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des cours de gymnastique, de musique, de dessin, etc. Serait-il juste de lui reprocher ces dépenses?

Et quand le bourgeois, l'ouvrier, le provincial, l'étranger se promène dans notre beau Paris, en admire l'élégante ordonnance, les monuments grandioses, les voies publiques, larges, spacieuses, aérées; quand il a entendu dire partout que Paris était la ville de luxe et de plaisirs, comment pourrait-il croire ceux qui prétendent que les conseillers municipaux qui l'administrent ont des idées et théories politiques, sociales, économiques et financières dangereuses et subversives?

C'est, qu'en effet, le contraste est frappant : les finances municipales sont sagement administrées; mais, quand il s'agit de sociétés par actions, de capitalistes qui ont traité avec la Ville, alors les idées socialistes, le « socialisme municipal » prennent le dessus. Ainsi la Ville a constitué de gros monopoles : le Gaz, les Omnibus, les Eaux. Elle ne peut être indifférente à ce que font les compagnies de voitures, d'électricité, etc. Elle accable d'impôts ou elle tracasse inutilement les sociétés qui ont traité avec elle. Il semble que la prospérité, que les maigres profits des actionnaires soient un mal. Chaque voiture de tramways ou d'omnibus coûte, comme charge municipale, plus de 1500 francs d'impôts à l'entrepreneur; 1 franc par voiture de place, sans compter les taxes d'octroi. Nous nous plaignons, avec raison, de l'insuffisance des moyens de transport en commun dans Paris.

Ce ne sont donc pas les compagnies qu'il faut accuser; les impôts qu'elles paient arrêtent tout progrès. Quand l'actionnaire des Petites Voitures ou des Omnibus qui court tous les risques, reçoit 1 franc, la Ville a perçu 4 à 5 francs d'impôts. La Compagnie du Gaz partage ses bénéfices nets avec la Ville; c'est un profit de 15 millions par an, pour le budget municipal; les voitures diverses, sans compter l'octroi, lui rapportent 6 millions. Le public paie le gaz 0 fr. 30 le mètre cube au lieu de 0 fr. 15 à 0 fr. 20 qui serait un prix normal, parce que la Ville n'a pu s'entendre avec la Compagnie pour la prorogation de sa concession; les négociations durent depuis quinze à vingt ans; c'est pour les consommateurs de gaz 200 à 300 millions de perte. Il en est de même pour les omnibus, pour les tramways, pour les voitures; et si, à l'heure actuelle, les Compagnies d'électricité ne prennent pas tout le développement qu'elles pourraient avoir, si l'électricité <«< coûte cher >> c'est que les prétentions fiscales de la Ville sont exorbitantes. Ce sont encore ces mêmes dispositions d'esprit qui ont empêché jusqu'à ce jour la construction d'un métropolitain,

et qui peuvent en retarder pour longtemps l'exécution. Le Métropolitain risquerait de faire baisser le produit de l'octroi, la valeur des propriétés immobilières et de location; il pourrait rejeter hors Paris une quantité d'ouvriers qui y demeurent, et grand nombre de conseillers municipaux redoutent ces éventualités.

Tel est véritablement, dit M. Alfred Neymarck, le socialisme du Conseil municipal. Les sociétés qui, en somme, ont enrichi la Ville et son budget et ont contribué à sa prospérité, ont beaucoup souffert de ces idées fausses; le contribuable parisien, s'il ne veut pas en souffrir davantage, peut et doit se demander ce que deviendront ces entreprises et sociétés à l'expiration de leurs monopoles, privilèges, concessions.

En 1904 expire le monopole du Gaz; en 1910, celui des Omnibus. Actionnaires et obligataires de ces deux sociétés ayant été remboursés, leurs compagnies n'existent plus; la Ville rentre en pleine possession de ses droits. Traitera-t-elle avec de nouvelles sociétés, et sur quelles bases, ou bien aurons-nous du Gaz municipal, des omnibus et tramways municipaux, de l'électricité municipale? La Ville de Paris vendra-t-elle du gaz, du coke, de la houille, de l'électricité? Devra-t-elle acheter de la paille, du foin de l'avoine pour ses chevaux? Aurons-nous des employés municipaux pour conduire nos omnibus et voitures ou allumer les réverbères ? Que deviendront alors les entreprises privées, le commerce, si la Ville fait elle-même ce que le public contribuable et commerçant ferait aussi bien et mieux qu'elle? Nous verrons se développer, avec tous leurs dangers, les conséquences économiques du socialisme municipal, et il n'est pas trop tôt que les contribuables parisiens s'en préoccupent.

M. C. Lavollée s'associe aux critiques exprimées par M. Brelay contre l'ingérence abusive des municipalités qui tendent à accaparer l'exploitation de tous les services publics. Le principe généralement admis en cette matière, c'est que la plus grande part d'initiative et d'action doit être laissée aux efforts privés et que l'Etat ou la Ville ne doit exploiter directement les services. publics que dans les cas où l'action privée ferait défaut ou serait impuissante. Les tendances du Conseil municipal de Paris sont évidemment contraires à ce principe. Elles se manifestent sous toutes les formes et en toute occasion, notamment par l'hostilité systématique du Conseil à l'égard des grandes entreprises qui sont, en vertu de contrats déjà anciens, chargées de l'exécution des principaux services, tels que les Omnibus et le Gaz. La doc

trine socialiste ou collectiviste prétend que l'exécution de ces services doit appartenir exclusivement à l'administration municipale, remplaçant les monopoles exploités par les Sociétés capitalistes.

Il est d'usage d'appliquer le terme de monopole aux services des Omnibus et du Gaz, tels qu'ils sont constitués depuis 1855. Cette application ne semble pas exacte. En industrie, le monopole s'entend d'un privilège absolu, exclusif résultant par exemple d'un brevet d'invention. Celui qui le possède a le pouvoir de fabriquer quand et comme il veut, de vendre à tels prix fixés par lui, en un mot de ne prendre conseil que de son intérêt Il n'en va pas ainsi pour les entreprises actuelles du Gaz et des Omnibus. Ces entreprises ne sont pas maitresses de leur production, ni de leurs tarifs; elle sont soumises par les cahiers des charges à des conditions onéreuses, à des redevances pour prix de la faculté qui leur est attribuée de fournir aux Parisiens, sous la surveillance très étroite de l'administration municipale, l'usage du Gaz et des Omnibus. Il n'y a point là de monopole au sens propre du mot: il y a un contrat librement consenti de part et d'autre, une concession privilégiée sous condition. On peut certainement concevoir et recommander un système autre que la concession privilégiée; on peut, par exemple, pratiquer le régime de liberté, tel qu'il existe à Londres, à Bruxelles, à Berlin, etc. Observons, toutefois, que, pour les Omnibus, la liberté de circulation n'existe en fait sous aucun régime, parce qu'elle est nécessairement limitée par les réglements de police et par l'intérêt supérieur de la sécurité, qui s'oppose à l'encombrement des voies publiques.

Il faut d'ailleurs, se reporter à la date des principales conces sions qui ont été faites pour Paris. C'était en 1855, à la veille de l'annexion des communes suburbaines, annexion qui fut réalisée en 1860. Le Gouvernement voulait agrandir, embellir la ville. desservir tous les besoins anciens et nouveaux, de la métropole. en lui procurant abondamment l'eau, la lumière, les transports à bas prix. On était à la période de concentration des capitaux: les Sociétés, formées pour des travaux utiles, obtenaient largement le crédit. On s'explique donc que l'autorité municipale d'alors ait eu la pensée de mettre à profit, pour ce qu'on pourrait appeler l'aménagement du nouveau Paris, les facilités que lui offrait l'organisation de Sociétés ayant les capitaux et l'expérience, et bien outillées pour faire face aux obligations multiples que des contrats en bonne et due forme leur imposaient, dans l'intéret de la population parisienne, et aussi dans l'intérêt des finances de la Ville. Au surplus, ces concessions étaient temporaires, elles con

cernaient uniquement l'exploitation, elles ne portaient point une atteinte irrémédiable au principe de liberté, et elles ne s'inspiraient que de ce qui paraissait être alors, et de ce qui était, selon l'orateur, l'intérêt public.

Bien différente est la pensée qui anime les collectivistes du Conseil municipal. Ceux-ci veulent, en principe, supprimer toutes les Sociétés d'exploitation, parce qu'elles sont capitalistes; ils comptent obtenir et réserver pour la Ville les bénéfices que réalisent ces Sociétés; ils ont l'ambition d'organiser, en leur lieu et place, un régime de travail plus favorable pour les employés et les ouvriers. Peut-être quelques-uns d'entre eux ne dédaignent-ils pas le surcroît d'influence que leur donnerait l'action directe sur l'exploitation des services, matériel et personnel. Aux esprits avisés, expérimentés et désintéressés il appartient de juger si ce nouveau mode serait, au point de vue de l'intérêt public, préférable au renouvellement des concessions, qui pourrait être accompagné de facilités plus grandes et surtout de réductions de prix.

La majorité du Conseil municipal (et il ne s'agit point seulement ici des collectivistes) est dominée par la volonté d'améliorer les conditions du travail manuel, de rehausser les salaires, de diminuer les heures de travail, de rendre l'ouvrier plus indépendant, de supprimer, si cela est possible, le patron. A cet effet, l'on a vu, lors des grèves qui ont éclaté dans les Compagnies concessionnaires, des conseillers municipaux ainsi que des députés socialistes se mettre à la tête, ou plutôt à la discrétion des grévistes, encourager les demandes les plus exagérées et prêcher la lutte à outrance. Et, en même temps, pour donner le bon exemple, le Conseil municipal a décidé en faveur des ouvriers de la Ville une augmentation considérable des salaires, des congés payés, des indemnités, des retraites. Le cahier des charges du futur métropolitain contient sur cet objet des clauses impératives qui obligeraient les entrepreneurs à supporter de très grands frais de maind'œuvre. Rien de mieux assurément que de souhaiter et de réaliser l'amélioration du salaire; mais, pour que la hausse soit saine et durable, il faut qu'elle soit la conséquence naturelle d'un travail abondant et productif, d'un progrès général qui profite en même temps au capital et au salaire. Une hausse factice et violente ne saurait durer. Le marché du travail est soumis à des lois économiques que l'on tenterait vainement d'enfreindre. Elever le prix du travail au point de supprimer les profits du capital et c'est ce dernier résultat que l'on vise), c'est risquer de supprimer le travail mème et le salaire. Le tactique du Conseil municipal T. XXX. - JUIN 1897.

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en cette matière a pour conséquences inéluctables: 1. de grever outre mesure, sans nécessité, le budget des dépenses de la Ville et de charger tous les contribuables; 2° d'obliger l'ensemble des industries à subir plus que de raison les exigences de la maind'œuvre; car une ville telle que Paris est, comme l'État qui occupe un très grand nombre de bras, une sorte de régulateur des conditions du travail, et il peut s'en suivre que bon nombre d'industries parisiennes ne soient pas en mesure de suivre, sans péricliter gravement, les conditions nouvelles que l'on tente de généraliser dans les services qui dépendent, directement ou indirectement de la Ville.

A ces divers points de vue, la politique économique du Conseil est de nature à inspirer de sérieuses inquiétudes sur l'avenir du travail à Paris aussi bien que sur les finances de la Ville.

M. Jules Fleury est d'avis qu'il n'y a pas grand'chose à ajouter aux critiques si justes formulées par les précédents orateurs contre le socialisme municipal.

Une conclusion générale se dégage de toutes ces critiques : c'est que l'intervention des municipalités a pour effet la dépression de l'initiative individuelle; elle éteint les énergies, elle élève considérablement le coût de tous les services.

Avec la prédominance de ce socialisme, on voit chacun peu à peu devenir fonctionnaire: c'est la dispersion, la suppression des responsabilités.

Le « municipalisme» est éminemment dangereux; c'est une véritable « régression » sociale.

Aussi est-ce rester fidèle à nos principes, à la Société d'économie politique, que de le repousser et souhaiter le maintien du régime de liberté, qui est fondé sur l'initiative individuelle et la responsabilité de chacun.

M. des Cilleuls demande à présenter des observations sur le caractère, les conditions et les effets des traités conclus par la Ville de Paris, avec les Compagnies des eaux, du gaz et des omnibus à l'époque où ils ont été conclus, ces traités ont offert, cela n'est pas douteux, de très réels avantages à la population parisienne.

Il explique, ensuite, que c'est la loi qui oblige les communes à exploiter les marchés d'approvisionnement et, contrairement à l'avis de M. Brelay, il critique le monopole des inhumations, auquel on pourrait substituer des mesures de police comme celles

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