Avez-vous bien connu cette ardente ferveur, Ce goût, ce fentiment, cette ivreffe du cœur, La charité, mon fils! Le chrétien vit pour elle, Qui ne fait point aimer n'a qu'un cœur infidèle; La charité fait tout; vous poffédez en vain Les mœurs de nos prélats, l'efprit d'un capucin, D'un cordelier nerveux la timide innocence, La fcience d'un carme avec fa continence, Des fils de Loyola toute l'humilité; Vous ne ferez chrétien, que par la charité. Commencez donc, curé, par un effort fuprême; Pour mieux favoir aimer, haïffez-vous vous-même Faites-nous humblement un expofé fuccint De cent petits péchés dont vous fûtes atteint, Vos jeux, vos paffe-tems, vos plaisirs & vos peines, Olivettes, amoris, vos amours & vcs haines, Combien de muids de vin vous vuidiez dans un an, Si Brunette avec vous a dormi bien fouvent. Après que vous aurez aux yeux de l'affemblée Etalé les péchés dont votre ame eft troublée; Avant que de partir il faudra prudemment Dieter vos volontés, & faire un teftament: Bellébat perd en vous fes plaifirs & fa gloire; Il lui faut un pasteur & des chansons à boire Il ne peut s'en paffer: vous devez parmi nous Choifir un fucceffeur qui foit digne de vous;, Il fera votre ouvrage & vous pouvez le faire De votre efprit charmant unique légataire : Tel Elie autrefois loin des profanes yeux, Dans un char de lumière, emporté dans les cieux, Avant que de partir pour ce rare voyage,
Confolait Elifé, qui lui fervait de page; Et dans un testament qu'on n'a point écrit,
Avec un vieux pourpoint lui laissa son esprit.
Sur un carrousel donné par l'impératrice de Ruffie. 1768.
SORS du tombeau, divin Pindare,
Toi qui célébras autrefois
Les chevaux de quelques bourgeois
Ou de Corinthe ou de Mégare;
Toi qui poffédas le talent
De parler beaucoup fans rien dire; Et qui modulas favamment Des vers que perfonne n'entend, Et qu'il faut toujours qu'on admire,
Mais commence par oublier
Tes petits vainqueurs de l'Elide; Prens un fujet moins infipide, Viens cueillir un plus beau laurier; Ceffe de vanter la mémoire Des héros dont le premier foin Fut de fe battre à coups de poing Devant les juges de la gloire.
La gloire habite de nos jours Dans l'empire d'une amazone, Elle la poffède & la donne;
Mars, Thémis, les jeux, les amours
Sont en foule autour de fon trône,
Poéfies. Tome I,
Viens chanter cette Thaleftris (1) Qu'irait courtifer Alexandre Sur tes pas je voudrais m'y rendre, Si je n'étais en cheveux gris.
Sans doute, en dirigeant ta course Vers les fept étoiles de l'ourse, Tu verras, dans ton vol divin, Cette France fi renommée
Car ta mufe eft accoutumée A fe détourner en chemin; Tu verras ce peuple volage Dont les modes & le langage, Règnent dans vingt climats divers; Ainfi que ta brillante Grèce, Par les arts, par fa politeffe Servit d'exemple à l'univers. 295 Mais il eft encor des barbares Dans le fein même de Paris; Des pédans jaloux & bizarres, Infenfibles aux bons écrits; Des fripons aux regards auftères, Perfécuteurs atrabilaires Des grands talens & des vertus; Et fi, dans ma patrie ingrate, Tu rencontres quelque Socrate, Tu trouveras vingt Annitus (b).
(a) Thaleftris, reine des Amazo- digne de donner des héritiers à fon nes, fortit de fes états pour venir empire. Quinte-Curce. voir Alexandre le grand, auquel elle avoua de bonne foi qu'elle defirait avoir des enfans de lui, fe croyant
(b) Annitus fut le délateur, & l'ac cufateur calomnieux de Socrate.
Je m'apperçois que je t'imite. Je veux, aux campagnes du Scythe, Chanter les jeux, chanter les prix Que la beauté donne au mérite; Je veux célébrer la grandeur, Les généreufes entreprises, Chanter les vertus, le bonheur, Et j'ai parlé de nos fottifes.
A L'IMPERATRICE
Qui l'invitait à faire ce voyage.
IEUX! qui m'ôtez les yeux & les oreilles, Rendez-les-moi, je pars au même instant! Heureux qui voit vos auguftes merveilles, O Catherine! heureux qui vous entend! Plaire & régner, voilà votre talent; Mais le premier me flatte davantage. De votre efprit vous étonnez le fage; Il cefferait de l'être en vous voyant,
MADRIGALA MADAME DE
SUR UN PASSAGE DE
POPE l'Anglais, ce fage fi vanté, Dans fa morale au parnaffe embellie,
que les biens, les feuls biens de la vie, Sont le repos, l'aisance & la fanté.
Il s'eft trompé. Quoi! dans l'heureux partage Des dons du ciel faits à l'humain féjour, Ce trifte Anglais n'a pas compté l'amour ? Qu'il eft à plaindre! il n'est heureux, ni sage.
En lui envoyant les œuvres myftiques de Fénélon.
U AND de la Guyon le charmant directeur Difait au monde, Aimez DIEU pour lui-même, Oubliez-vous dans votre heureuse ardeur, On ne crut point à cet amour extrême: On le traita de chimère & d'erreur. On fe trompait; je connais bien mon cœur; Et c'est ainsi, belle Eglé, qu'il vous aime.
E votre esprit la force est si puissante, Que vous pourriez vous paffer de beauté: De vos attraits la trace eft fi piquante, Que fans efprit vous m'auriez enchanté. Si votre cœur ne fait pas comme on aime, Ces dons charmans font des dons fuperflus; Un fentiment eft cent fois au-deffus Et de l'efprit, & de la beauté même.
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