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Les pénalités de la loi militaire (art. 43) sont la mort ou la maison de correction, et celles de la loi pénale (art. 36 et 37) un minimum de dix ans de maison de correction.

2o Espionnage et trahison en temps de paix.

La matière est également régie par le droit pénal fédéral. L'art. 38 punit le fait de celui qui favorise les intérêts d'un étranger, au préjudice de la Confédération, au moyen de vols, destruction ou falsification de documents, ou au moyen d'autres actions illégales.

Mais ici je pose comme précédemment la question de savoir si l'on devra appliquer la législation fédérale ou la législation cantonale. Je crois que la loi fédérale trouvera son application, toutes les fois que l'intérêt de la Confédération, considérée abstraction faite des intérêts particuliers des cantons qui la composent, sera en jeu; ce sera par exemple le cas d'espionnage de forts; ceux-ci devant servir à toute la Confédération seront protégés par la loi fédérale.

La loi suisse ne connaît malheureusement pas, de l'espionnage proprement dit, consistant dans le fait pour un étranger de se renseigner sur la puissance du pays dans le but de lui nuire. Cela s'explique en raison du caractère neutre de la Suisse.

Théoriquement parlant, elle n'est pas un État militaire; elle devrait s'armer très peu, seulement dans un but de police interne. Mais elle a senti combien étaient vaines les promesses des hommes en général et les arrangements internationaux en particulier. Elle s'est parfaitement rendu compte qu'en cas de guerre européenne, elle pourrait être

le point central de bien des évolutions, le chemin le plus court pour traverser l'Europe dans un certain sens. Elle a compris que l'intérêt est un mobile bien puissant des actions humaines faisant violer les engagements les plus loyaux. Elle s'est dit tout cela, et s'est armée de telle sorte qu'elle pourrait très utilement faire respecter sa neutralité. Elle possède une armée bien disciplinée, entraînée par de fréquentes périodes d'instruction, elle a commencé à édifier tout un système de défense qu'elle est loin d'avoir achevé. Bref, tout en ayant la très ferme volonté de rester en État neutre, et parce qu'elle a cette volonté, elle est devenue une nation sinon militaire, du moins à organisation et à secrets militaires. Du jour ou cela fut — et cela eut lieu postérieurement à la confection de son Code pénal elle sentit le besoin de se protéger contre les indiscrétions. de ses voisins, et elle regrette de n'avoir pas quelques puissantes mesures contre l'espionnage.

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CHAPITRE X

Les principaux projets.

SECTION I

PROJET DE LOI FRANÇAISE.

Avant de l'étudier, je veux donner une rapide énumération des documents parlementaires relatifs à l'espionnage ou à la trahison, telle que je la trouve à la seconde page du rapport de M. Marc Sauzet à la Chambre des députés : 20 octobre 1890 (n° 914), projet de loi (MM. de Freycinet, Barbey et Fallières) abrogeant la loi de 1886.

Même date (n° 917), proposition de MM. Millevoye et Gauthier (de Clagny) augmentant le taux des pénalités de la loi de 1886, surtout en matière d'actes commis par un national.

Même date (n° 924), proposition de M. Paulin Méry, tendant à frapper l'espion de la peine de mort.

13 novembre 1890 (n° 989), rapport de M. Montant au nom de la Commission d'initiative.

18 juin 1891 (n° 1518), proposition de MM. Rousse, Leygues, Antide Boyer, Lagnel, Baulard, Lacôte, tendant à faire relever des conseils de guerre ou des cours d'assises tous les cas d'espionnage et de trahison, à frapper plus sévèrement la trahison que l'espionnage, et à faire toujours relever des conseils de guerre les crimes ou délits contre la sûreté extérieure de l'État.

20 juin 1891 (n° 1517), rapport au nom de la Commission de l'armée, par M. Dreyfus.

26 novembre 1891 (n° 1754), rapport supplémentaire, après accord entre la Commission de l'armée et le Gouvernement sur une rédaction nouvelle.

1er mai 1894 (n° 595), proposition de MM. Gauthier (de Clagny), Deloncle, Marcel Habert, Brincard, reproduisant presque complètement le projet du 26 novembre 1891.

24 décembre 1894 (n° 1112), proposition de M. Julien Goujon tendant à faire perdre la qualité de Français aux espions et aux traîtres.

A la même date (1), au Sénat, M. Morellet et plusieurs de ses collègues ont déposé une proposition (no 61) dont l'article unique porte. « Dans aucun cas, les crimes ou délits

(1) Urgence déclarée le 24 décembre 1894. Commission nommée le 11 janvier 1895. Rapport déposé le 11 juillet 1896 par M. Morellet, rapporteur devant la Commission présidée, par M. Jules Cazot (MM. Maxime Lecomte, secrétaire, Isaac, Clamageran, Monsservin, Pazat, Baduel, de Verminac, membres).

contre la défense nationale, commis soit en temps de guerre, soit en temps de paix, ne seront considérés comme crimes. ou délits politiques

Le 11 janvier 1895 (no 3), proposition de M. Monsservin. tendant à modifier les art. 76, 78, 80, 81 et 82 du Code pénal et l'organisation des circonstances atténuantes pour crimes contre la sûreté extérieure de l'État.

Enfin, nous arrivons au projet de loi voté par la Chambre des députés et pour lequel M. Marc Sauzet a présenté le 26 juin 1896 le rapport que nous allons examiner. M. Morellet, chargé par le Sénat de déposer son rapport sur le même projet de loi ne l'ayant pas encore fait au moment ou j'écris ces lignes, nous devrons nous contenter de résumer celui de M. Marc Sauzet.

Il se propose deux buts principaux :

A) Faire rentrer toutes les dispositions législatives sur notre matière dans le cadre du Code pénal.

B) Réprimer d'une façon distincte trois sortes d'infrac

tions :

a) L'espionnage commis par des étrangers (art. 75-78). 3) La trahison, commise par un national (art. 80). ) Certaines divulgations intentionnelles ou dues à la négligence et commises par des nationaux ou des étrangers (art. 82).

Étudions le projet de loi, ainsi que le commentaire qu'en donne M. Sauzet.

ART. 1o. — « Les art. 75 à 83 du Code pénal sont modifiés ainsi qu'il suit :

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