Images de page
PDF
ePub

d'un certain chiffre de fortune; des impôts progressifs sur le revenu, également prohibitifs; l'interdiction des donations qui ne s'adresseraient point à des œuvres de charité ou d'utilité publique, etc.

Mais on devrait se bien convaincre qu'en dehors de cas exceptionnels l'homme qui «fait fortune» n'enlève point quelque chose à la fortune générale; au contraire, il a dû rendre quelque service positif à ses contemporains. Il aura diminué de cinq centimes le prix d'une denrée usuelle, supprimé un ou plusieurs intermédiaires, rapproché des capitaux de la main du travailleur. En tout cas, il s'est montré supérieur à beaucoup d'autres dans la lutte pour l'existence. Lui interdire de continuer à s'enrichir serait donc lui interdire de continuer à rendre des services publics, à enrichir le monde entier, mettre un terme à son activité justement parce qu'il est un homme actif.

D'ailleurs, comment empêcher aujourd'hui l'émigration des capitaux devant les vexations qu'on leur imposerait? Ne serait-ce pas enrichir son voisin à ses propres dépens, que de la provoquer mal à propos. R. K.

TRAVAUX

DES ACADÉMIES ET DES SOCIÉTÉS SAVANTES

CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Parmi les communications faites au congrès des sociétés savantes, qui s'est tenu au mois de mai, plusieurs méritent d'être signalées.

A la section des sciences économiques et sociales, M. Garreau a présenté quelques observations sur la propriété en pays musulman. Il a constaté dans ses voyages les tristes effets de la constitution musulmane en ce qui concerne les intérêts agricoles. C'est avec raison qu'on s'efforce, dit-il, de faire passer la propriété algérienne sous le régime du Code civil. Les mesures législatives de 1863, 1873 et 1887 ont été prises à cet effet. Il en est résulté une certaine extension de la propriété privée dans notre colonie; un million d'hectares y sont dejà soumis à ce régime. Mais, en Australie, le système Torrens a marché plus rapidement dans cette voie et, par suite, a rencontré chez nous des partisans de plus en plus nombreux. M. Garreau ne partage pas cette manière de voir; il estime que les Algériens aptes à exercer les fonctions et les droits de propriétaires font défaut. D'ailleurs, les indigènes, dépossédés par des prêteurs avides et impitoyables, pourraient devenir de dangereux prolétaires. La conclusion, c'est qu'il faut développer la propriété privée en Algérie mais avec prudence. - M. Joret-Desclozières a analysé les dispositions prises, depuis le seizième siècle, pour créer et développer la vicinalité. Il a examiné et apprécié la phase nouvelle dans laquelle est entrée la vicinalité depuis la dernière loi, remontant à 1836. M. Féraud-Giraud a déclaré que les prestations en nature, résultant du régime actuel, doivent être utilisées avec certains ménagements; elles sont capables d'entralner les agents voyers à des dépenses excessives. M. Ducrocq a affirmé qu'il ne faut pas croire à ce danger. La loi de 1836 est restée excellente; c'est à elle que nous devons le développement rapide de la vicinalité: les populations rurales, laissées libres de choisir, ont, au surplus, manifesté leur préférence pour la prestation en nature. — M. Joret-Desclozières, après avoir résumé succinctement la législation visant la protection des forêts, législation qui va des Capitulaires, à travers les ordonnances royales, jusqu'aux lois de 1827 et 1859, a re

cherché si, dans l'état actuel, notre Code forestier suffit à assurer l'intérêt général et supérieur auquel correspond le maintien des surfaces boisées du territoire. La grande ordonnance de 1669, œuvre de Colbert, fut inspirée par cet intérêt général; elle organisait des réserves de hautes futaies pour les constructions navales; elle interdisait aux particuliers, sous des peines sévères qui furent rigoureusement appliquées, de couper, sans l'autorisation royale, des bois de haute futaie, même dans leurs parcs. Elle souleva les plus vives résistances, même au sein des parlements, dont les membres comptaient sans doute bon nombre de propriétaires forestiers. Sous la Révolution, les bois furent véritablement dévastés. La loi de 1827 fit rentrer les choses dans l'ordre et la protection traditionnelle fut rétablie, au moins dans ses dispositions principales. Mais la vieille opposition se manifesta bientôt à son tour. Le législateur intervint de nouveau en 1859 et, après une lutte des plus vives entre les partisans de la protection à outrance et ceux du droit illimité du propriétaire d'user et d'abuser de sa chose, une transaction fut établie six cas furent déterminés, tels que l'utilité des bois pour la défense du territoire, pour la salubrité de la région, etc., dans lesquels le défrichement était interdit aux particuliers. Cette restriction apportée au droit de propriété estelle excessive? Non; la loi paraît bonne, équitable; et s'il faut se préoccuper du maintien des surfaces boisées, c'est en invitant les so ciétés d'agriculture à encourager par des récompenses les bons sylviculteurs, qu'on atteindra peut-être le but. M. Levasseur a fait observer que les statistiques ne donnent pas le moyen de comparer avec certitude l'étendue des surfaces boisées de la France à différentes époques; cependant, certains documents tendraient à faire admettre que nous avons un peu plus du sixième de notre territoire couvert aujourd'hui par des forêts, et cette proportion était donnée par les ambassadeurs vénitiens à la cour de Henri IV. M. Ducrocq a déclaré applaudir à l'esprit de la loi de 1859, qui consacre à la fois le droit inviolable de la propriété et celui de l'intérêt général. Les causes qui, suivant lui, ont, malgré cette loi, concouru à l'amoindrissement des surfaces boisées sont de deux sortes. L'Etat ou plutôt les difficultés budgétaires de l'Etat et l'abandon fâcheux des intérêts communaux par quelques municipalités ont causé la plus grande partie du mal. En plaçant dans les services du ministère des finances l'administration des forêts domaniales, on a mis sous la main de celui qui était chargé de faire face à tous les imprévus et à toutes les nécessités de l'équilibre budgétaire, des ressources dangereuses pour l'intégrité des forêts de l'Etat. D'autre part, il est arrivé que les municipalités, sous la pression des habitants, ont laissé aliéner, devant des revendications mal justifiées, des propriétés forestières qu'elles avaient pour mission de conserver.

L'administration supérieure et même les tribunaux n'ont pas toujours montré, dans ces cas, la vigilance ou l'énergie désirables.

La section a examiné la question de l'utilité d'éviter les courtes peines d'emprisonnement pour les mineurs de seize ans et de la nécessité de les envoyer dans les maisons de correction gouvernementales. M. Joret Desclozières a présenté un aperçu du sujet : le mineur de seize ans, réputé avoir agi sans discernement, doit être acquitté et renvoyé dans une maison d'éducation jusqu'à l'âge maximun de vingt ans ; des magistrats se rendant peu compte des conditions de l'éducation correctionnelle et persuadés que la détention effective sera d'une longue durée, préfèrent condamner le jeune délinquant à quelques jours ou quelques mois de prison; or, un mineur de seize ans condamné, ayant déjà un casier judiciaire, est un récidiviste nécessaire. M. Rivière a fait connaître l'existence d'une société qui fait engager tous les jeunes gens qui ont été envoyés dans les maisons de correction; mais en imposant un casier judiciaire on tend à rendre cet engagement impossible. M. Passez a communiqué un mémoire sur la législation des portions ménagères et communales. Selon les peuples, la propriété a été, à l'origine, collective ou individuelle; la propriété des terres était collective chez les Celtes lors de l'arrivée des Germains; elle est plus celtique que germanique; mais on ne peut émettre à cet égard d'idées absolues. Dans les pays jugoslaves l'ancien mode de propriété collective, zadruga, tend à disparaître sous l'influence des idées occidentales, c'est une sorte d'association fondée sur les liens de famille; elle constitue une personne morale, représentée par le chef (hospodar), dont l'autorité est absolue; nul ne peut être tenu de rester en communauté. Les filles n'ont le droit de rien réclamer mais elles reçoivent une dot en se mariant. Le zadruga présente les caractères essentiels de la famille patriarcale. En Russie, il y a des communautés terriennes. Les communes, propriétaires du sol, divisent chaque année des terres entre les hommes mariés. Les communes ne peuvent vendre et hypothéquer les terres, sans le consentement des habitants. de la commune. En Algérie, chez les tribus arabes, on a des types des différentes phases par lesquelles peut passer la propriété. Au moment de la conquête il y avait les terres Melk et les terres Arch en dehors des biens de l'Etat. C'est le sénatusconsulte de 1863 qui a, pour la première fois, proclamé la propriété de ces dernières terres au profit des tribus. M. Passez arrive au régime des propriétés communales, spécialement en Flandre, en Artois et dans les trois évêchés. On a de tout temps distingué les biens patrimoniaux des communes et les biens communaux. Les premiers proviennent notamment de dons et de legs. L'origine des communaux est plus obscure. Peut-être faut-il les rattacher aux anciennes communautés de famille. Des partages de

jouissances ont été accordées dans certaines provinces aux habitants des communes au dix-huitième siècle. Ces mesures sont encore parfois appliquées aujourd'hui. Le Conseil d'Etat a souvent statué sur des difficultés auxquelles elles donnent lieu. M. Passez analyse les principales mesures prises sous l'ancien régime. I insiste spécialement sur celles qui concernaient les marais de la Flandre et de l'Artois; des arrêtés préfectoraux ont modifié les conditions de la jouissance. La légalité de ces arrêtés est douteuse. Une longue discussion s'est engagée sur le point de savoir s'il n'y aurait pas lieu d'assurer, en France, par voie législative, une indemnité aux personnes poursuivies ou condamnées à tort, en matière criminelle, correctionnelle ou de police. Ce qui paraît se dégager des observations formulées tant par M. Pascaud, rapporteur, que par MM. Nicolas, Camoin de Vence, Villey, Arboux, G. Picot, P. Vial, Rivière et Rondot, c'est qu'il n'y avait pas lieu de réclamer une réforme législative à cet égard. M. Lanery d'Arc a communiqué une note sur l'alleu, dans l'ancienne province, notamment en Provence; il montre dans l'alleu la continuation de la propriété libre romaine; c'est la terre libre affranchie de toute suzeraineté à l'opposé du fief et de la censive. Il montre les vicissitudes subies par l'alleutier, comment en plus d'un lieu, et surtout au nord le propriétaire de l'alleu changea sa franchise contre la protection d'un seigneur; il rappelle la maxime émise au quatorzième siècle par les feudistes, nulle terre sans seigneur, tournée bientôt en axiome et imposant la preuve au possesseur d'alleu. Une opposition très vive fut faite, dès lors, surtout dans le Midi, à la maxime des feudistes. La formule nul seigneur sans titre y resta en vigueur, malgré toutes les entreprises de la royauté dans plus d'une province, au Dauphiné par exemple. L'auteur insiste en particulier sur le sort de l'alleu en Provence, du seizième au dix-huitième siècle : il a fallu cent vingt-cinq ans d'efforts de la part de la royauté pour détruire l'ancienne franchise. A la section d'histoire, M. Boyer a lu un mémoire sur la constitution du royaume de Boisbelle Henrichemont (nom d'une ancienne seigneurie souveraine, aujourd'hui commune du Cher). Cette principauté souveraine, titre sous lequel elle est ordinairement désignée, jouissait de toutes les franchises et droits régaliens, y compris celui de monnayage et surtout du droit de ressort en matière judiciaire qui constituait le vrai caractère de la souveraineté ; les sujets n'étaient tenus à aucun devoir ni à aucun échange envers leur seigneur. Cette anomalie dans la constitution générale de la France cessa en 1766 par la vente que le dernier des rois de Boisbelle Henrichemont fit de sa souveraineté à la couronne. M. Molard dans un travail sur les lépreux, a soutenu que les individus prenaient de la capacité civile et qu'ils pouvaient acquérir ou disposer, comme le

[ocr errors]

D

« PrécédentContinuer »