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ques îles sans défense avait vu échouer les efforts de sa vieille politique; mais il fallait se hâter, et présenter l'attitude de la force afin de déjouer tous les complots. Ainsi l'escadre grecque reprit la mer pour se porter à la rencontre du capitan-pacha.

Les auspices étaient favorables; cet amiral avait enfin appareillé du golfe de Céras, au bruit du canon et des houras de ses matelots. Afin de donner plus de solennité à sa sortie, il avait ensuite mouillé à Koum-Capi, à l'entrée de la Propontide, où le sultan s'était rendu dans sa gondole d'apparat pour passer une dernière fois la revue de son escadre. Il avait revêtu Khoreb pacha d'une pelisse magnifique, en lui remettant son cimeterre enrichi de diamants; il avait fait distribuer de l'argent à ses chiourmes, et annoncé, dans un fort beau discours, qu'il remettait entre leurs mains la défense de la gloire et des destinées du trône d'Ottman.

cet intervalle de temps qui était le plus honorable de leur alliance, ont confirmé clairement la bonne harmonie des souverains sur l'état politique des nations orientales. En conséquence, le congrès de Vérone n'avait rien autre chose à faire que de confirmer vigoureusement les intentions ci-dessus énoncées. Ainsi les puissances amies de la Russie peuvent se flatter que, par le moyen de leur coopération commune, elles surmonteront tous les obstacles qui pourraient retarder la réalisation de leur vou.

CHAPITRE IV.

Avis et plans donnés aux Turcs. — Préparatifs des Grecs. Mesures de défense des Psariens. -Trait d'audace d'un de leurs capitaines. - Arrivée d'Emmanuel Tombazis dans l'île de Crète. — Capitulation qu'il aecorde aux Turcs de Castelli. Comment ils la violent. Le capitan

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pacha ravitaille Carystos; menace Trikéri; arrive à Patras. — Réunion d'une armée à Vonitza. Expéditions des Psariens. Jalousie d'Omer Brionès contre Jousouf pacha. - Révolte des Schypetars; — se débandent. Expédition contre les bergers valaques. Terreur des Turcs de la Thessalie. Armistice. - Arrivée d'Édouard Blaquière dans le Péloponèse. Origine des dissensions entre Mavrocordatos et Colocotroni. - Plan de campagne d'Odyssée. Division de douze mille Turcs envoyée dans la Magnésie; battue. Invasion de la Phocide

par

les Turcs; rejetés dans la Béotie. Ils y égorgent trois cents femmes et eufants. - Défaites successives qu'ils éprouvent. Ils rentrent en Thessalie. Courage de Modéna Mavrogénie. — Apathie et monopole du capitan-pacha. Peste sur sa flotte.— Ne peut ravitailler l'Acrocorinthe. – Le président du pouvoir exécutif part pour l'armée. - Anarchie.. Discours de Mavrocordatos. Il se démet de la présidence.

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Mort du

Réala bey. Audace de quatre femmes de Iolcos. Seconde invasion des Turcs dans la Hellade. - Défection de Khoreb pacha. — Nouvelles qu'il colporte dans l'Anatolie.

« CONQUÉREZ le Péloponèse,» disait au divan le comité directeur de ses plans; «< car, en attaquant les îles de » l'Archipel, leurs populations reflueraient vers cette >> partie volcanisée du continent, et leurs désastres tour»> neraient au profit de l'insurrection qu'il faut étouffer » dans le sang de ses fauteurs. »

Du sang, toujours du sang! ce cri parti de Smyrne et le ton menaçant, quoique amphibologique, de la prétendue déclaration du congrès de Vérone, annonçaient aux Grecs qu'il n'y avait de salut pour eux que dans la victoire. Déjà leurs croisières éparses se rapprochaient de l'Ar

chipel, comme ces corps d'éclaireurs qu'un général rappelle au moment d'une grande bataille. Les navarques chrétiens savaient qu'en y comprenant les escadres barbaresques, la flotte du capitan-pacha se composerait, dans le courant du mois de mai, de cent vingt voiles de guerre.

D'après les dispositions du gouvernement hellénique, on s'était mis en mesure d'opposer à ces forces, non des bâtiments de l'échantillon de ceux des Turcs, puisqu'on n'en avait pas, mais ces navires agiles, convenables à une mer entrecoupée d'îles, qui avaient immortalisé jusqu'alors l'étendard de la Croix. Les Hydriotes avaient en conséquence armé quarante bricks de premier rang, portant huit cents canons, montés par quatre mille huit cents marins, auxquels ils avaient joint douze brûlots (1). Psara équipait vingt-quatre navires de même rang, équipés de quatre cent quatre-vingts canons et de deux mille huit cent quatre-vingts hommes, l'élite de leur marine, avec six brûlots. Spetzia fournissait le même nombre de bâtiments, d'équipages, d'artillerie et de brûlots, de sorte que, sans compter les armements particuliers des autres îles de l'Archipel, l'escadre grecque devait être composée de quatre-vingt-huit voiles de guerre, armées de dix-sept cent soixante canons et de dix mille cinq cent soixante matelots.

Malgré ces moyens de défense, comme on n'était .pas en mesure de se présenter en ligne devant l'ennemi à cause de la supériorité de ses frégates, les Psariens, qui croyaient leur île menacée, redoublaient d'activité pour se mettre en état de résister aux forces de terre et de mer de l'empire ottoman (2). Hommes, femmes, enfants étaient sans

(1) Tous les bâtiments grecs sont maintenant armés de manière à devenir à volonté des brûlots.

(2) Convaincus qu'ils ne pouvaient résister à une attaque sérieuse, les Psariens avaient songé à évacuer l'île qu'ils habitaient : ils devaient venir coloniser dans l'Eubée; mais il fallait en chasser les Turcs, et c'est ce dont on ne put venir à bout pendant la campagne de 1823. Nous n'avions pas

relâche occupés aux travaux des fortifications, en s'animant tour-à-tour par des chants religieux ou guerriers, qui enflammaient les esprits de la multitude du plus véhément enthousiasme, quand un de leurs bâtiments vint annoncer que la flotte des barbares était arrivée aux Dardanelles. Ik avait échappé miraculeusement à l'escadre algérienne au milieu de laquelle il était tombé. On avait aperçu sa manoeuvre des hauteurs de Psara, lorsque, canonné et poursuivi, il s'était subitement entouré d'une fumée épaisse au moyen d'une grande quantité d'algue marine étalée sur ses gaillards, à laquelle il avait mis le feu. On le reçut au milieu des acclamations, et on ne douta plus que la Providence ne veillât au salut de Psara, dont on compléta le système de défense, en établissant deux télégraphes qui servaient à communiquer et à recevoir les avis de l'intérieur et de l'extérieur de la place.

Ces mesures étaient relatives à une attaque par mer, car les levées qu'on faisait alors dans l'Anatolie n'étaient importantes qu'aux yeux du Spectateur Oriental, qui annonçait emphatiquement l'arrivée de vingt-six chameaux chargés de munitions de guerre destinées à composer le fonds d'une nouvelle expédition contre Samos. Nous ignorons si l'Observateur Autrichien signala cette particularité importante; mais ce qu'aucun de ces héroïques avocats de la cause antichrétienne n'osa sans doute publier, c'est que les Samiens ne furent pas plus tôt informés de l'arrivée de ces vingt-six chameaux à Scala-Nova, qu'ils débarquèrent aux douanes de ce port, où ils enlevèrent les munitions qui devaient servir à les foudroyer.

Pendant ce temps, un navire Spetziote coupait les vivres aux Turcs assiégés dans la place de Candie. Il avait aperçu, en relâchant à Standia, deux bricks ottomans occupés à transborder des provisions de bouche sur trois

jugé convenable de faire connaître jusqu'a présent cette particularité, qu'il n'y a plus d'inconvénient à rendre publique.

navires anglais, qui devaient les consigner au sérasker Hassan pacha. Il s'en empara (quoique les connaissements fussent au nom de la maison anglaise Briggs d'Alexandrie); il saisit également les transports ennemis, en donnant, pour prix du fret, aux bâtiments étrangers, quelques tonneaux de marchandises, ainsi que les esclaves turcs qu'il leur abandonna.

Le héraut des bazars des Smyrne, en rapportant cette mésaventure, s'en dédommageait en annonçant qu'il venait de partir pour Constantinople dix-huit compagnies de cinquante hommes chacune, pour grossir l'armée destinée à agir contre les Hellènes. C'étaient les contingents d'autant de Dérébeys ou princes des vallées de l'Anatolie, qui s'étaient rachetés à prix d'argent de l'honneur d'aller en personne moissonner des lauriers dans le Péloponèse, qu'on devait reconquérir (1).

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Les palmes du mont Ida ne tentaient pas davantage les mahométans asiatiques, informés que les Crétois brûlaient tout ce qui était turc, dans la crainte que leurs soldats, en s'emparant des dépouilles des vaincus, ne répandissent la peste dans les campagnes. Depuis ces effroyables mesures sanitaires, les garnisons ottomanes épouvantées, n'osaient sortir des forteresses, où elles s'éteignaient en détail. Chaque jour la mortalité s'accroissait, quand l'insurrection en masse des habitants de Kissamos et de Sélino, auxquels les Péloponésiens avaient envoyé des armes, dès qu'ils se furent emparés de l'arsenal de Nauplie, refoula ce qui restait de barbares, dans les forteresses de la Sude et de SpinaLonga.

Tel était l'état des choses au moment où l'Harmoste Emmanuel Tombazis, ayant pris terre dans le golfe de Cydon avec deux mille Péloponésiens, établit son quartier-géné–

(1) De ces dix-huit bayracks ou campagnies, il n'arriva à Constantinople que 72 hommes portant, à la vérité, les 18 drapeaux; le reste ayant déserté chemin faisant.

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