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Dont la grimace & l'artifice
Avaient fait dreffer les cheveux
A ce fot prince des Hébreux,
Qui crut bonnement que le diable,
D'un prédicateur ennuyeux
Lui montrait le spectre effroyable.
Il n'y faut point tant de façon
Pour une ombre aimable & légère:
C'est bien affez d'une chanson,
Et c'est tout ce que je puis faire.
Je lui dis fur mon violon:
Eh! de grace, monfieur Chapelle,
Quittez le manoir de Pluton,
Pour cet enfant qui vous appelle;
Mais non, fur la voûte éternelle,
Les Dieux vous ont reçu, dit-on,
Et vous ont mis entre Apollon
Et le fils joufflu de Semèle.
Du haut de ce divin canton,
Defcendez, aimable Chapelle.
Cette familière oraison,
Dans la demeure fortunée
Reçut quelque approbation;
Car enfin, quoique mal tournée,
Elle était faite en votre nom.
Chapelle vint. A fon approche,
Je fentis un tranfport foudain;
Car il avait fa lyre en main

Et fon Gaffendi (b) dans fa poche;
Il s'appuyait fur Bachaumon,
Qui lui fervit de compagnon

Dans le récit de ce voyage,

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Qui du plus charmant badinage

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Fut la plus charmante leçon.

Je lui demandai, comme il s'y prenait autrefois dans le monde,

Pour chanter toujours fur fa lyre
Ces vers aifés, ces vers coulans,
De la nature heureux enfans,
Où l'art ne trouve rien à dire?
L'amour, me dit-il, & le vin,
Autrefois me firent connaître
Les graces de cet art divin:
Puis à Chaulieu l'épicurien

Je fervis quelque tems de maître;

Il faut

que Chaulieu foit le tien.

RÉPONSE

A LA PRÉCÉDENTE.

A Paris, ce 26 Juillet 1717.

de

JE n'aurais jamais cru qu'un homme comme vous, monfieur eût pu croire aux efprits, & moins encore ajouter foi à ce qu'ils difent quand ils veulent bien revenir, je ne fais pas d'où. La fecte des philofophes, où vous avez la bonté de m'affocier de votre autorité, m'a fait douter, graces au ciel, de l'apparition de Chapelle, & m'a préfervé des coquetteries de fon ombre, votre politeffe, & de la complaifance de mon amour-propre, que vous avez tâché fi galamment de mettre de la partie. Parmi toutes les bonnes raifons que vous devez avoir de vous défier un peu de cette apparition, vous en avez une effentielle en vous, qui doit vous déterminer à ne la pas croire, & qui m'y a, en mon particulier, entiérement déterminé.

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D'une ombre qui vous dit de me prendre pour maître

Ne croyez pas l'illufion.

Quand avec vos talens le ciel vous a fait naître,

Il n'eft pour vous de maître qu'Apollon.

Voilà en trois mots ce que je puis répondre à la plus jolie lettre du monde, que vous m'avez écrite, trop flatteufe pour l'écouter, trop brillante d'imagination pour me hafarder à y faire une réponse en forme, qui ferait indigne peut-être d'un élève de Chapelle, à qui vous pourriez la montrer dans le commerce étroit où je vous vois avec lui quarante ans après fa mort.

Mais fi je me défie de mon efprit, je fuis toujours für de mon cœur ; & je vais répondre au fentiment d'eftime & d'amitié que j'ai pour vous, dont vous me demandez une marque effentielle, qui eft de vous dire avec la fincérité dont je fais profeffion, ce que je penfe de la petite affaire dont vous me faites ouverture, &c.

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A MONSIEUR LE PRÉSIDENT HÉNAUT,

AUTEUR D'UN OUVRAGE EXCELLENT SUR L'HISTOIRE DE FRANCE.

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A Cirey, ce 1 Septembre 1744.

Déeffe de la fanté,~

Fille de la fobriété,

Et mère des plaifirs du fage,

Qui fur le matin de notre âge
Fais briller ta vive clarté,
Et répands ta férénité

Sur le foir d'un jour plein d'orage.

O Déeffe, exauce mes vœux;

Que ton étoile favorable

Conduife ce mortel aimable:
Il eft fi digne d'être heureux.
Sur Hénaut tous les autres Dieux
Verfent la fource inépuisable
De leurs dons les plus précieux.
Toi, qui feule tiendrais lieu d'eux,
Serais-tu feule inexorable?
Ramène à fes amis charmans,
Ramène à fes belles demeures
Ce bel-efprit de tous les tems,
Cet homme de toutes les heures.
Orne pour lui, pour lui fufpens
La courfe rapide du tems,
Il en fait un fi bel ufage:

Les devoirs, & les agrémens,

En font chez lui l'heureux partage.
Les femmes l'ont pris fort fouvent
Pour un ignorant agréable;
Les gens en us pour un favant;
Et le Dieu joufflu de la table
Pour un connaiffeur fi gourmand.

Qu'il vive autant que fon ouvrage;

Qu'il vive autant que tous les rois,
Dont il nous décrit les exploits,
Et la faibleffe & le courage,
Les mœurs, les paffions, les loix,
Sans erreur & fans verbiage.
Qu'un bon eftomac soit le prix
De fon cœur, de fon caractère,
De fes chanfons, de fes écrits,
Il a tout, il a l'art de plaire,
L'art de nous donner du plaifir,
L'art fi peu connu de jouir:
Mais il n'a rien s'il ne digère.

Grand DIEU, je ne m'étonne pas,
Qu'un ennuyeux, un des Fontaine,
Entouré dans fon galetas

De fes livres rongés des rats,
Nous endormant, dorme fans peine,

Et que le bouc foit gros & gras.
Jamais Eglé, jamais Sylvie,
Jamais Life à fouper ne prie
Un pédant à citations,

Sans goût, fans grace & fans génie ;

Sa perfonne, en tous lieux honnie,
Eft réduite à fes noirs Gitons.

Hélas! les indigeftions

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Après cette hymne à la fanté, que je fais du meilleur de mon coeur, fouffrez, monfieur, que j'y ajoute mentalement un petit Gloria Pani pour moi. J'ai autant befoin d'elle que vous; mais c'était de vous que j'étais le plus occupé. Qu'elle commence par vous donner fes faveurs comme de raifon; buvez gaiement, fi vous pouvez, vos eaux de Plombières; & revenez vîte à Cirey avant que les huffards Autrichiens viennent en Lorraine. Ces gens-là ne font boire que des eaux du Styx. Souvenez

yous

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