ODE SUR LA MORT DE SON ALTESSE ROYALE MADAME LA PRINCESSE DE BAREITH. LORSQU'EN des tourbillons de flamme & de fumée, Voyant rouler dans la poudre Sur leurs membres déchirés. Ces féroces humains plus durs, plus inflexibles D'un pas terrible s'avance Vers un objet plein d'attraits; Lançaient les plus douces flammes, Vont s'éteindre pour jamais: Une Une famille entière interdite, éplorée, Tendant une main faible à fes amis en pleurs; Vers un refte de lumière Qu'elle gémit de trouver, La faulx redoutable est prête ; ́ Le coup part, l'ame fuit, c'en eft fait, il ne refte; De tant de dons heureux, de tant d'attraits fi chers, De ces fens animés d'une flamme céleste, Qu'un cadavre glacé, la pâture des vers. Ce fpectacle lamentable, Cette perte irréparable, Vous frappe d'un coup plus fort, Que cent mille funérailles O BAREITH! ô vertus ! ô graces adorées! Femme fans préjugés, fans vice & fans erreur Quand la mort t'enleva de ces tristes contrées,' De ce féjour de fang, de rapine & d'horreur ; Poéfies, Tomel, Mm Les nations acharnées De leurs haines forcenées De la douce vertu tel eft le für empire; Telle eft la digne offrande à tes mânes facrés. Vous qui n'êtes que grands, vous qu'un flatteur admire, Vous traitons-nous ainfi lorfque vous expirez ? t La mort que Dieu vous envoie, Eft le feul moment de joie Qui confole nos esprits. Ou nos éternels mépris. Mais toi dont la vertu fut toujours fecourable Toi, dans qui l'héroïsme égala la bonté, Qui penfais en grand homme, en philofophe aimable, Qui de ton fexe enfin n'avais que la beauté : Si ton infenfible cendre Chez les morts pouvait entendre Tous ces cris de notre amour, C'eft nous triftes humains, nous qui fommes à plaindre, Dans nos champs défolés & fous nos boulevards, Condamnés à fouffrir, condamnés à tout craindre Des ferpens de l'envie & des fureurs de Mars, Les peuples foulés gémiffent, Les arts, les vertus périffent; On affaffine les rois, Tandis que l'on ofe encore Dans ce fiècle que j'abhore Parler de moeurs & de loix! Hélas ! qui déformais dans une cour paisible Le fanglant fanatifme, & l'athéifme horrible Qui prendra pour fon modèle La loi pure & naturelle Que Dieu grava dans nos cœurs? Des tranquilles hauteurs de la philofophie, Qui tourmentent dans nos villes Ces intrigues fi cruelles, Qui font des cours les plus belles Du tems qui fuit toujours tu fis toujours usage; O combien tu plaignais l'infame oifiveté De ces efprits fans goût, fans force & fans courage Qui meurent pleins de jours, & n'ont point existé! La vie eft dans la pensée. Si l'ame n'eft exercée, Tout fon pouvoir se détruit; Ce flambeau fans nourriture N'a qu'une lueur obscure Plus affreufe que la nuit. Illuftres meurtriers, victimes mercenaires, Qui redoutant la honte & maîtrisant la peur, L'un par l'autre animés aux combats fanguinaires, Fuiriez fi vous l'ofiez, & mourez par honneur: Une femme, une princeffe, Dans fa tranquille fageffe, Du fort dédaignant les coups, |