Que vois-je? ce n'est plus la terre: Dans les régions du tonnerre Je porte mes regards surpris; Un temple brille au sein des nues; Là sur des ailes inconnues J'éleve mes libres esprits.
De l'Eternel vois-je le trône? Les anges, saisis de respect De la splendeur qui l'environne Ne peuvent soutenir l'aspect : Mais quoi! vers ce trône terrible, A tout mortel inaccessible, Dans un char plus brillant que l'or, Par une route de lumiere, Quittant la terrestre carriere, Deux mortels vont prendre l'essor,
Volez, Vertus, et sur vos ailes Enlevez leur char radieux; Jusqu'aux demeures immortelles Portez ces jeunes demi-dieux: Ils vont; la main de la Victoire Les conduit au rang que la Gloire Au ciel dès long-temps leur marqua:, Frappé de cent voix unanimes, L'air porte au loin les noms sublimes Et de Gonzague et de Kostka.
Sur des harpes majestueuses A l'envi les célestes chœurs Chantent les flammes vertueuses Qui consumerent ces beaux cœurs; Leur jeunesse sanctifiée,
La fortune sacrifiée,
Les sceptres foulés sous leurs
Plus héros que ceux de leur race, A l'héroïsme de la grace
Ils consacrerent leurs combats.
Tout le ciel, ému d'alégresse, Chante ces nouveaux habitants; La Religion s'intéresse
A leurs triomphes éclatants; La Vérité leur dresse un trône; La Candeur forme leur couronne De myrtes saints toujours fleuris, Et, dans cette fète charmante, Chaque Vertu retrouve et vante Ses plus fideles favoris.
Qu'offrois-tu, profane Elysée? Des plaisirs sans vivacité, Dont la douceur bientôt usée Ne laissoit qu'une oisiveté ; Vains songes de la poésie ! Le ciel offre à l'ame choisie Un bonheur plus vif, plus constant, Dans les délices éternelles
Qui conservent, toujours nouvelles, Le charme du premier instant.
Là, goûtant de l'amour suprème
Les plus délicieux transports,
Les cœurs, dans le sein de Dieu même... Mais quel bras suspend mes accords? Une secrete violence
Force ici ma lyre au silence;
Tous mes efforts sont superflus : Sous des voiles impénétrables Dieu cache les dons adorables Qui font le bonheur des élus.
Nouveaux saints, ames fortunées, Ce Dieu, l'objet de vos desirs, Abrégea vos tendres années Pour hâter vos sacrés plaisirs : Jaloux d'une plus belle vie, La fleur de vos jours est ravie Sans vous coûter de vains regrets; Vous tombez dans la nuit profonde Trop tôt pour l'ornement du monde, Trop tard encor pour vos souhaits.
Dans les célestes tabernacles Transmis des portes du trépas, Touchez, changez, par vos miracles, Ceux qui n'en reconnoissent pas; Que Dieu, par des lois glorieuses, Change en palmes victorieuses Les cyprès de vos saints tombeaux; Et que vos cendres illustrées, De la foi, morte en nos contrées, Viennent rallumer les flambeaux !
Fiers conquérants, héros profanes, Pendant vos jours dieux adorés, Que peuvent vos coupables mânes? Vos sépulcres sont ignorés : Par le noir abyme engloutie, Votre puissance anéantie N'a pu survivre à votre sort; Taudis que, de leur sépulture, Les saints régissent la nature Et brisent les traits de la mort.
Tout change. Des divins cantiques Je n'entends plus les sons pompeux; Le ciel me voile ses portiques
190 SUR SAINT STANISLAS, etc.
Dans un nuage lumineux.
Tout a disparu comme un songe : Mais ce n'est point un vain mensonge Qui trompe mes sens éblouis; Rome a parlé ; tout doit l'en croire: Son oracle a marqué la gloire De Stanislas et de Louis.
Peuples, dans des fêtes constantes Renouvelez un si beau jour ; Prenez vos lyres éclatantes, Chantres saints du céleste amour; Répétez les chants de louanges Que l'unanime voix des anges Consacre aux nouveaux immortels; Et que, sous ces voùtes sacrées. De fleurs leurs images parées Prennent place sur nos autels.
Jeunes cœurs, troupe aimable et tendre, Formez un nuage d'encens; Deux jeunes saints ont droit d'attendre Vos hommages reconnoissants : A leur héroïque courage L'univers a vu que votre âge, Capable d'illustres travaux, Peut aux enfers livrer la guerre, Etre l'exemple de la terre, Et donner au ciel des héros.
Sur la mort de sa fille, religieuse à A***.
UNE douleur obstinée
Change en nuits vos plus beaux jours; Près d'un tombeau prosternée Voulez-vous pleurer toujours ? Le chagrin qui vous dévore Chaque jour avant l'aurore Réveille vos soins amers; La nuit vient et trouve encore Vos yeux aux larmes ouverts.
Trop justement attendrie, Vous avez dû pour un temps Plaindre une fille chérie Moissonnée en son printemps; Dans ces premieres alarmes La plainte même a des charmes Dont un beau cœur est jaloux; Loin de condamner vos larmes, J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante Dans de mortels déplaisirs; La nature se contente
D'un mois entier de soupirs: Hélas! un chagrin si tendre Sera-t-il su de ta cendre, Ombre encor chere à nos cœurs? Non, tu ne peux nons entendre, Ni répondre à nos clameurs.
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