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loir sa critique, il ne s'excusera jamais, je ne dirai pas d'avoir ignoré, , avec tout son grec et son hébreu, les éléments de la théologie (car il ne peut pas avoir ignoré des vérités si connues qu'on apprend dans le catéchisme), mais je dirai d'avoir renversé le fondement de la foi, et, avec le caractère de prêtre, d'avoir fait le personnage d'un ennemi de l'Eglise.

CHAPITRE IX.

La tradition combattue par M. Simon, sous prétexte de la défendre.

Quoi donc, nous répondra-t-il, vous m'attaquez sur la tradition que je vante dans tout mon livre. Il la vante, je l'avoue, et il semble en vouloir faire tout son appui; mais je sais, il y a longtemps, comment il vante les meilleures choses. Quand par sa critique de l'ancien Testament il renversoit l'authenticité de tous les livres dont il est composé, et même de ceux de Moïse, il faisoit semblant de vouloir par là établir la tradition, et réduire les hérétiques à la reconnoître, pendant qu'il en renversoit la principale partie et le fondement avec l'authenticité des livres saints. C'est ainsi qu'il défendoit la tradition et qu'il imposoit à ceux qui n'étoient pas assez instruits dans ces matières, ou qui ne se donnoient pas le loisir de s'y appliquer; mais c'est une querelle à part. Tenons-nous-en au troisième tome sur le nouveau Testament, et voyons comment la tradition y est défendue. Déjà on voit qu'elle est sans force, puisque, toute constante et universelle qu'elle étoit dès l'origine du christianisme jusqu'au temps de saint Augustin sur des matières aussi importantes que celle de la grâce et du libre arbitre, ce Père a eu le pouvoir de la changer, et d'entraîner dans ses sentiments les papes et l'Occident. Vantez-nous après cela la tradition que vous venez de détruire. Mais venons à d'autres endroits.

CHAPITRE X.

Manière méprisante dont les nouveaux critiques traitent les Pères et méprisent la tradition: Premier exemple de leur procédé dans la question de la nécessité de l'eucharistie : M. Simon avec les hérétiques accuse l'Eglise ancienne d'erreur, et soutient un des arguments par lesquels ils ont attaqué la tradition.

Il faut apprendre à connoître les décisions de nos critiques et la manière dont ils tranchent sur les Pères. C'est foiblesse de s'étudier à les défendre et à les expliquer en un bon sens : il en faut parler librement; c'est quelque chose de plus savant et de plus fin que de prendre soin de les réduire au chemin battu. Au reste, on n'a pas besoin de rendre raison de ce qu'on prononce contre eux. Le jugement d'un critique, formé sur un goût exquis, doit s'autoriser de

lui-même, et il sembleroit qu'on doutât si l'on s'amusoit à prouver. On va voir un exemple de ce procédé, et tout ensemble une preuve • de ses suites pernicieuses, dans les paroles suivantes de M. Simon.

La preuve, dit-il', que saint Augustin tire du baptême et de l'eucharistie pour prouver le péché originel, comme s'ils étoient également nécessaires, même aux enfants, pour être sauvés, ne paroît pas CONCLUANTE; elle étoit cependant fondée sur la créance DE CE TEMPS-LA, qu'il appuie sur ces paroles: Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Voilà ce qui s'appelle décider: autant de paroles, autant d'arrêts. Le reste du passage est du même ton. En un autre endroit il prend la peine d'alléguer le cardinal Tolet, qui explique saint Augustin d'une manière solide et qui est suivie de toute l'école, mais c'est encore pour prononcer un nouvel arrêt: Il paroit bien de la subtilité dans cette interprétation, et toute l'antiquité a inféré de ce passage: Si vous ne mangez la chair, etc., la nécessité de donner actuellement l'eucharistie aux enfants, aussi bien que le baptême. Il ne faut point de raison: M. Simon a parlé. Saint Augustin s'est trompé dans une matière de foi, et comme lui toute l'antiquité étoit dans l'erreur : la créance de ce Père, quoiqu'elle soit celle de son temps, n'en est pas moins fausse. Ainsi en quatre paroles M. Simon conclut deux choses: l'une, que les preuves de saint Augustin, qui sont celles de l'Eglise, ne sont pas concluantes; l'autre, que la créance de l'Eglise est erronée. Si M. Simon le disoit grossièrement, on s'élèveroit contre lui; parce qu'il donne à son discours un tour malin et un air d'autorité, on lui applaudit.

Cependant on ne peut pas nier qu'il ne soutienne ici les sentiments des protestants. Le principal objet de leur aversion est l'infaillibilité de l'Eglise, qui entraîne la certitude de ses traditions. Pour attaquer ce fondement de la foi, ils ont cherché de tous côtés des exemples d'erreur dans l'Eglise, et celui qu'ils allèguent le plus souvent est le même où M. Simon leur applaudit. Du Moulin, dans son Bouclier de la Foi, et tous les autres sans exception n'ont rien tant à la bouche que cet argument: Saint Augustin et toute l'Eglise de son temps croyoit la nécessité de l'eucharistie pour le salut des enfants; la tradition en étoit constante alors; cependant elle étoit fausse : il n'y a donc ni tradition certaine, ni aucun moyen d'établir l'infaillibilité de l'Eglise la conséquence est certaine. M. Simon établit l'antécédent, qui est que l'Eglise a erré en cette matière. Il n'y a donc plus moyen de sauver la vérité qu'en condamnant ce critique.

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1 Pag. 287.-2 Pag. 710.

CHAPITRE XI.

Artifice de M. Simon pour ruiner une des preuves fondamentales de l'Eglise sur le péché originel, tirée du baptême des enfants.

C'est ce qui nous réduit à examiner une fois les jugements qu'il prononce avec tant d'autorité : et encore que selon les lois d'une dispute réglée, à qui affirme sans raison, il suffise de nier de même; ce ne sera pas perdre le temps que de montrer l'ignorance, la témérité ou plutôt la mauvaise foi de ce censeur.

Je dis donc premièrement qu'il affoiblit la preuve de l'Eglise. Sa preuve fondamentale pour établir le péché originel, étoit le baptême des petits enfants. Ses autres preuves étoient solides, mais il y falloit de la discussion: le baptême des petits enfants étoit une preuve de fait, pour laquelle il ne falloit que des yeux; le peuple en étoit capable comme les savants, et c'est pourquoi saint Augustin l'établit dans un sermon en cette sorte1: Il ne faut point, disoit-il, mettre en question, s'il faut baptiser les enfants : c'est une doctrine établie il y a longtemps, avec une souveraine autorité dans l'Eglise catholique. Les ennemis de l'Eglise (les pélagiens) en demeurent d'accord avec nous, et il n'y a point en cela de question. Voilà donc une première vérité qui n'étoit pas contestée. Il faut baptiser les enfants: le baptême leur est nécessaire; mais à quoi leur est-il nécessaire? Le baptême le montroit, puisque constamment il étoit donné en rémission des péchés; c'étoit une seconde vérité, qui n'étoit pas moins constante que la première. L'autorité, dit saint Augustin', de l'Eglise notre mère le montre ainsi; la règle inviolable de la vérité ne permet pas d'en douter: quiconque veut ébranler cet inébranlable rempart, celle forteresse imprenable, il ne la brise pas, il se brise contre elle. Et un peu après : C'est une chose certaine, c'est une chose établie. On peut souffrir les erreurs dans les autres questions, qui ne sont point encore examinées, qui ne sont point affermies par la pleine autorité de l'Eglise on peut dans cette occasion supporter l'erreur; mais il ne faut pas permettre d'en venir jusqu'à renverser le fondement de la foi.

Ce fondement de la foi étoit la déclaration solennelle que faisoit l'Eglise, qu'on baptisoit les enfants, qu'on les lavoit de leurs péchés ; par où il falloit croire de nécessité qu'ils naissoient pécheurs, et que, n'ayant point de péchés propres à expier, on ne pouvoit laver en eux que ce grand péché que tous avoient commis en Adam. Il ne falloit point argumenter, l'action parloit : le péché originel, si difficile à persuader aux incrédules, devenoit sensible dans la forme du baptême, et la preuve de l'Eglise étoit dans son sacrement.

1 Serm. 294. al. 14. de verb. Apost., c. I. n. 12.—2 Ibid., c. xvII. n. 17.—3 Ibid., c. xx1, n. 20. 1*

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Cet admirable sermon de saint Augustin fut prononcé dans l'Eglise de Carthage le jour de la nativité de saint Jean-Baptiste, au commencement de l'hérésie de Pélage, et avant que ses sectateurs eussent été condamnés; mais l'Eglise qui les toléroit jusqu'alors, et les attendoit à pénitence, leur dénonçoit par ce sermon dans la capitale de l'Afrique, qu'elle ne les toléreroit pas longtemps et jetoit les fondements de leur prochaine condamnation. En effet, quelque temps après, dans la même église de Carthage où ce sermon avoit été prononcé, on tint un concile approuvé de toute l'Eglise, où l'on condamna les pélagiens par le baptême des petits enfants. En voici le canon1: Quiconque dit qu'il ne faut point baptiser les petits enfants nouvellement nés, ou qu'il les faut baptiser à la vérité en la rémission des péchés, mais cependant qu'ils ne tirent pas d'Adam un péché originel qu'il faille expier par la régénération, d'où il s'ensuit que la forme du baptême qu'on leur donne en la rémission des péchés n'est pas véritable, mais qu'elle est fausse; qu'il soit anathème.

On voit par-là que cette preuve du péché originel, qu'on tiroit de la nécessité et de la forme du baptême, étoit celle de toute l'Eglise catholique dans les conciles universellement reçus. Les Pères du même concile de Carthage, dans la lettre qu'ils écrivirent au pape saint Innocent, pour lui demander la confirmation de leur jugement, insistent sur cette preuve, comme sur celle qu'on ne pouvoit rejeter sans renverser le fondement de la foi, qui étoit précisément ce que saint Augustin avoit prêché, encore qu'il n'assistât point à ce concile ; et le pape la reçut aussi comme incontestable, en disant, que c'est vouloir anéantir le baptême, que de dire que ses eaux sacrées ne servent de rien aux enfants3.

C'est donc là ce fondement de la foi, sur lequel les pélagiens ne pouvoient pas dire que l'Orient ne fût pas d'accord avec l'Occident, puisque les deux Eglises en convenoient avec un si grand consentement, que les peuples même, dit saint Augustin dans le sermon déjà cité, auroient couvert de confusion ceux qui auroient osé le renverser. C'est aussi ce qui fermoit la bouche aux pélagiens, qui ne faisoient que biaiser quand on en venoit à cet argument, et paroissoient évidemment déconcertés, comme les réponses de Julien le pélagien le font connoître. Mais aujourd'hui M. Simon entreprend de les délivrer d'un argument si pressant et si important, et n'osant pas le détruire ouvertement, de peur d'attirer sur lui le cri de tout l'univers, il l'affoiblit indirectement, en joignant la nécessité de l'eucharistie avec celle du baptême; comme si saint Augustin et toute

Conc. Carth., can. 11.2 Epist. Conc. Carth. ad Inn. in fine. -3 Epist. Inn. ad Conc. Milev.-4 Serm. 294. al. 14. c. XVII, n. 17. — 5 Aug. cont. Jul., lib. III. c. 3.

l'Eglise l'avoit crue égale. Mais on voit ici manifestement le malicieux artifice de cet auteur. La preuve que l'on tiroit du baptême subsistoit. par sa propre force, indépendamment de celle qu'on tiroit de l'eucharistie, comme on le peut voir par le sermon de saint Augustin, qu'on a rapporté, et encore par le canon du concile de Carthage, où l'argument du baptême, même seul, fait le sujet de l'anathème de l'Eglise, sans qu'il y soit fait mention de celui de l'eucharistie. Quand donc M. Simon fait marcher ensemble ces deux preuves, c'est qu'il espère d'affoiblir l'une en l'embarrassant avec l'autre : il youloit faire ce plaisir aux nouveaux pélagiens, dont il est le perpétuel défenseur, aussi bien que des anciens partisans de cette hérésie, comme la suite de ce discours le fera paroître. En effet la preuve tirée du baptême n'a aucune difficulté. Si donc il a senti qu'il y en avoit dans celle qu'on tiroit de l'eucharistie, et qu'il falloit un plus long discours pour la faire entendre, la bonne foi vouloit qu'il les séparât. Il devoit dire, non pas comme il fait, que la preuve que saint Augustin tire du baptême et de l'eucharistie ne paroît pas concluante ; mais que la preuve de l'eucharistie est plus difficile à pénétrer que l'autre, qui va toute seule, et qui n'a aucun embarras. Mais s'il eût parlé de cette sorte, la victoire de l'Eglise étoit manifeste, et sa preuve très-évidente. Il falloit donc, pour favoriser les pélagiens anciens et modernes, affoiblir, ou plutôt détruire la preuve la plus manifeste du péché originel, et avec elle renverser le fondement de l'Eglise, comme les Pères, dont nous avons vu les autorités, l'ont démontré.

CHAPITRE XII.

Passages des papes et des Pères qui établissent la nécessité de l'eucharistie en termes aussi forts que saint Augustin: Erreur inexcusable de M. Simon qui accuse ce saint de s'être trompé dans un article qui, de son aveu, lui étoit commun avec toute l'Eglise de son temps.

Quant à la preuve de l'eucharistie, le dessein de l'affoiblir se trouve uni avec celui de montrer que dans le temps de saint Augustin, et lui et toute l'Eglise étoient dans l'erreur. La raison en est évidente. On fonde cette erreur de saint Augustin sur la manière dont il parle contre les pélagiens, de la nécessité de l'eucharistie, appuyée sur ce passage de saint Jean : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous 1. Or cette preuve n'est pas seulement de saint Augustin, mais encore du pape saint Innocent dans sa réponse au concile de Milève, que toute l'Eglise a rangée dans ses canons; et elle est encore du pape saint Gélase dans sa lettre aux évêques de la province qu'on appe

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1 Joan., VI. 54.—2 Epist. ad Conc. Milev.-3 Ad Episc. per Pic.

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