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Des quolibets & des turlupinades,

Un rire faux, que l'on prend pour gaîté
Font le brillant de la fociété.

C'est donc ainfi, troupe abfurde & frivole,
Que nous ufons de ce tems qui s'envole;
C'est donc ainfi que nous perdons des jours,
Longs pour les fots, pour qui pense fi courts.
Mais que ferai-je ? Où fuir loin de moi-même ?
Il faut du monde; on le condamne, on l'aime:
On ne peut vivre avec lui ni fans lui;
Notre ennemi le plus grand, c'est l'ennui.
Tel qui chez foi fe plaint d'un fort tranquille,
Vole à la cour, dégoûté de la ville.
Si dans Paris chacun parle au hafard,
Dans cette cour on fe tait avec art;
Et de la joie, ou fauffe ou paffagère
On n'a pas même une image légère.
Heureux qui peut de fon maître approcher!
Il n'a plus rien déformais à chercher.
Mais Jupiter au fond de l'empirée
Cache aux humains fa présence adorée :
Il n'eft permis qu'à quelques demi-Dieux
D'entrer le foir aux cabinets des cieux.
Faut-il aller, confondu dans la preffe,
Prier les Dieux de la feconde espèce,
Qui des mortels font le mal ou le bien ?
Comment aimer des gens qui n'aiment rien,
Et qui portés fur ces rapides fphères,
Que la fortune agite en fens contraires,
L'efprit troublé de ce grand mouvement,
N'ont pas le tems d'avoir un fentiment ?

A leur lever, preffez-vous pour attendre,
Pour leur parler fans vous en faire entendre,
Pour obtenir, après trois ans d'oubli,
Dans l'antichambre un refus très-poli.

Non, dites-vous, la cour ni le beau monde,
Ne font point faits pour celui qui les fronde.
Fui pour jamais ces puiffans dangereux;
Fui les plaifirs, qui font trompeurs comme eux.
Bon citoyen, travaille pour la France,
Et du public atten ta récompense.
Qui? le public! ce fantôme inconftant,
Monftre à cent voix, Cerbère dévorant,
Qui flatte & mord, qui dreffe par fotțise
Une ftatue, & par dégoût la brife?
Tyran jaloux de quiconque le fert,
Il profana la cendre de Colbert ;
Et prodiguant l'infolence & l'injure,
Il a flétri la candeur la plus pure.
Il juge, il loue, il condamne au hafard
Toute vertu, tout mérite & tout art.

C'eft lui qu'on vit de critiques avide,
Déshonorer le chef-d'œuvre d'Armide,
Et pour Judith, Pirame, & Régulus,
Abandonner Phèdre & Britannicus;
Lui qui dix ans profcrivit Athalie,
Qui protecteur d'une fcène avilie,
Frappant des mains, bat à tort,
Au mauvais fens qui hurle en mauvais vers.
Mais il revient, il répare fa honte;

à travers,

Le tems l'éclaire, oui; mais la mort plus prompte Ferme mes yeux dans ce fiècle pervers,

En attendant que les fiens foient ouverts.
Chez nos neveux on me rendra juftice;
Mais moi vivant il faut que je jouiffe.

Quand dans la tombe un pauvre homme est inclus,
Qu'importe un bruit, un nom qu'on n'entend plus?
L'ombre de Pope avec les rois repofe;
Un peuple entier fait fon apothéose,
Et fon nom vole à l'immortalité;
Quand il vivait il fut perfécuté.

Ah! cachons-nous; paffons avec les fages
Le foir ferein d'un jour mêlé d'orages;
Et dérobons à l'oeil de l'envieux

Le
peu de tems que me laiffent les Dieux.
Tendre amitié, don du ciel, beauté pure,
Porte un jour doux dans ma retraite obfcure.
Puiffai-je vivre & mourir dans tes bras,
Loin du méchant qui ne te connaît pas,
Loin du bigot, dont la peur dangereuse
Corrompt la vie & rend la mort affreuse!

A MADAME LA COMTESSE D. L. N.

en lui envoyant l'épître fur LA CALOMNIE.

PARCO
ARCOUREZ donc de vos yeux pleins d'attraits

Ces vers contre la calomnie.

Ce monftre dangereux ne vous bleffa jamais;

Vous êtes cependant fa plus grande ennemie.
Votre efprit fage & mefuré,

Non moins indulgent qu'éclairé,
Excufe, quand il peut médire;
Et des vices de l'univers,
Votre vertu mieux que mes vers,
Fait à tout moment la fatyre.

ÉPITRE

SUR LA

CAL OM NIE.

ECOUTEZ-MOI, refpectable Emilie;

Vous êtes belle; ainfi donc la moitié
Du genre humain fera votre ennemie.
Vous poffédez un fublime génie;
On vous craindra. Võtre tendre amitié
Eit confiante, & vous ferez trahie.
Votie vertu dans fa démarche unie,
Simple & fans fard, n'a point facrifié
A nos dévots; craignez la calomnie..
Attendez-vous, s'il vous plaît, dans la vie,
Aux traits malins que tout fat à la cour

"

Par paffe-tems fouffre & rend tour-à-tour.
La médifance eft la fille immortelle
De l'amour-propre & de l'oifiveté.
Ce monftre ailé paraît mâle & femelle,
Toujours parlant, & toujours écouté.
Amusement & fléau de ce monde,
Elle y préfide, & fa vertu féconde
Du plus ftupide échauffe les propos:
Rebut du fage, elle est l'efprit des fots.
En ricanant, cette maigre furie
Va de fa langue épandre les venins
Sur tous états. Mais trois fortes d'humains,
Plus que le refte, alimens de l'envie,
Sont exposés à fa dent de harpie :
Les beaux-efprits, les belles & les grands
Sont de ses traits les objets différens.
Quiconque en France avec éclat attire
L'œil du public, eft fûr de la fatyre : -
Un bon couplet, chez ce peuple falot,
De tout mérite eft l'infaillible lot.

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La jeune Eglé, de pompons couronnée,
Devant un prêtre à minuit amenée,
Va dire un oui, d'un air tout ingénu,

A fon mari qu'elle n'a jamais vu.

Le lendemain en triomphe la mèneon

Au cours, au bal, chez Bourbon, chez la reine.
Le lendemain, fans trop favoir comment,

Dans tout Paris on lui donne un amant.

Roi (a) la chanfonne, & fon nom par la ville

(a) Poëte connu en fon tems par [tites fatyres nommées Calottes, qui quelques opéra, & par quelques pe-font tombées dans un profond oubli.

Court

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