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Hélas! en leur faveur mon efprit abufé,
Avait cru que le Nord était civilifé

--

Je viens pour me former fur les bords de la Seine;
C'est un Scythe groffier voyageant dans Athène,
Qui vous conjure ici, timide & curieux,

De diffiper la nuit qui couvre encor fes yeux.
Les modernes talens que je cherche à connaître,
Devant un étranger craignent-ils de paraître?

Le cygne de Cambrai, l'aigle brillant de Meaux,
Dans ce tems éclairé n'ont-ils pas des égaux?
Leurs disciples nourris de leur vaste science, -
N'ont-ils hérité de leur noble éloquence?

pas

Oui, le flambeau divin qu'ils avaient allumé
Brille d'un nouveau feu, loin d'être confumé.
Nous avons parmi nous des pères de l'église.

Nommez-moi donc les faints que le ciel favorife.
Maître Abraham Chaumeix, Hayer le récolet,
Et Bertier le jéfuite, & le diacre Trublet,
Et le doux Caveirac, & Grizel, & tant d'autres;
Ils font tous parmi nous ce qu'étaient les apôtres,
Avant qu'un feu divin fût defcendu fur eux:
De leur fiècle profane inftructeurs généreux,
Cachant de leur favoir la plus grande partie,
Ecrivant fans efprit par pure modeftie,
Et par piété même ennuyant les lecteurs.

-Je n'ai point encor lu ces folides auteurs;
Il faut que je vous faffe un aveu condamnable.
Je voudrais qu'à l'utile on joignît l'agréable;
J'aime à voir le bon fens fous le mafque des ris;
Et c'eft pour m'égayer que je viens à Paris.
Ce peintre ingénieux de la nature humaine,

D.

Qui fit voir en riant la raifon fur la scène,

Par ceux qui l'ont fuivi ferait-il éclipfé?

Vous parlez de Molière! oh fon règne eft paffé;
Le fiècle eft bien plus fin; notre fcène épurée,

Du vrai beau qu'on cherchait eft enfin décorée.
Nous avons les remparts (c), nous avons Ramponeau;
Au lieu du Mifanthrope on voit Jacques Rouffeau,
Qui marchant fur fes mains, & mangeant fa laitue,
Donne un plaifir bien noble au public qui le hue.
Voilà nos grands travaux, nos beaux-arts, nos fuccès,
Et l'honneur éternel de l'empire Français.
A ce brillant tableau connaiffez ma patrie.

Je vois dans vos propos un peu de raillerie;
Je vous entends affez; mais parlons fans détour ;
Votre nuit eft venue après le plus beau jour.
Il en eft des talens comme de la finance;
La difette aujourd'hui fuccède à l'abondance;
Tout fe corrompt un peu, fi je vous ai compris.
Mais n'eft-il rien d'illuftre au moins dans vos débris?
Minerve de ces lieux ferait-elle bannie?

Parmi cent beaux-efprits n'eft-il plus de génie?

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Un génie? ah grand Dieu! puifqu'il faut m'expliquer,

S'il en paraiffait un que l'on pût remarquer,

Tant de témérité ferait bientôt punie;

Non, je ne le tiens pas affuré de fa vie.

Les Bertiers, les Chaumeix, & jufques aux Frérons,
Déjà de l'imposture embouchent les clairons.

L'hypocrite fourit, l'énergumène aboie;

Les chiens de Saint Médard s'élancent fur leur proie:
Un petit magistrat à peine émancipé,

(c) Les comédies qu'on joue fur le Boulevard.

Un pédant fans honneur à Bicêtre échappé,
S'il a du bel efprit la jaloufe manie,
Intrigue, parle, écrit, dénonce, çalomnie,
En crimes odieux traveftit les vertus;

Tous les traits font lancés, tous les rets font tendus.
On cabale à la cour, on ameute, on excite
Ces petits protecteurs fans place, & fans mérite,
Ennemis des talens, dcs arts, des gens de bien,
Qui fe font faits dévots, de peur de n'être rien.
N'ofant parler au roi qui hait la médifance,
Et craignant de fes yeux la fage vigilance,
Ces oifeaux de la nuit raffemblés dans leurs trous,
Exhalent les poifons de leur orgueil jaloux:
Pourfuivons, difent-ils, tout citoyen qui pense
Un génie ! il aurait cet excès d'infolence!
Il n'a pas demandé notre protection!

Sans doute il eft fans mœurs & fans religion;

Il dit que dans les cœurs DIEU s'eft gravé lui-même,
Qu'il n'eft point implacable, & qu'il fuffit qu'on l'aime.
Dans le fond de fon ame il fe rit des Fantins,
De Marie à la Coque & de la fleur des faints.
Aux erreurs indulgént, & fenfible aux mifères,
Il adit, on le fait, que les humains font frères;
Et dans un doute affreux lâchement obstiné,
Il n'ofa convenir que Newton fût damné.
Le brûler eft une ceuvre & fage & méritoire.
Ainfi parle à loifir ce digne confiftoire.
Des vieilles à ces mots au ciel levant les yeux,
Demandent des fagots pour cet homme odieux;
Et des petits péchés, commis dans leur jeune âge,
Elles font pénitence en opprimant un fage.

Hélas! ce que j'apprends de votre nation, Me remplit de douleur & de compaffion.

J'ai dit la vérité, vous la vouliez fans feinte; Mais n'imaginez pas que tristement éteinte,

La raifon fans retour abandonne Paris;

It eft des cœurs bien faits, il eft de bons efprits,
Qui peuvent des erreurs où je la vois livrée,
Ramener au droit fens la patrie égarée.
Les aimables Français font bientôt corrigés.

- Adieu, je reviendrai quand ils feront changés.

3

1

APOLOGIE DE LA FABLE.

SAVANTE
VANTE antiquité, beauté toujours nouvelle,

Monumens du génie, heureuses fictions,
Environnez-moi des rayons

De votre lumière immortelle :

Vous favez animer l'air, la terre & les mers;
Vous embelliffez l'univers,

Cet arbre à tête longue, aux rameaux toujours verds,
C'est Atis aimé de Cybèle;

La précoce Hyacinthe eft le tendre mignon
Que fur ces prés fleuris careffait Apollon.
Flore avec le Zéphyre ont peint ces jeunes roses
De l'éclat de leur vermillon.

Des baisers de Pomone on voit dans ce vallon
Les fleurs de mes pêchers nouvellement écloses.
Ces montagnes, ces bois qui bordent l'horizon
Sont couverts de métamorphofes,

Ce cerf aux pieds légers eft le jeune Actéon.
L'ert emi des troupeaux eft le roi Lycaon.
Du chantre de la nuit j'entends la voix touchante,
C'eft la fille de Pandion

C'eft Philomèle gémiffante.

Si le foleil fe couche, il dort avec Thétis.
Si je vois de Vénus la planète brilla te,
C'eft Vénus que je vois dans les bras d'Adonis,
Ce pole me préfente Andromède & Perfée;
Leurs amours immortels échauffent de leurs feux
Les éternels frimats de la zone glacée;

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