ont beaucoup de ressemblance à l'extérieur; mais on reconnaît aisément l'une d'avec l'autre, parce que l'hypocrisie n'a point de durée et se dissipe comme la fumée, en montant; mais la vraie vertu est toujours ferme et constante. Ce ne nous est pas un petit avantage pour bien assurer le commencement de notre dévotion, que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie, car nous évitons par ce moyen le péril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme ceux auxquels le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfants mâles d'Israël, le jour même de leur naissance. Nous sommes crucifiés au monde, et le monde nous doit être crucifié; il nous tient pour fous, tenons-le pour insensé. EEEEEEEEEEEEEEE* CHAPITRE II. bon courage. Qu'il faut avoir A lumière, quoique belle et désirable à nos yeux, les éblouit néanmoins, après qu'ils ont été en des longues ténèbres; et avant que l'on ne se voie apprivoisé avec les habitants de quelque pays, si courtois et gracieux qu'ils soient d'ailleurs, on s'y trouve quelque peu étonné. Il pourra bien arriver, ma chère Philothée, qu'à ce changement de vie, plusieurs soulè vements se fassent en votre intérieur, et que ce grand et général adieu que vous avez dit aux folies et niaiseries du monde vous donne quelque sentiment de tristesse et de découragement; si cela vous arrive, ayez un peu de patience, je vous prie, car ce ne sera rien : ce n'est qu'un peu d'étonnement causé par la nouveauté; passé cela, vous recevrez dix mille consolations. Il vous fâchera peut-être d'abord de quitter la gloire que les fous et les moqueurs vous donnaient en vos vanités, mais, ô Dieu! voudriez-vous bien perdre la gloire éternelle, que Dieu vous donnera en vérité? Les vains amusements et passe-temps auxquels vous avez employé les années passées se représenteront encore à votre cœur, pour l'amorcer et le faire retourner de leur côté; mais auriez-vous bien le courage de renoncer à cette heureuse éternité, pour de si trompeuses légèretés? Croyez-moi, si vous persévérez, vous ne tarderez pas à recevoir des douceurs intimes si délicieuses et si agréables que vous confesserez que le monde n'a que du fiel en comparaison de ce miel; et qu'un seul jour de dévotion vaut mieux que mille années de vie mondaine. Mais vous voyez que la montagne de la perfection chrétienne est extrêmement haute. Eh! mon Dieu! vous dites-vous, comment pourrai-je monter? Courage, Philothée;quand les petits moucherons des abeilles commencent à prendre forme, on les appelle nymphes, et alors ils ne sauraient encore voler sur les fleurs, ni sur les monts, ni sur les collines voisines, pour amasser le miel; mais petit à petit, se nourrissant du miel que leurs mères ont préparé, ces petites nymphes prennent des ailes et se fortifient, en sorte que, par après, ils volent à la quête par tout le paysage. Il est vrai, nous sommes encore de petits moucherons en la dévotion : nous ne saurions monter selon notre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre à la cime de la perfection chrétienne; mais dès que nous commençons à prendre forme par nos désirs et résolutions, les ailes nous commencent à sortir. Il faut donc espérer qu'un jour nous serons des abeilles spirituelles et que nous volerons; en attendant vivons du miel de tant d'enseignements que les anciens dévots nous ont laissés, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme aux colombes, afin que non seulement nous puissions voler au temps de la vie présente, mais aussi nous reposer en l'éternité de la future. CHAPITRE III. De la nature des tentations, et de la différence qu'il y a entre sentir la tentation et y consentir. Maginez-vous, Philothée, une jeune princesse, extrêmement aimée de son époux, et supposez que quelque méchant, voulant la corrompre, lui envoie un infâme messager pour traiter avec elle de son malheureux dessein. Premièrement, ce messager propose à cette princesse l'intention de son maître; secondement, la princesse se complaît ou se déplaît en la proposition et l'embassade; en troisième lieu, ou elle consent, ou elle refuse. Ainsi, Satan, le monde et la chair, voyant une âme unie au Fils de Dieu, lui envoient des tentations et suggestions par lesquelles, 1° le péché lui est proposé; 2o après quoi elle s'y plaît ou elle s'y déplaît; 30 enfin elle consent ou elle refuse; ce qui constitue en somme les trois degrés par lesquels on descend à l'iniquité : la tentation, la délectation et le consentement. Et bien que ces trois actions ne se connaissent pas si manifestement en toute sorte de péché, toujours est-il qu'on les distingue d'une façon palpable dans les grands et énormes péchés. Quand la tentation d'un péché quelconque durerait toute notre vie, elle ne saurait nous rendre désagréables à la divine majesté, pourvu qu'elle ne nous plaise pas et que nous n'y consentions pas. La raison en est qu'en la tentation nous n'agissons pas, mais que nous souffrons; et puisque nous n'y prenons point plaisir, nous ne pouvons pas non plus avoir aucune sorte de faute. Saint Paul souffrit longtemps les tentations de la chair, et tant s'en faut que pour cela il fût désagréable à Dieu, qu'au contraire Dieu était glorifié par elles. La bienheureuse Angèle de Foligno éprouvait des tentations si cruelles, qu'elle fait pitié quand elle les raconte. Grandes furent aussi les tentations que souffrirent saint François, et saint Benoît. lorsque l'un se jeta dans les épines et l'autre dans la neige pour les apaiser; néanmoins ils ne perdirent rien de la grâce de Dieu pour tout cela, mais l'augmentèrent de beaucoup. Il faut donc être fort courageuse, Philothée, parmi les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincue tant qu'elles vous déplairont; observez bien à cet égard cette différence qu'il y a entre sentir et consentir on peut sentir les tentations encore qu'elles nous déplaisent, mais on ne peut y consentir sans qu'elles nous plaisent, puisque le plaisir, d'ordinaire, est le degré qui conduit au consentement. Que donc les ennemis de Intr. 20 |