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détourner. Prenez des résolutions telles que les exigent le devoir fédéral, la paix et le bonheur de la Confédération, ainsi que de vos propres cantons. Appartenons comme des frères et des Confédérés à une seule et même alliance! Ce que nous voulons, c'est la légalité, le maintien de la sûreté intérieure de la Confédération et de l'ordre. Fidèles et chers Confédérés, donnez-nous fraternellement la main pour atteindre le but qui nous est prescrit à tous par les devoirs fédéraux que nous avons juré de remplir.

« Que Dieu conserve et protége notre chère patrie! »

Revenons à la mission des représentants fédéraux. Lorsque le Conseil exécutif de Lucerne eut officiellement connaissance de leur envoi, il prit à ce sujet un arrêté longuement motivé. «Les représentants fédéraux, y étaitil dit, seront reçus par l'avoyer au nom du gouvernement; il leur fera connaître que le Grand Conseil a donné à sa députation à la Diète les instructions et les pleinspouvoirs qu'il a jugés convenables pour voter et agir au nom de cet Etat dans les questions fédérales. En conséquence, il ne peut être permis à MM. les représentants d'entrer en rapport direct avec le Conseil exécutif, on ne peut pas non plus convoquer le Grand Conseil ; la distribution de la proclamation est pareillement interdite. Les habitants du canton qui y donneraient les mains seront emprisonnés et livrés à la justice! Cependant, se conformant à un antique usage, le Conseil exécutif ordonna, de plus, de donner à MM. les représentants fédéraux une garde d'honneur et un officier d'ordonnance, ainsi que de leur rendre les honneurs usités. » Ce programme fut fidèlement observé à Schwytz comme à Lucerne, en Valais comme à Fribourg. A Zug les choses se passèrent un peu différemment, comme le député de ce canton l'avait fait pressentir en Diète. MM. Furrer et Sidler furent admis devant la Commission exécutive et lui demandèrent, à teneur de leurs instructions, de faire répandre la proclamation et convoquer le triple land-rath, l'autorité instructionnelle. La Commission exécutive répondit qu'elle avait des pleins-pouvoirs pour agir dans cette affaire et qu'on devait lui communiquer ce qu'on pensait dire au gouvernement. Les représentants insis

tèrent de nouveau sur leur première demande et se retirèrent pour laisser la Commission délibérer en liberté. Lorsqu'ils furent réintroduits, on leur annonça que la Commission voulait connaître d'abord l'essentiel de leurs propositions avant de déclarer si le landrath serait convoqué. Les représentants ne firent aucune difficulté d'expliquer les points essentiels de la proclamation et renouvelèrent leur demande. Ils quittèrent de nouveau la salle, et la Commission décida qu'elle convoquerait le landrath, pourvu qu'ils lui adressassent des propositions écrites sur les concessions que pourrait faire la Confédération ; quant à la proclamation, on n'avait rien à objecter contre sa distribution. Leurs instructions n'ayant pas cette portée, les représentants quittèrent Zug où les libéraux avaient profité de leur présence pour donner essor à leurs sympathies fédérales.

Pendant que les délégués fédéraux s'acquittaient de leur mission qu'on savait d'avance devoir être infructueuse, mais qui avait néanmoins un résultat en ce qu'elle mettait un tort de plus du côté du Sonderbund, la Diète discutait (séance du 21 octobre) la proposition de l'Etat de Zug que nous avons déjà fait connaître. Ses co-Etats déclarèrent qu'ils étaient disposés à accepter cette proposition pour base d'une négociation; Fribourg s'exprima dans cette occasion avec tant de hauteur et la menace dans le regard que cela lui valut une verte réplique de la part du député de Vaud. La plupart des députations de la majorité furent d'avis, avant d'entrer en matière, d'attendre le succès qu'aurait la mission des représentants fédéraux, tout en faisant observer que les propositions étaient peu claires et inacceptables, et que les sept Etats devaient faire des concessions positives. Zurich, Glaris et Soleure proposèrent de conférer avec la députation de Zug. D'autres députations, comme Berne, regrettèrent de ne pouvoir entrer en négociation; Vaud resta en dehors des propositions et des démarches que l'on faisait en ce moment. Zug, s'étant acquitté du mandat qu'il avait reçu, n'insista pas davantage. Lucerne et Schwytz ne voulurent plus entrer en discussion. Dans un tel état de choses, il est facile de prévoir ce que la

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votation allait donner. La proposition de Zug ne fut votéc que par cet Etat avec Bâle-ville et les Rhodes-intérieures. Celle de Bâle-ville, de nommer une commission chargée de traiter avec les cantons de l'alliance séparée, ne réunit que les voix de Bâle-ville, de Zug, de Neuchâtel et des Rhodes-intérieures. Fribourg référa. Les autres Etats du Sonderbund s'abstinrent. De part et d'autre on sentait bien qu'il y avait maintenant un abîme non à combler, mais à franchir, et que la question, à ce point envenimée, ne pouvait être résolue qu'à coups de canon.

La levée de troupes dans les cantons du Sonderbund avait nécessité de pareilles mesures dans des cantons de la majorité. St.-Gall et Berne ayant demandé que les troupes levées fussent placées sous le commandement fédéral, la Diète, dans la même séance, nomma une commission, composée de MM. Rüttimann, Druey et Steiger, pour proposer les chefs de l'état-major fédéral. La mission de cette commission, qui se réunit immédiatement, était très-délicate, vu les ambitions des députés militaires qui aspirait au généralat. Proposer pour commandant en chef M. Frey-Herose, M. Rilliet-Constant ou M. Luvini, par exemple, militaires capables et jouissant d'une grande popularité, n'était-ce pas laisser des ferments de jalousie dans le cœur de ceux qui seraient repoussés par leurs propres collègues? Une autre ambition était forcée de rester sur l'arrière-plan à cause de la précision du règlement militaire fédéral. M. Ochsenbein, rayé de l'état-major fédéral où il avait rang de capitaine pour avoir fait partie de l'expédition des corps-francs en 1845, ne pouvait avoir un commandement dans l'armée fédérale. La commission montra beaucoup de tact dans cette circonstance; elle trouva l'homme de la situation dans le quartier-maître-général de la Confédération, M. Dufour, de Genève, le plus ancien des colonels fédéraux, auquel elle proposa d'adjoindre M. le colonel Frey Herose, député d'Argovie, en qualité de chef d'étatmajor. M. Dufour fut aussi surpris que le public de sa nomination. Après quelques moments d'hésitation, il finit par se soumettre. Le lendemain il annonça à la Diète qu'il acceptait son brevet, en disant: « J'assume, je le

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sais, une immense responsabilité, mais je remplis une obligation d'honneur que tout officier contracte en entrant au service de la Confédération. Ce n'est pas dans un moment comme celui-ci qu'il peut être permis de se retirer. » Quant à M. Ochsenbein, chargé de quatre présidences et de la direction militaire, ce qui faisait sa part assez belle, le gouvernement de son canton lui conféra, quelques jours après, le commandement d'une division de réserve destinée soit à pourvoir à la sûreté du canton de Berne, soit à appuyer les opérations militaires du général de la Confédération. L'arrêté que nous citons textuellement mettait sans plus de façon la solde de ces troupes à la charge de la caisse fédérale. Nous retrouverons cette division federo-cantonale dans les opérations contre Fribourg et Lucerne.

La lenteur avec laquelle procédait la Diète irritait les hommes impatients d'en finir (le nombre s'en accroissait de jour en jour) et ignorant la nature et la quantité des obstacles qui empêchaient une allure plus prompte. La Haute Assemblée paraissait marcher plutôt à la suite des événements que les maîtriser; ceux-ci, en effet se développaient avec une rapidité que déploraient in petto bien des personnes. St.-Gall venait de ressentir encore une fois les atteintes du Sonderbund. Une partie des troupes levées pour aller border la frontière du côté de Schwytz où avaient lieu des démonstrations hostiles, s'était mutinée et le parti ultramontain encourageait activement à la résistance. L'énergie du gouvernement st.-gallois et la promptitude avec laquelle ceux de Zurich et de Thurgovie, dont l'assistance fédérale avait été demandée, firent avancer leurs troupes aux frontières, étouffèrent dans son germe cette folle tentative. Quand la nouvelle en arriva à Berne, la Diète se réunit le dimanche 24 octobre en séance secrète et prit un arrêté ordonnant une mise sur pied de troupes fédérales, arrêté ainsi conçu 1:

C'est au sujet de cet arrêté que M. Amrhyn, de Lucerne, donna sa démission de chancelier fédéral.

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La Diète fédérale,

« Voulant maintenir l'ordre et le rétablir là où il a été troublé, ainsi que sauvegarder les droits de la Confédération;

ARRÊTE :

« 1° Il y aura une mise sur pied de troupes au service de la Confédération.

« 2o Les troupes mises sur pied par les cantons qui n'appartiennent pas à l'alliance séparée (Sonderbund) passent immédiatement au service fédéral.

« 3o Le Conseil fédéral de la guerre est, de plus, chargé de mettre autant de troupes sur pied qu'il le faudra pour que le corps d'armée soit d'environ 50000 hommes; ces troupes sont tenues à la disposition du commandant en chef et seront disloquées d'après ses ordres.

«< 4° Le commissaire des guerres en chef sera immédiatement appelé en activité de service.

« 5o Le Haut Directoire fédéral est chargé de pourvoir aux fonds nécessaires à l'exécution des résolutions qui précèdent, ainsi qu'à l'entretien ultérieur de l'armée.

« 6o L'état-major fédéral sera complété sans retard. « 7° Le commandant en chef portera pendant la mise sur pied des troupes le titre de général.

au

« 8° Le commandant en chef général Dufour est chargé par la Haute Diète de prendre immédiatement le commandement des troupes appelées en activité de service, nombre d'environ 50000 hommes, par les résolutions d'aujourd'hui, de les répartir convenablement, de les employer au rétablissement de l'ordre et de la légalité là où ils ont été troublés, au maintien de la considération de la Confédération et de son indépendance. Dans la répartition des troupes il aura soin de donner à celles-ci des chefs qui méritent leur confiance, et, pour le cas où il n'y aurait pas un nombre suffisant de pareils officiers dans l'état-major fédéral, il cherchera à employer provisoirement des officiers cantonaux, en demandant le préavis des cantons que cela con

cerne.

« Le commandant en chef fera sans retard à la Diète les propositions qu'il jugera convenables pour l'augmentation

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