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» Si on peut vaincre l'orgueil du Sultan, on vous pro» posera une amnistie; on vous donnera de l'argent, des » terres, en vous promettant des garanties pour votre >> existence et votre fortune. Si vous acceptez, vous êtes » perdus !..... A peine vos tyrans auront ressaisi le pou» voir, que vous ne pourrez plus sortir de la Grèce; et, » ce qu'ils vous auront accordé, ils le reprendront avec » usure. Enlevés à vos familles, vous serez bientôt après >> transportés comme esclaves dans l'Asie-Mineure, en ne >> laissant sur le sol paternel que vos enfants pour les faire » élever dans la servitude la plus abjecte, afin de les par» quer et d'en user comme on le fait des nègres dans les >> colonies. Ces créatures infortunées, qui formeront une » espèce dégradée, deviendront la propriété des barbares, » et seront rangées au nombre des animaux exclusivement >> attachés à la glèbe.

>> Tel est le plan projeté par des maîtres impitoyables, >> et tel est le sort qui vous attend si vous fléchissez. Ne >> frémissez-vous pas d'horreur à une pareille idée ? Et, » pour vous la rendre plus sensible, ramenerai-je vos re» gards sur l'affligeant tableau des maux que vous avez >> endurés ? Vous montrerai-je l'humanité dégradée par la » servitude; la vie rendue à charge par la barbarie de vos >> maîtres; le luxe et la décadence de ces lâches mahomé>> tans; l'arbitraire de leurs pachas; leurs déprédations?

» O Grèce, comment a pu ton antique et majestueux >> vaisseau résister à un si long orage ?.... Elle a été ébran» lée, elle a chancelé, elle tombait, notre chère patrie, » si le Seigneur, le seul miséricordieux, ne l'eût pas sou

>>> tenue.

>> Bénissez son bras puissant; et, en vous rappelant ce >> que vous étiez hier, jugez des bienfaits de Dieu par ce » que vous êtes aujourd'hui. Vous étiez esclaves, il vous

a rendus libres. Voudriez-vous donc transiger avec vos >> anciens maîtres et redevenir leurs esclaves ?

>> De tous les biens dont l'Eternel combla l'homme créé » à son image, le premier, c'est la liberté, sa jouissance >> est son besoin le plus impérieux. Vous l'avez prouvé en » résistant, non à des hommes, mais aux tigres altérés de » sang qui ont dévasté l'île de Chios. Que dis-je ? ce n'est » ni le sang que les Turcs ont répandu, ni les plaies que » leurs mains impies ont faites à notre patrie que je veux >> attester contre leur barbarie, c'est eux-mêmes!

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>> Les voyez-vous? ils se déchirent; soldats, généraux, >> ministres, monarque, ils s'égorgent; ils nagent dans une » mer de sang; on ne distingue leurs physionomies qu'à » la lueur des incendies. Autour d'eux, parmi eux, dans » leurs cités, au sein des campagnes, tout n'est tout n'est que bri» gandage, meurtre, immoralité, anarchie, et ils n'in» voquent le ciel, ils ne lui adressent leurs prières que » pour demander la mort des chrétiens. Mais, diront les >> instigateurs qui vous approcheront, les Turcs ne se sont » livrés à tant d'excès que parce qu'ils ont trouvé de la >> résistance. S'ils n'avaient pas craint pour eux-mêmes, » si le succès... Comme si la Providence pouvait trahir la » cause de la religion et de l'humanité !

» Ainsi les augustes souverains, trompés par de faux >> rapports, car il est probable que nos lettres ne sont pas » venues à leur connaissance, nous abandonnent à nos » propres moyens. Qu'ils nous accordent au moins une >> stricte neutralité. Nous avons vaincu jusqu'à présent

avec l'aide de Dieu, sous l'étendard de la Croix; et >> pleins de confiance dans la sainteté de notre cause, nous >> triompherons des barbares. >>

Le contenu de ce rapport, qui signalait de nouveaux dangers, et l'expulsion des Turcs au-delà du golfe Ambracique, ne nécessitant plus la présence de Mavrocordatos, il se décida à rentrer dans le Péloponèse.

Le cours des événements qui s'étaient passés pendant l'absence du président, avait mis les fonctionnaires pu

blics dans le cas de prolonger l'exercice de leurs attributions au-delà du temps prescrit par l'acte constitutionnel d'Épidaure, qui était loin d'avoir lui-même reçu son application dans les différentes branches de l'administration. Il devenait donc indispensable, comme on l'a vu dans le chapitre précédent, par la proclamation du vice-président Athanase Kanacaris, de convoquer les assemblées électorales, afin de donner un caractère légal à toutes les autorités constituées.

CHAPITRE III.

Existence de l'empire ottoman devenue problématique.

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Destruction de

l'arsenal de Tophana. — Fetwa qui exempte le sultan de se rendre aux incendies. - Prophéties du cheik Achmet. — Firman rendu à ce sujet.

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Les armements grecs désolent le commerce turc.-Importance et force de l'île de Psara, — ainsi que de Samos. — Désolation de Chios.- Cruautés d'Aboulouboud, pacha de Salonique. - Conspiration qu'il invente; — parti qu'il en tire. Sa conduite approuvée. - Percepteurs grecs envoyés dans l'Archipel. — Prises faites par les insurgés. — Événements de l'île de Crète. État des insurgés de l'île d'Eubée. Secours que leur amène Modéna Mavrogénie. - Croisières des Grecs; - leur position maritime. Remarque politique importante.-Nouvelle révolution de sérail. Mariages et dissensions des Péloponésiens. Congrès d'Astros. Moyens et plans militaires des Turcs. Proclamation du congrès. Installation du gouvernement à Tripolitza. — Armée navale turque. Anarchie des Schypetars Épirotes. Jousouf pacha envoyé pour les comDéclaration du congrès de Vérone. - Départ de la flotte ottomane de Constantinople.

mander.

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Le soleil, qui répand la vie dans l'univers, suit comme un serviteur docile la route que l'Éternel lui a tracée : l'univers a ses limites; la mer a ses bornes, qu'elle ne peut franchir, et l'esprit insensé d'un despote de l'Orient a pu seul concevoir l'orgueilleuse pensée de dire : Je suis tout! Tout doit céder à mon autorité, répétait sans cesse le successeur des caliphes, Mahmout II, en voyant périr ses flottes et ses armées. Accoutumé à ne régner que sur des esclaves, car l'Orient, suivant l'expression de la Sagesse divine, ne posséda jamais, au lieu de nations, que des races asservies ; plus il éprouvait de défaites, et plus sa vanité humiliée formait de projets de vengeance.

Cependant, au milieu de l'agitation de la Turquie, ce

n'était plus l'indépendance des Grecs qui était problématique; mais l'existence de l'empire ottoman que la démence de son souverain mettait en question. Né dans une cour où les vertus étaient depuis long-temps oubliées, le sultan entouré de délateurs qui ne cessaient, au sein des misères publiques, de lui répéter l'adage trop ordinaire des courtisans: tout va bien, sa politique anti-européenne annonçait une catastrophe dont on pouvait retarder le dénoûment par quelques péripéties machiavéliques, mais que rien ne pouvait conjurer. Ainsi, à moins de participer à l'aveuglement du divan, ou de partager son opinion, M. Strangford dut se convaincre, en rentrant à Constantinople, que Sa Hautesse, indifférente à ce qui s'était passé au congrès de Vérone, ne voulait écouter aucune proposition, qu'afin de gagner du temps pour être en mesure d'agir contre les Hellènes. Décidée à régner par le glaive, elle promettait des amnisties, avec l'intention de n'en respecter aucune. En cela elle était aussi conséquente que dans le désir d'un rapprochement avec la Russie, en prétendant que cette puissance lui rendît les châteaux du Phase, et laissât le commerce de la mer Noire soumis au bon plaisir des douaniers de Constantinople. Le Pont-Euxin ne devait plus être qu'un bassin clos, dont le sultan aurait ouvert ou fermé l'entrée à ceux qu'il aurait daigné favoriser. De pareilles propositions semblaient inadmissibles.

Aussi orgueilleux que perfide, le chef des croyants et ses conseillers, attentifs à mécontenter les envoyés des puissances chrétiennes, n'avaient pas montré plus de ménagements pour la France. Son ambassadeur venait de demander ses passeports pour se retirer, en laissant un chargé d'affaires à sa place, quand un incendie terrible éclata le 1o mars à Constantinople. Trente mosquées, les casernes des canonniers de Tophana, le faubourg de ce nom, la fonderie, les quartiers de Kobatach et de Fondouckli, devinrent la proie des flammes, sans qu'aucune

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