choisir pour notre méditation ordinaire. Le Sauveur ne s'appelle pas pour rien le pain descendu du ciel; car, comme le pain doit être mangé avec toutes sortes de viandes, aussi le Sauveur doit être médité, considéré et recherché en toutes nos oraisons et actions. Plusieurs auteurs ont disposé et distribué sa vie et sa mort en divers points, pour servir à la méditation, ceux que je vous conseille sont saint Bonaventure, Bellintani, Bruno, Capilla, Grenade, du Pont. Employez-y chaque jour une heure avant le dîner, s'il se peut, au commencement de votre matinée, parce que vous aurez votre esprit moins embarrassé et plus frais après le repos de la nuit. N'y mettez pas plus d'une heure, si votre père spirituel ne le vous dit expressément. Si vous pouvez faire cet exercice dans l'église, et que vous y trouviez assez de tranquillité, ce vous sera une chose fort aisée et commode, parce que ni père, ni mère, ni femme, ni mari, ni personne ne pourra bonnement vous empêcher de demeurer une heure dans l'église; au lieu que dans votre maison vous ne pourrez vous promettre d'avoir une heure aussi franche, à raison de la sujétion où vous êtes. Commencez toutes sortes d'oraisons, soit mentales, soit vocales, par la présence de Dieu; tenez cette règle sans exception, et vous verrez bientôt combien elle vous sera profitable. Si vous me croyez, vous direz votre Pater votre Ave Maria et le Credo en latin; mais vous apprendrez aussi à en bien entendre les paroles en votre langue, afin que les disant au langage commun de l'Eglise, vous puissiez néanmoins savourer le sens admirable et délicieux de ces saintes oraisons. Il faut les réciter en fixant profondément votre pensée, et excitant vos affections sur le sens qu'elles renferment, sans nullement vous hâter pour en dire beaucoup, mais en vous étudiant à dire du fond du coeur ce que vous direz; car un seul Pater dit avec sentiment vaut mieux que plusieurs récités avec précipitation. Le chapelet est une très utile manière de prier, pourvu que vous le sachiez dire comme. il convient; à cet effet prenez un des petits livres qui enseignent la façon de le réciter. Il est bon aussi de dire les litanies de NotreSeigneur, de Notre-Dame et des saints, et toutes les autres prières vocales qui sont dans les Manuels et Heures approuvés; à la condition toutefois, que, si vous avez le don de l'oraison mentale, vous lui gardiez toujours la principale place. Si donc, après l'avoir faite, la multitude des affaires, ou quelque autre raison, vous empêche de faire votre prière vocale, ne vous mettez point en peine pour cela, vous contentant de dire simplement avant ou après la méditation, l'oraison dominicale, la salutation angélique et le symbole des apôtres. Si, faisant l'oraison vocale, vous sentez votre cœur attiré et convié à l'oraison intérieure ou mentale, ne résistez point à cet attrait; mais laissez tout doucement couler votre esprit de ce côté-là, et ne vous souciez point de n'avoir pas achevé les oraisons vocales que vous vous étiez proposées; car la mentale que vous aurez faite en leur place est plus agréable à Dieu et plus utile à votre âme; j'excepte l'office ecclésiastique, si vous êtes obligée de le dire, car, en ce cas-là, il faut vous acquitter de votre devoir. S'il arrivait que toute votre matinée se passât sans cet exercice sacré de l'oraison mentale, soit à cause de la multiplicité des affaires, soit pour toute autre cause, (ce que vous devez empêcher autant qu'il vous sera possible), tâchez de réparer ce défaut l'aprèsdînée, à une heure éloignée du repas, parce que, si vous faisiez l'oraison aussitôt après votre repas et avant que la digestion ne soit fort avancée, il vous arriverait beaucoup d'assoupissements, et votre santé en souffrirait. Que si vous ne pouvez la faire de toute la journée, il faut réparer cette perte, par un plus grand nombre d'oraisons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de dévotion, avec quelque pénitence qui empêche la suite de ce défaut; et avec cela faites une forte résolution de vous remettre en train le jour suivant. CHAPITRE II. - Courte méthode pour la méditation, et premièrement de la présence de Dieu, premier point de la préparation. Ais vous ne savez peut-être pas, Philothée, comme il faut faire l'oraison mentale; car c'est une chose que malheureusement peu de gens connaissent à notre époque; c'est pourquoi je vous présente une simple et courte méthode pour cela, en attendant que, par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont été composés sur ce sujet, et surtout par l'usage, vous puissiez en être plus amplement instruite. Je vous marque premièrement la préparation, laquelle consiste en deux points, dont le premier est de se mettre en la présence de Dieu, et le second d'invoquer son assistance. Or, pour vous mettre en la présence de Dieu, je vous propose quatre principaux moyens, dont vous pourrez vous servir dans les com mencements. Le premier consiste en une vive et attentive appréhension de la toute présence de Dieu, c'est-à-dire que Dieu est en tout et partout, et qu'il n'y a lieu, ni chose en ce } monde, où il ne soit d'une très véritable présence, de sorte que, comme les oiseaux,¦ quelque part qu'ils volent, rencontrent toujours l'air, ainsi, en quelque lieu que nous allions ou que nous soyons, nous trouvons Dieu présent; chacun sait cette vérité, mais chacun n'est pas attentif à la saisir. Les aveugles, ne voyant pas un prince qui leur est présent, ne laissent pas de se tenir en respect, s'ils sont avertis de sa présence; mais la vérité est que, ne le voyant pas, ils oublient aisément qu'il est présent, et l'ayant oublié, ils perdent plus aisément encore le respect et la révérence. Hélas! Philothée, nous ne voyons pas Dieu, qui nous est présent, et, bien que la foi nous avertisse de sa présence, comme nous ne le voyons pas de nos yeux, nous l'oublions bien souvent, et nous nous comportons comme si Dieu était bien loin de nous; car, quoique nous sachions bien qu'il est présent à toutes choses, toujours est-il que n'y pensant point, c'est tout comme si nous ne le savions pas. C'est pourquoi, toujours avant l'oraison, il faut provoquer notre âme à une attentive pensée et considération de la présence de Dieu. David était pénétré de ce sentiment, quand il s'écriait: Si je monte au ciel, ô mon Dieu, vous y êtes; si je descends aux enfers, vous êtes encore. Nous devons aussi faire usage y |