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qui régissent les établissements dangereux, imcommodes ou insalubles le système actuel a engendré d'odieux abus. Passant, ensuite, en revue les critiques de M. Neymarck, l'orateur fait notamment remarquer que le Métropolitain, s'il doit avoir pour effet de rejeter hors de l'enceinte parisienne des consommateurs tributaires de l'octroi, aura aussi, comme conséquence, d'alléger les charges que fait supporter au budget de la Ville une foule d'ouvriers, pour le rachat des cotes mobilières, les subventions charitables, les dépenses scolaires, etc.

Résumant, dans une formule générale, sa pensée sur le sujet traité, M. des Cilleuls persévère dans l'opinion qu'il a émise, ailleurs, en 1895: que « le socialisme municipal, succédané du socialisme d'Etat, s'est établi insensiblement » et sous la triple influence des besoins progressifs de la vie civilisée, de la participation des classes populaires à l'électorat et des précédents créés sous les régimes antérieurs, sans qu'on ait soupçonné le caractère et la portée des mesures prises.

M. Levasseur, président, résume la discussion, très brièvement, parce que l'heure est avancée.

Si M. Brelay n'avait pas été obligé de partir avant la fin, le président le féliciterait d'avoir posé la question et provoqué un intéressant échange d'idées.

M. Brelay sait que le socialisme municipal est une forme de gouvernement qui s'insinue dans plusieurs États et un danger qui menace le siècle prochain. Comment le définir ou le caractériser ? M. Brelay a ingénieusement pris un programme de la Société Fabienne, qui s'applique à donner aux revendications socialistes une allure calme et scientifique. L'auteur de ce programme prend une à une les fonctions économiques dont se chargent les municipalités l'eau, le gaz, l'école, le marché, le lavoir, etc., et en tire argument pour prouver que ces fonctions sont utiles à la communauté et qu'elles sont un acheminement vers la socialisation des autres fonctions économiques de la société. L'accroissement des dettes communales, en France et en Angleterre notamment, sont des conséquences de cette extension des fonctions. La Société Fabienne s'en réjouit; M. Brelay s'en inquiète, non qu'il refuse toute action à la municipalité, par exemple celle qui concerne la voirie ou même, avec une indulgence dont les rives de la Provence doivent lui savoir gré, la musique sur certaines places publiques, mais parce qu'il juge en bon économiste que les associations libres sont plus propres aux œuvres économiques

que l'administration et que la communauté n'a pas à confisquer à son profit,-on devrait dire aux dépens des contribuables -ce que la liberté peut faire. Si le président prenait part directement à la discussion, il essaierait de distinguer dans la longue énumération des Fabiens les fonctions nécessaires, les fonctions utiles, les fonctions nuisibles de la communauté, distinction qui n'est pas constamment la même dans tous les états de civilisation; mais le président résume et ne discute pas.

M. Neymarck, qui connaît à fond les questions de finance, va droit au budget de la Ville de Paris; ce budget n'est pas mal administré ; ce n'est pas là qu'est le péril socialiste; la bonne tenue des rentes de la Ville de Paris sur le marché des valeurs l'atteste. Mais le danger est dans les sources du revenu. Sur le gaz, sur les omnibus, la Ville prélève de fortes sommes qui chargent les consommateurs c'est le morceau de sucre dont parlait Cobden. La Ville prend aujourd'hui une grosse part; n'a-t-elle pas l'arrièrepensée de tout prendre, quand les concessions seront arrivées à leur terme? C'est la menace sur laquelle l'attention doit être éveillée.

M. Lavollée est moins effrayé que M. Brelay. Il reconnait que l'État ne doit faire que ce que l'industrie ne peut pas faire, mais il se demande s'il n'est pas bon qu'il intervienne dans des concessions telles que celles du gaz ou des omnibus. Il explique clairement que ce ne sont pas des monopoles, c'est-à-dire des industries dans lesquelles un unique vendeur fait sur le marché les conditions qu'il veut, mais des concessions privilégiées, c'est-à-dire des contrats par lesquels, il est vrai, il n'y a qu'un seul fournisseur, mais par lequel aussi les conditions de la fourniture sont débattues entre lui et un puissant contradicteur, la Ville. Ce contradicteur stipulant au nom de l'intérêt général, a doté les quartiers peu peuplés de lignes d'omnibus que des compagnies libres n'auraient peut-être pas créées. Ce même contradicteur impose aujourd'hui des conditions onéreuses au profit du personnel et tend à fausser l'équilibre des salaires : c'est de ce côté plutôt que par l'existence d'un service monopolisé que le socialisme est menaçant.

M. Fleury, qui a l'habitude de porter tout d'abord les questions dans les hauteurs sereines de la théorie, nous dit que le municipalisme engendre le socialisme qui engendre le collectivisme, et que le collectivisme fait mourir ou languir l'énergie individuelle, qui est la source de la production de la richesse et du progrès économique. Il y a sans doute des monopoles inévitables; mais il

y en a beaucoup d'évitables que certaines municipalités recherchent aujourd'hui, telle que la fourniture des drogues pharmaceutiques. S'enfoncer dans cette direction, c'est reculer sur le chemin de la civilisation et marcher vers la Salente de Télémaque. Chez un peuple réellement civilisé, tant est la liberté tant est la civilisation. M. Fleury dirait volontiers avec Proudhon qu'il ne veut pas être une des huitres attachées sur le rocher du communisme.

M. des Cilleuls, qui a une longue expérience de l'administration municipale, n'accepte que sous bénéfice d'inventaire les critiques de M. Brelay. Ce qui détermine l'administration publique dans la constitution des monopoles, c'est la triple considération de la police, de la consommation et de la finance. Il n'est pas exact de dire que ces monopoles renchérissent nécessairement les consommations, car les omnibus sont restés à six sous et sont même à trois sous, quoique l'argent n'ait plus la même valeur qu'autrefois. Le gaz coûte plus cher à Paris qu'à Londres, mais les conditions d'approvisionnement de la houille ne sont pas les mêmes, et, si l'on abaisse le prix du gaz que payent les consommateurs, il faudra augmenter les impôts que payent les contribuables: chaque cas doit donc être examiné en lui-même et il faut se garder d'une condamnation en bloc.

Chaque cas en effet, ajoute le président, doit être examiné par ledétail; mais il doit l'ètre à la lumière des principes économiques.

La question est une des nombreuses questions dans lesquelles l'esprit libéral et l'esprit interventionniste ont des querelles de frontières. L'esprit libéral ne l'emporte pas toujours le président a souvent répété que pour avoir l'esprit vraiment libéral, c'est-àdire pour savoir respecter la liberté des autres autant que faire respecter la sienne propre, il fallait certaine éducation et délicatesse qui n'est pas commune et qu'il n'est pas facile de faire entrer dans les mœurs de la démocratie.

On peut appliquer à la question posée une pensée de J. S. Mill et qui est à peu près celle-ci : « La liberté individuelle est le droit; c'est à l'État de prouver, dans chaque cas, que son intervention est nécessaire ou profitable. >> Cet examen pourra être encore repris avec profit dans une autre séance de la Société.

La séance est levée à 11 heures et demie.

Le Rédacteur du compte rendu :

CHARLES LETORT.

OUVRAGES PRÉSENTÉS

FRÉDÉRIC PASSY. Inexplicable insouciance. — Paris, mai 1897, in-folio. Concours sur la monographie des communes, institué par la Société des agriculteurs de France. Rapport au nom du jury du concours, par M. E. CHEYSSON. Paris, 1897, in-8.

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Notice sur le Tunisie à l'usage des émigrants. Tunis, 1897, in-8. Le marché financier en 1896-1897, par ARTHUR RAFFALOVICH. — Paris, 1897, in-8.

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Statistica del commercio speciale di importazione e di esportazione, dal 1° gennaio al 30 april 1897. Roma, 1897, in-4.

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Statistica delle sccietà cooperative. Società cooperative di consumo al 31 dicembre 1895. Roma, 1897, in-4. Maandcijfers enandere periodieke opgaren betreffende Nederland en Nederlandsch Oost-Indie, no 8. 'S Gravenhage, 1897, in-4.

Bijdragen tot de statistick van Nederland, V. Sterfletafels voor Nederland. 'S Gravenhage, 1897, in-4.

PÉRIODIQUES

Bulletin de l'Office du travail, Journal des assurances,Revue économique de Bordeaux, Droit financier, Bulletin des séances de la Société nationale d'agriculture de France, Bulletin de la Société de géographie commerciale de Paris, Bulletin mensuel de la Société de législation comparée, Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Journal de la Société nationale d'horticulture de France, Annales des ponts et chaussées, Annales du commerce extérieur, Revue géographique internationale, Revue des Sociétés, Annals of the American Academy of political and social science, Bollettino di legislazione e statistica doganale e commerciale, Le Rentier, L'Union nationale, Annales du Conservatoire des Arts et Métiers, Bulletin de l'Association philotechnique, Musée social, Bulletin de statistique de BuenosAyres, Bulletin de la Société de géographie commerciale du Havre, Bulletin du ministère de l'agriculture.

COMPTES RENDUS

HISTOIRE FINANCIÈRE DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE, par CHARLES GOMEL. Paris, Guillaumin et Cie.

T. II.

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En rendant compte du premier volume de l'Histoire financière de l'Assemblée constituante de M. Gomel, je faisais quelques réserves aux très justes éloges que je lui adressais, non pour aucune de ses appréciations, mais pour son silence sur les taxes ou le système financier de notre ancienne monarchie, tout en reconnaissant qu'il avait exposé avec beaucoup de savoir ce système dans ses précédents ouvrages. Aujourd'hui, mes éloges seront sans réserves. Non seulement ce second volume, qui comprend les années 1790 et 1791, soit à peu près toute l'œuvre financière de la Constituante, est excellent pour les jugements qui s'y trouvent sur chaque mesure prise par cette assemblée, mais c'est l'un des livres dont la lecture nous peut être assurément la plus utile. Je le disais dans mon premier article, nous avons été élevés dans les idées les plus fausses sur la Révolution, et nous obéissons toujours à ces idées, restées mêlées par une singulière bizarrerie, à nos nombreuses traditions d'ancien régime. Quel service nous rendrait M. Gomel si, rapproché surtout de Tocqueville et de Taine, il nous convainquait enfin que rien ne se fait d'utile ni de durable sans compter avec le temps, sans une extrême mesure dans les changements réalisés, sans folles illusions ni soudains ou coupables entraînements! Malheureusement, l'éducation des constituants, si bien intentionnés d'abord, s'était faite sous le despotisme et le bon plaisir, qui n'apprennent jamais rien de ce qui est nécessaire dans la vie publique. Peu de temps après leur fâcheux transfert de Versailles à Paris, l'un d'eux pouvait dire qu'ils obéissaient au club des Jacobins, qui lui-même obéissait à la commune de Paris, au Palais-Royal et au faubourg Saint-Antoine, comme aux Révolutions de France et Brabant de Camille Desmoulins et à L'Ami du peuple de Marat. Combien étaient déjà justifiées les prévisions de Mirabeau! Aussi la lecture de M. Gomel est-elle aussi triste qu'utile. Après le plus beau départ, et les plus plus nobles desseins, quelles ruines presque aussitôt et quel échec! L'on nous redit chaque jour que nous avons changé le monde; mais

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