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miques de chaque jour, nous croyons avoir mis le lecteur à même de comprendre pourquoi M. Léon Bourgeois poursuit une chimère, en essayant d'établir entre elles une harmonie. Autant vaudrait prétendre qu'il est possible de suivre à la fois des gens dont les uns veulent aller au Nord et les autres au Midi : dans quelque direction que l'on fasse un pas, il est impossible de se rapprocher des premiers sans s'éloigner des seconds.

M. Bourgeois a découvert que l'individualisme contient la part de vérité qui est scientifique, et le collectivisme la part de vérité qui est morale.

Pour arriver à cette conclusion, il faut supposer que les deux doctrines different non seulement sur les moyens à employer, mais encore sur la fin à atteindre. Car une fin peut être morale ou immorale; mais si l'on admet, et M. Bourgeois le proclame hautement, que la science n'a pas fait la banqueroute dont on l'accuse, on ne saurait concevoir des moyens scientifiques qui ne mènent pas sûrement à leur fin. Si la fin est morale, les moyens scientifiques pour l'atteindre sont donc également

moraux.

Or quelle est la fin poursuivie par l'individualisme et par le collectivisme? Elle est commune aux deux doctrines, et elle est éminemment morale: c'est l'obtention de la plus grande somme de bonheur pour l'humanité, par l'établissement de la plus grande somme de justice.

Pour contester que cette fin soit celle recherchée par les individualistes, il faudrait ignorer tous les efforts faits par eux pour dégager les conséquences morales de leur doctrine. Il faudrait n'avoir lu, pour ne citer que ces deux ouvrages parmi tant d'autres, ni La Morale Economique de M. de Molinari, ni ce petit livre publié récemment par M. Yves Guyot, si hardi et si neuf, que bien des esprits distingués n'ont pas su le comprendre, la Morale de la concurrence. Il faudrait avoir borné l'étude de la philosophie évolutionnaire d'Herbert Spencer aux phénomènes physiques, biologiques, psychiques, sans avoir pris connaissance de la partie de son œuvre qui traite de la morale, et qui en est le couronnement.

Nous ne voudrions pas prêter à M. Bourgeois cette ignorance; mais s'il sait à quoi s'en tenir sur ce sujet, comment peut-il affirmer que l'individualisme poursuit un simple but de curiosité intellectuelle? Comment peut-il soutenir que bien qu'elle ait trouvé ses méthodes et ses voies, il manque à cette doctrine un objet, un caractère et une nature propre ? C'est là la conséquence

de la confusion volontaire ou non que nous avons signalée au point de départ de l'argumentation de M. Bourgeois et qui la faussera d'un bout à l'autre, confusion entre la science économique et la doctrine à laquelle cette science a fourni ses arguments les plus solides, si même elle ne lui a donné naissance.

La fin poursuivie par les individualistes étant morale, les moyens qu'ils préconisent, s'ils sont scientifiques, sont done nécessairement moraux.

S'il est encore permis de parler de dilemmes, nous nous demanderons comment M. Bourgeois pourra échapper à celui-ci. Ou l'individualisme n'est pas scientifique et pour affirmer qu'il l'est, M. Bourgeois, qui n'est pas individualiste, doit en être bien convaincu; ou l'emploi de la méthode scientifique n'est pas rigoureusement nécessaire pour atteindre le but moral poursuivi. Dans l'un ou l'autre cas, M. Bourgeois devra détruire une partie de ce qu'il a écrit.

Peut-être nous dira-t-il qu'il trouvera des moyens scientifiques qui ne seront pas individualistes, sans être cependant des moyens collectivistes. Nous lui répéterons que c'est impossible, et quels que soient ces moyens, nous lui démontrerons qu'ils augmentent soit le pouvoir de l'individu contre la collectivite, soit celui de la collectivité contre l'individu.

Les découvertes de la science physique, nous dit M. Bourgeois, ont permis à l'homme, en mettant à sa disposition les forces matérielles de la nature, de transformer la face du monde matériel; pourquoi donc les découvertes des lois qui régissent les forces morales et sociales ne le mettraient-elles pas à même de transformer la vie sociale?

Mais c'est là le langage d'un vulgaire économiste! Lorsque celui-ci se donne la tâche de répandre la connaissance des lois économiques, n'est-ce pas pour mettre l'homme en garde contre le gaspillage des forces sociales, et contribuer ainsi à la transformation de la vie sociale?

Mais quelles sont ces forces? M. Bourgeois vient de nous le dire deux pages plus haut: ce sont l'intelligence, l'énergie, l'esprit d'ordre, la prévoyance, le désintéressement, toutes les vertus humaines mises au service des circonstances. Et quelle est la loi primordiale que dégage la science sociale ? C'est encore M. Bourgeois lui-même qui nous répondra: il n'est pas de pouvoir assez puissant pour décréter ni ces forces ni la bonne fortune dont elles permettent de tirer parti.

Et cependant M. Bourgeois nous dit bientôt après que la société

entend asservir ces forces, dont l'homme a découvert les ressorts, comme ont été asservies les autres forces naturelles. Quelle contradiction!

Où sont-ils ces ressorts, et où se développent-ils sans arrêt à mesure que croît la civilisation, sinon chez l'individu? Comment la société asservira-t-elle, sans briser ces ressorts dont elle ne possède pas le secret, les forces qu'ils mettent en œuvre ? Et les forces naturelles matérielles elles-mêmes, quel profit l'humanité en tirerait-elle s'il n'y avait eu pcur les asservir, que cette entité « la société ? »

Ce que le solidarisme doit nous apporter, c'est la réalisation des espérances que, pendant bien des siècles, les hommes ont mises dans la croyance à une vie future. Rien de moins! C'est le bonheur pour ceux qui souffrent, c'est la réalisation de l'idéal vers lequel tendent la raison et le cœur de M. Léon Bourgeois !

Le cœur de M. Bourgeois veut que chacun soit heureux; mais s'il est des gens que rien ne saurait satisfaire, et il en est, la raison de M. Bourgeois lui fournira-t-elle les moyens de les rendre heureux malgré tout?

Ponr notre part, notre cœur se réjouira de savoir que le progrès apporte à chacun, même le plus dépourvu, une part d'éléments extérieurs de bonheur supérieure à celle dont disposaient ceux qui l'ont précédé dans la vie; et notre raison sera satisfaite d'apprendre que les mieux doués seront assurés d'une part plus grande que celle des moins bien doués, parce que de cette condition dépend la mise en œuvre, dont tous profitent, des forces sociales supérieures qui sont des forces individuelles.

Or, ce double résultat, comment peut-on l'atteindre, sinon par le jeu des phénomènes économiques, que M. Bourgeois appelle fatal. La société, dit-il, n'y peut rester indifférente. Non, certes, elle doit de toutes ses forces le favoriser; et s'il est si loin d'avoir produit toutes ses conséquences heureuses, il faut en grande partie s'en prendre aux entraves qu'y a de tous temps apportées la société, ou les hommes qui prétendraient la représenter.

La caractéristique de la civilisation, c'est que le fort ne détruit plus le faible, comme le dit M. Bourgeois, propageant ainsi un coupable malentendu, mais qu'il s'élève et l'élève avec lui.

C'est là la véritable condition « du meilleur équilibre à établir entre chaque homme et ses semblables; » c'est là « le secret de la pacifique et continuelle évolution de chacun et de tous vers l'entier développement du type humain et de la société humaine. »

Nous acceptons la formule de M. Bourgeois : « La raison, guidée par la science, détermine les lois de l'action; la volonté, guidée par le sentiment moral, entreprend cette action. » Mais nous ajoutons que la volonté manque son but si elle ne se conforme pas aux lois dictées par la raison.

Il n'y a pas chez les économistes, ou mieux chez les individualistes, plus d'indifférence pour le mal que chez les socialistes. Il y a l'affirmation que les moyens socialistes ou à tendances socialistes vont à l'encontre du but marqué par la conscience, el aggravent le mal.

De l'équation posée par M. Bourgeois, c'est-à-dire la réalisation du bien dans les conditions du vrai, la doctrine individualiste appuyée sur la science économique prétend donner la solution: affranchir progressivement l'individu de la tutelle économique et sociale adaptée à un état social en décadence progressive.

La doctrine socialiste donne la solution contraire resserrer cette tutelle après en avoir déplacé l'origine.

Si la doctrine solidariste combat 1 individualisme, elle se condamnera à n'être qu'une pàle copie du socialisme.

HENRY LEON.

LE MOUVEMENT AGRICOLE

La nouvelle loi concernant la répression de la fraude dans le commerce du beurre et la fabrication de la margarine. Difficultés probables d'application, expertises officielles, l'exercice dans les beurreries. - Nécessité hygiénique d'une surveillance dans les fabriques, utilité économique de linterdiction des mélanges. La margarine et les suifs américains; le beurre margariné, le recul de notre exportation, la baisse des prix.

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Le système du Dr Lydtin pour l'amélioration des races bovines par le mesurage et le rapport des proportions. Simmenthal.

Son application à la race de Les concours du Duché de Bade. La méthode suivie et les progrès réalisés. — L'Exposition nationale agricole de Stuttgart.

La nouvelle loi pour la répression de la fraude dans le commerce du beurre et la surveillance de la fabrication ou de la vente des margarines, enfin votée par le Parlement, interdit désormais de désigner, d'exposer, de mettre en vente, d'importer ou d'exporter, sous le nom de « beurre », avec ou sans qualificatif, tel produit qui ne serait pas exclusivement fait avec du lait ou de la crême. Parallèlement, toutes substances alimentaires « autres que le beurre », quelles que soient d'ailleurs leur origine, leur provenance et leur composition, qui présentent l'aspect du beurre, ne peuvent être désormais désignées que sous le nom générique de margarine, et il sera défendu d'y additionner les matières colorantes avec lesquelles on savait si bien jusqu'ici les déguiser; dans le même but, la quantité de vrai beurre contenu dans la margarine mise en vente, que cette quantité provienne d'ailleurs du barattage du lait ou de la crême avec l'oléomagarine, ou d'une addition de beurre, -ne pourra dépasser 10 p. 100. Enfin la fabrication, la préparation, le commerce du beurre, et ceux de la margarine ne pourront plus être pratiqués ni par les mêmes personnes, ni dans les mèmes locaux; il est établi à cet effet un service rigoureux de surveillance et des péna

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