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tôt qu'ils paraissent, il faut mettre la main à la serpe, pour retrancher de notre conscience toutes les œuvres mortes et superflues. Une fille étrangère, pour épouser un Israélite, devait se dépouiller des insignes de la captivité, se couper les ongles et se raser les cheveux; et l'âme qui aspire à l'honneur d'être épouse du Fils de Dieu doit se dépouiller du vieil homme et se revêtir du nouveau, quittant le péché; puis couper et raser toutes sortes d'empêchements qui détournent de l'amour de Dieu; c'est le commencement de notre santé que d'être purgé de nos humeurs. Cette purgation fut instantanée et parfaite pour saint Paul, comme aussi pour sainte Catherine de Gênes, sainte Madeleine, sainte Pélagie et quelques autres; mais cette sorte de purgation est toute miraculeuse et extraordinaire en la grâce, comme la résurrection des morts en la nature; si bien que nous ne devons pas y prétendre. La purgation et guérison ordinaire, soit des corps, soit des esprits, ne se fait que petit à petit, par degrés, pas à pas, avec peine et patience.

Les anges ont des ailes sur l'échelle de Jacob, mais ils ne volent pas; ils montent et descendent par ordre d'échelon en échelon. L'âme qui monte du péché à la dévotion est comparée à l'aube, qui en s'élevant ne chasse pas les ténèbres instantanément, mais petit à petit; la guérison, dit l'aphorisme, qui se fait

tout bellement, est toujours plus assurée; les maladies du cœur, aussi bien que celles du corps, viennent à cheval et en poste; mais elles s'en revont à pied et au petit pas. Il faut donc être courageuse et patiente, ô Philothée, en cette entreprise. Hélas! quelle pitié est-ce de voir des âmes, lesquelles se voyant sujettes à plusieurs imperfections, après s'être exercées quelque temps en la dévotion, commencent à s'inquiéter, se troubler et se décourager, laissant presque emporter leur cœur à la tentation de tout quitter pour retourner en arrière; mais aussi quel risque ne courent pas ces âmes qui, par une tentation contraire, s'imaginent être guéries de leurs imperfections le premier jour de leur purgation, se tenant pour parfaites presque avant d'être faites, et prétendant voler sans ailes! O Philothée, qu'elles sont en grand péril de rechute pour s'être trop tôt ôtées d'entre les mains du médecin! Ah! ne vous levez pas avant que la lumière soit arrivée, dit le prophète; levez-vous après que vous aurez été assis; et lui-même pratiquant cette leçon, et ayant été déjà lavé et purifié, demande de l'être derechef.

L'exercice de la purgation de l'âme ne peut ni ne doit finir qu'avec notre vie. Ne nous troublons donc point de nos imperfections, car notre perfection consiste à les combattre, et nous ne saurions les combattre sans les

voir, ni les vaincre sans les rencontrer; notre victoire ne consiste pas à ne les sentir point, mais à ne point y consentir.

Mais ce n'est pas y consentir que d'en être incommodé; il faut bien que, pour l'exercice de notre humilité, nous soyons quelquefois blessés en cette bataille spirituelle; néanmoins nous ne sommes jamais vaincus, sinon lorsque nous avons perdu ou la vie ou le courage. Or les imperfections et péchés véniels ne sauraient nous ôter la vie spirituelle: car elle ne se perd que par le péché mortel. La seule chose donc que nous ayons à craindre, c'est qu'elles ne nous fassent perdre le courage. Délivrez-moi, Seigneur, disait David. de la lâcheté et du découragement. C'est une heureuse condition pour nous en cette guerre, que nous soyons toujours vainqueurs, pourvu que nous voulions combattre.

CHAPITRE

VI.

La première

purgation, qui est celle des péchés mortels.

A première purgation qu'il faut faire, c'est celle du péché; le moyen de la faire, c'est le saint sacrement de pénitence; cherchez le plus digne confesseur que vous pourrez, prenez en main un de ces petits livres qui ont été faits pour

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aider les consciences à se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger; lisezles bien, et remarquez de point en point en quoi vous avez offensé Dieu depuis que vous eûtes l'usage de raison, jusqu'à l'heure présente. Et si vous vous défiez de votre mémoire, mettez par écrit ce que vous aurez remarqué; et, ayant ainsi preparé et ramassé les fautes qui souillent votre conscience, détestez-les et les rejetez par une contrition et un déplaisir aussi grands que votre cœur pourra concevoir, considérant ces quatre choses que par le péché vous avez perdu la grâce de Dieu, abandonné vos droits au paradis, accepté les peines éternelles de l'enfer, et renoncé à l'amour éternel de Dieu. Vous voyez bien, Philothée, que je parle d'une confession générale de toute la vie; j'avoue qu'elle n'est pas toujours absolument nécessaire; mais je suis persuadée qu'elle vous sera extrêmement utile en ce commencement; c'est pourquoi je vous la conseille grandement. Il arrive souvent que les confessions ordinaires de ceux qui vivent d'une vie commune et vulgaire sont pleines de grands défauts. Car souvent on ne se prépare point ou fort peu; on n'a point la contrition requise : maintes fois même il arrive que l'on va se confesser avec une volonté tacite de retourner au péché, attendu qu'on ne veut pas éviter l'occasion du péché, ni prendre les moyens

qu'exige l'amendement de la vie; et en tous ces cas la confession générale est requise pour mettre l'âme en sûreté. Mais, outre cela, la confession générale nous appelle à la connaissance de nous-même, nous provoque à une salutaire confusion pour notre vie passée, nous fait admirer la miséricorde de Dieu, qui nous a attendu en patience : elle apaise nos cœurs, délasse nos esprits, excite en nous de bons propos, fournit à notre père spirituel l'occasion de nous donner des avis plus convenables à notre condition, et nous ouvre le cœur pour déclarer aux confessions suivantes nos fautes avec plus de confiance.

Parlant donc d'un renouvellement général de notre cœur et d'une conversion universelle de notre âme à Dieu, par l'entremise de! la vie dévote, j'ai bien raison, ce me semble, Philothée, de vous conseiller cette confession générale.

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CHAPITRE VII. De la seconde purification, qui est celle des affections du péché.

ous les Israélites sortirent en effet de la terre d'Egypte; mais ils n'en sortirent pas tous d'affection. C'est pourquoi dans le désert plusieurs d'entre eux regrettaient les oignons et les

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