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MÉMORIAL D'AUDIENCE, à l'usage des tribunaux civils, correctionnels et de commerce, par M. J. AUDIER, ancien magistrat. Nouv, édit. Paris, Chevalier-Marescq, 1887. ↑ vol in-4°.

Dans les débats judiciaires l'on a souvent à discuter et à résoudre, séance tenante, des difficultés dont la solution se rattache à des lois éparses. Le texte de ces lois n'est pas toujours réuni dans les livres usuels et leur commentaire est le plus souvent difficile à découvrir; de là des embarras assez fréquents qui disparaîtraient, ou du moins seraient de beaucoup amoindris, si on avait sous la main les textes à consulter et leur interprétation par la doctrine et la jurisprudence. M. J. Audier, un ancien magistrat qui s'est bien certainement trouvé en présence de pareilles difficultés, a eu la pensée de remédier à cet état de choses, en donnant une nouvelle édition du travail qu'il avait publié, il y a quelque temps, pour codifier les lois organiques de la magistrature et du barreau et quelques autres lois indispensables au service de l'audience.

L'auteur trace d'abord les règles à suivre pour les différentes audiences (civiles, des criées, commerciales, des vacations, correctionnelles, forestières, Chambre du Conseil, assemblées générales); puis il s'occupe des dispositions essentielles qui doivent être observées par les magistrats dans l'exercice des fonctions spéciales qui peuvent leur être confiées pour l'instruction des affaires, et alors il retrace ce qu'il est essentiel de connaître sur l'appel, la cassation, les circulaires ministérielles, la connexité, la défense, les délais, les enquêtes, l'interdiction de vote et d'éligibilité, les inventaires, les jugements, la jurisprudence, la litispendance, l'organisation des tribunaux. Enfin il présente un tableau analytique et alphabétique des délits et des peines correctionnelles, et il n'omet pas de faire connaître tant les cas d'admission des circonstances atténuantes que le délai de prescription de l'action répressive.

Un pareil recueil, qui résume pour chacun des sujets traités les enseignements de la doctrine ainsi que les solutions fournies par la jurisprudence, et qui se consulte facilement au moyen, soit d'une table des matières soigneusement faite soit de tables chronologiques des lois et textes cités ou commentés, est sans précédents; il est destiné à devenir en quelque sorte le manuel du magistrat à l'audience; sa publication est donc à signaler. C'est vraiment rendre service aux corps judiciaires que de recommander ce volume, eu égard aux services qu'il est susceptible de rendre, en épargnant les pertes de temps regrettables, et en prévenant des erreurs dont la réparation est toujours dispendieuse.

Ad. GERY.

DE LA PREUVE DE LA PATERNITÉ HORS MARIAGE, étude de législation, par M. Louis AMIABLE. Paris, Chevalier-Marescq. In-8° de 281 p.

Une étude de législation comparée sur un sujet aussi important et aussi actuel mérite de fixer l'attention. Le nombre sans cesse croissant des enfants naturels, leur mortalité exceptionnelle, leur criminalité excessive donnent au problème une importance au moins égale à l'actualité résultant, et des débats d'hier, et des propositions encore à l'ordre du jour devant les chambres françaises. M. Amiable en recherche la solution dans l'analyse de l'ancien droit, du droit intermédiaire et du droit actuel. Il expose les réclamations, les motifs, les objections et les conditions de la réforme. Il termine par une étude complète de législation comparée.

Si l'ancien droit refusait aux enfants naturels la faculté de succéder et de recevoir à titre gratuit, il leur accordait, du moins, le droit au nom, aux aliments et à l'éducation; et ce droit leur était garanti par la facilité des preuves destinées à établir leur filiation. Prenant le contre-pied de la législation antérieure, le droit intermédiaire élargit, jusqu'à ses plus extrêmes limites, le droit de succéder des enfants naturels, et prohiba, en même temps, d'une manière absolue, la recherche de la paternité. Le code civil tient de l'ancien droit par la restriction de la faculté de recevoir, à titre héréditaire et gratuit, du nouveau par l'interdiction presque absolue de prouver la paternité, interdiction que la jurisprudence a été obligée d'atténuer en faisant fléchir le texte rigoureux de la loi.

Cette jurisprudence a été le signal d'une série de réclamations qui, d'après M. Amiable, datent de 1862. A la longue liste des noms connus qu'il cite à cet égard, il aurait été juste d'ajouter le nom d'un publiciste qui n'a pas été le dernier, ni le moins énergique, ni le moins illustre, Le Play. Quoi qu'il en soit, l'auteur démontre sans peine que ces réclamations si nombreuses sont fondées, et que le droit de l'enfant, celui de la mère et celui de la société exigent également une réforme. La discussion est exacte, tient le plus grand compte de la statistique et des faits, et ne renferme aucune de ces exagérations qui sont presque toujours le signe de l'erreur. Les objections sont ensuite précisées et réfutées avec soin. Les termes et les limites de la réforme sont discutées et aboutissent à un système de preuves de la paternité, qui écarte à la fois les facilités dangereuses de l'ancien droit, les rigueurs du nouveau et l'arbitraire du juge. L'auteur éclaire cette intéressante discussion à l'aide des procès-verbaux du conseil

d'Etat, sur lequel l'influence de Bonaparte fut, en cette matière, plus prépondérante qu'utile et juste.

Après ces deux exposés, historique et doctrinal, la législation comparée occupe une large place dans le volume de M. Amiable. La légis lation actuelle des peuples civilisés se rattache à trois systèmes principaux, adoptés avec des nuances infinies. Le système de la libre recherche règne en Angleterre, en Ecosse, en Suède, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Hongrie, dans une grande partie de la Suisse, en Espagne et dans les colonies espagnoles de l'Amérique. Au contraire, le système prohibitif domine en France et dans les pays de code civil, en Russie, en Grèce, en Hollande, dans quelques cantons suisses, en Roumanie, en Italie et dans quelques républiques de l'Amérique du Sud. Entre ces deux systèmes se place celui que l'auteur appelle spécificatif, c'est-à-dire celui qui permet la recherche dans les circonstances spécifiées par la loi : ce système est adopté en Suède, dans le duché de Bade, dans le Valais, en Portugal, dans la Louisiane et au Mexique.

C'est à ce dernier système que se rattache la réforme proposée. Un projet de loi précis, en onze articles, résumé de tout l'ouvrage, décide que la paternité hors mariage peut être établie par la reconnaissance, même sous forme olographe, par la possession d'état, et par la déclaration judiciaire dans certains cas spécifiés.

Les recherches curieuses, les raisonnements basés sur les faits, les distinctions précises et juridiques font de l'ouvrage de M. Amiable un précieux recueil d'arguments en faveur de l'une des réformes les plus justes, les plus utiles et les plus fondamentales de notre état social. En adoptant pleinement les conclusions de l'auteur, qu'il nous soit permis, toutefois, de signaler bien moins une lacune qu'une ombre un peu obscure et une sorte de contradiction sur un point important.

En législation, comme en toutes choses, il faut considérer la fin. Or, le but de la facilité de la preuve doit-il être de constituer une famille naturelle sur le pied d'égalité avec la famille légitime, ou seulement de remédier au mal social et aux injustices résultant de la filiation naturelle, sans favoriser son extension? Nous croyons que ce second dessein est le seul acceptable et le seul conciliable avec la facilité de la preuve. En effet, l'étendue des droits est très justement mesurée, en cette matière, à la force de la preuve. Ainsi, la législation anglaise, la plus large pour la preuve, n'accorde à l'enfant présumé qu'un droit aux aliments limité à un chiffre très restreint. A l'inverse, la législation révolutionnaire, qui poussait théoriquement le mépris de la famille jusqu'à assimiler les enfants naturels aux enfants légitimes, prohibait, en pratique, toute recherche de la paternité hors mariage. De même, plusieurs législations n'accordent aux enfants naturels le droit

de succéder que vis-à-vis de la mère. Ce rapport presque essentiel, et en tout cas très réel, entre la preuve et ses effets, méritait d'être mis en pleine lumière. Il importait surtout de ne pas attribuer des droits successoraux plus étendus quand on exigeait une preuve moins rigoureuse. Cette inconséquence, que des essais de législation avortés ne peuvent légitimer, aurait pour effet la désorganisation de la famille légitime. Aussi croyons-nous qu'en admettant la réforme si désirable de M. Amiable, on devrait maintenir le droit de succéder, du code civil, tout au plus aux enfants naturels volontairement reconnus. Ce serait à la fois et consacrer la jurisprudence si sage établie par de nombreuses décisions, et faciliter les recherches en diminuant les conséquences des déclarations judiciaires et satisfaire pleinement à tous les motifs de la réforme si bien indiqués par l'auteur : le droit de la mère d'être assistée; le droit strict de l'enfant d'être nourri et élevé; le droit de la société de ne pas être envahie par une foule d'individus sans ressources, sans avenir et sans moralité.

Eug. VIGOUROUX,

Avocat.

REVUE ÉTRANGÈRE

ITALIE.

GLI INFORTUNII SUL LAVORO E IL DIRITTO CIVILE, par M. Guido FUSINATO, professore nella universita di Torino. Roma, Ermanno Loescher, br. in-8° de 77 p.

La question abordée par M. Fusinato présente tout à la fois un grand intérêt d'actualité et un grand intérêt philosophique. On sent que, suivant la pratique en vigueur jusqu'à nos jours, la question des indemnités à payer aux ouvriers pour les accidents dont ils sont les victimes, n'est pas réglée comme elle le devrait. On se rend compte vaguement que les idées et les applications ne sont plus en harmonie. On ne donne pas aux ouvriers tout ce qui leur est dû. Comment corriger ce défaut sans compromettre les bases de la justice? On a proposé plusieurs moyens, entre autres le renversement de la preuve et l'extension du droit matériel, la création de nouvelles règles.

L'auteur estime que le but poursuivi, non seulement est légitime, mais s'impose impérieusement. D'autre part, les moyens proposés pour l'atteindre sont tout à la fois très insuffisants et très onéreux. Le renversement de la preuve est une faveur et non pas un acte de justice; on présume le patron coupable jusqu'à preuve contraire, ce qui est en opposition avec toutes les données de la statistique. Qu'on ne dise pas qu'autrement la position de l'ouvrier serait intenable : on ne ferait qu'augmenter le désordre des idées en confondant la question sociale avec la question juridique. Bref, l'auteur réfute un grand nombre de solutions imaginées jusqu'ici, pour en proposer une nouvelle. Il faudrait, suivant lui, considérer les accidents de travail comme des pertes inhérentes à certaines industries et qui devraient être supportées par celui qui a les profits, en d'autres termes par l'entrepreneur, en vertu de la règle cujus commodum ejus periculum. De la sorte, il n'y aurait rien à changer aux règles admises jusqu'ici pour le fond et pour la forme.

Il faut reconnaître que cette solution mérite d'être examinée. Les circonstances ont bien changé depuis le temps des Romains. Tout en conservant les anciens principes, il est nécessaire d'en modifier les applications. A Rome, l'ouvrier était un esclave, une chose, en gé

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