sur la Chine et son avenir, dont la Fortnightly Review a ces joursci exprimé les vues le Nineteenth Century a même proposé un partage de la Chine (mars 1897) on peut accepter l'opinion des personnes qui croient que la Chine est encore en état de tenter ce grand effort, condition absolue pour elle, du to be or not to be, et qu'elle le tentera, malgré l'oppression et l'opposition de la dynastie Mandchoue.

Ce premier milliard, sur lequel le plus petit spéculateur de bourse peut échafauder des combinaisons de bourse, ne serait done qu'une amorce. Et c'est ce qui en fait l'intérêt, c'est ce qui a

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