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cupation, faite en temps utile, aurait eu l'avantage, nonseulement de paralyser les cantons d'Uri et du Valais, mais de les tenir dans l'attente constante d'une invasion. La chose n'ayant pas eu lieu, on est réduit aux conjectures pour en découvrir la cause. Y a-t-il eu oubli d'un côté, non exécution des ordres donnés ou lenteur dans cette exécution de l'autre? N'a-t-on pas voulu par des scrupules hors de saison faire un mouvement offensif avant que l'arrêté du 4 novembre eût été rendu? c'est sur quoi nous nous abstiendrons de prononcer. Quoi qu'il en soit, le Conseil de guerre de la Ligue, moins scrupuleux ou plus habile en cette circonstance, prit les devants. Déjà le 31 octobre il avait fait passer la Fourche à des troupes valaisannes qui appartenaient au Bas-Valais et que, par mesure de précaution, on transférait à Lucerne. Le jour même que la Diète prenait l'arrêté cité plus haut, une colonne d'Uri sous les ordres du conseiller d'Etat Müller, composée d'un bataillon de landwehr et d'une batterie d'artillerie partis dans la soirée du 2 novembre d'Altorf, arrivait à l'hospice du Gotthard dont elle prenait possession, ainsi que des bâtiments adjacents. Une patrouille de quinze hommes qu'accompagnaient trois officiers poussa une reconnaissance sur le territoire tessinois en descendant le revers méridional de la montagne; des volontaires d'Airolo la reçurent vigoureusement et la forcèrent à la retraite après lui avoir tué deux officiers, le lieutenant d'artillerie Balthasar, de Lucerne, fils de l'ancien conseiller d'Etat, et un jeune Arnold, d'Uri, secrétaire à l'état-major du Sonderbund1. Le troisième officier, capitaine Huonder, ne fut pas atteint. La colonne s'était fait précéder d'une proclamation trouvée affichée à la porte de l'église de Mendrisio, datée du jour de la Toussaint et signée Siegwart-Müller, d'après laquelle l'occupation du Gotthard n'avait pour but que de recouvrer les munitions injustement arrêtées à Lugano au sein de la paix publique; on y engageait

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Les Tessinois emportèrent les cadavres de ces officiers et leur donnèrent la sépulture à Airolo. M. Balthasar réclama à Luvini celui de son fils. Lorsqu'on le transporta de Lucerne où il avait été amené à Sursée pour y être inhumé, on lui rendit de grands honneurs militaires.

de plus les Tessinois à déserter la cause de la Confédération. La nouvelle que ceux-ci allaient prendre l'offensive jeta l'alarme dans le canton d'Uri; on sonna le toscin dans le haut de la vallée de la Reuss; le Conseil de guerre expédia un renfort de 240 hommes de la seconde landwehr et l'on fit rétrograder 500 Valaisans prêts à s'embarquer à Fluelen pour Lucerne. Le lendemain 5 novembre, le colonel Müller fit avancer à la pointe du jour deux détachements pour occuper les points dominants, mais l'un deux était déjà dans les mains des Fédéraux. L'après-midi ceux-ci voulurent déloger les avant-postes ennemis, mais le lieutenant Schilling, d'Altorf, vint à leur secours, avec un détachement de carabiniers, et les Fédéraux dùrent se retirer laissant tous les points militaires importants du passage au pouvoir des Sonderbundiens.

La nouvelle de cette attaque imprévue causa une indignation générale dans le Tessin et fit hâter la marche. des troupes déjà levées vers le Gotthard. Trois compagnies du bataillon Vigezzi entraient déjà le 5 à Airoló; les trois autres quittaient Bellinzone avec le bataillon Jauch, et de Lugano partaient le bataillon Casellini, une compagnie de carabiniers et des volontaires. Le colonel Luvini était de sa personne à Bellinzone où le colonel La Nicca se trouvait en qualité d'officier du génie, et le brigadier Pioda s'était rendu à Faido pour diriger les opérations. Si les troupes des Grisons s'étaient trouvées alors en mesure de franchir les passages par lesquels on pénètre de ce canton sur le massif du Gotthard, la colonne sonderbundienne aurait été prise entre deux feux et ses débris auraient eu grand'peine à se réfugier en Valais. Mais un concours de circonstances, qui sont loin de toutes se justifier, empêcha cette diversion importante que la saison finit par rendre impossible. Les Glaronais, mieux en mesure, firent garder les passages du côté des vallées de la Muotta et du Schächen où s'étaient montrées des patrouilles de Schwytzois et d'Uriens.

Les escarmouches continuèrent les jours suivants. Le 8 l'engagement fut plus sérieux. Suivant la version fédérale, les Sonderbundiens, provoqués par un détachement de carabiniers tessinois, descendirent de l'hospice et at

taquèrent le principal avant-poste que commandait le major Pioda et qui tint ferme. Informé de cette attaque, le colonel Pioda envoya en renfort trois compagnies du bataillon Vigezzi. La fusillade commença et dura jusqu'à la nuit. Vers le soir les Sonderbundiens firent avancer des canons et des obusiers. L'apparition inattendue de l'artillerie jeta pour quelques instants du trouble dans les rangs des jeunes soldats tessinois; mais le colonel et d'autres chefs les eurent bientôt reformés. Sur ces entrefaites la nuit était venue. L'artillerie n'atteignit personne. La vue des obus qui tombaient et éclataient dans le val Bedretto, amusait plus qu'elle n'effrayait '; l'avant-poste du val Tremola maintint sa position pendant toute la nuit. Lorsqu'on alla en reconnaissance, le 9 de grand matin, on trouva abandonnée la maison de refuge en-dessus du val Tremola; les Sonderbundiens s'étaient retirés à l'hospice, et la retraite avait dû être assez précipitée, car on trouva dans cette maison de refuge de la viande salée, du fromage, des effets militaires et un sceau représentant deux mains enlacées avec la devise: Dieu est avec nous.

D'après la version sonderbundienne, les Fédéraux, au nombre d'environ 1000 hommes, attaquèrent les premiers; le combat dura toute la journée et finit par tourner à leur désavantage; leurs adversaires, renforcés par la première landwehr qui avait été rappelée le samedi soir de Lucerne, les poursuivirent pendant deux lieues et seraient peut-être entrés à Airolo avec eux si la nuit n'était pas venue. Les vainqueurs trouvèrent à leur retour des schakos, une quarantaine de havresacs, dix fusils, un tambour et une quantité d'effets militaires. La maison de refuge, remplie de provisions, fut canonnée et un boulet suffit pour la faire évacuer. Personne ne fut blessé; M. Müller reçut seul une balle morte dans la jambe, preuve éclatante de la protection divine au dire du correspondant de la Feuille populaire de Schwytz. Mais ces succès, plus ou moins problématiques, ne

Le Républicain de la Suisse italienne avoue cependant que les volontaires d'Airolo se dispersèrent, non assuefatti alla gran`musica del

cannone.

tranquillisaient pas toujours les populations de la vallée de la Reuss et n'empêchaient pas aux bruits inquiétants de circuler. Le 12 tout le monde fut en émoi. Plusieurs citoyens du Schächenthal étaient venus apporter à Altorf la nouvelle que des troupes glaronnaises et zuricoises, fortes d'environ 1500 hommes, étaient dans le Linththal et voulaient franchir le Klausen. Le Conseil de guerre, assemblé dans la nuit, invita Schwytz à surveiller la frontière de Glaris et demanda des secours à Nidwald et à Lucerne qui s'empressèrent d'en envoyer. Le samedi matin arrivèrent deux compagnies de carabiniers de Lucerne, dont l'une de volontaires et deux compagnies de fusiliers de la seconde landwehr d'Unterwald; celles-ci partirent pour le Gotthard afin d'occuper l'Oberalp, frontière des Grisons. Des détachements du landsturm d'Uri se rendirent dans le Schächenthal.

Les troupes sonderbundiennes, accrues par de nouveaux renforts, firent le 17 une tentative qui leur réussit mieux que les précédentes. Favorisées par un épais brouillard, elles descendirent en trois colonnes la montagne, celle de droite par le val Ronco, celle de gauche par le val Canaria, et celle du centre par la grande route pour attaquer de front Airolo. On ne les aperçut que lorsqu'elles couronnaient les hauteurs qui entourent cette localité. Quoique la position fût sur-le-champ reconnue intenable, les Tessinois se hâtèrent de se mettre en défense. Le combat, d'abord général, fut soutenu principalement par des carabiniers et une pièce de canon, et finit par dégénérer en engagements particuliers qui durèrent plusieurs heures. Les bataillons, composés de jeunes gens et encore peu aguerris, se débandèrent sous le feu d'un ennemi mieux discipliné et favorisé par le terrain. La fuite devint, malgré les efforts des officiers, une déroute complète. Le capitaine Veladini sauva avec ses artilleurs sa pièce de canon, en se frayant un passage à travers les Sonderbundiens déjà entrés à Airolo. Ceuxci firent des prisonniers et beaucoup de butin . Le lendemain, la colonne victorieuse, après avoir laissé une

▲ La lettre du Conseil d'Etat du Tessin au Vorort, du 18, parle de grandes pertes.

garnison suffisante à Airolo, pénétra dans la Lévantine; mais, les Tessinois s'étant ralliés depuis la veille, elle rencontra une vigoureuse résistance jusqu'à Dazio Grande où elle n'arriva qu'au bout de cinq heures d'un combat acharné; du moins c'est ce que rapporte le correspondant cité plus haut. La magnifique position de Dazio - Grande perdue, les Tessinois se retirèrent sans coup férir jusqu'à Bellinzone, derrière la ligne de la Mosa. Les Sonderbundiens poussèrent plus tard leurs avant-postes jusqu'à Osogna, à environ trois lieues de Bellinzone, invitant par une proclamation les habitants à rentrer dans leurs foyers.

A la nouvelle de cette défaite qui ternissait momentanément la gloire militaire du Tessin, le gouvernement de ce canton déclara celui-ci en état de siége, appela le peuple sous les armes, requit l'assistance fédérale des Grisons et informa sur-le-champ le Vorort de ce qui venait de se passer. Une commission militaire extraordinaire, présidée par le colonel Rusca, fut nommée, et l'on nomma commandant de la landwehr M. Battaglini. Celui-ci fit un appel au peuple tessinois, l'invitant à se réunir à Lugano et à verser son sang pour la patrie. Pendant que les volontaires accouraient à Bellinzone et y étaient rejoints par des carabiniers des vallées grisonnes de Misox et de Calanca, Battaglini s'avançait avec la landwehr sur Taverne et Bironico, et Grisons expédiait enfin ses bataillons dont estafette sur estafette demandait d'accélérer la marche. Le bataillon Michel, parti le 19 d'llanz pour Thusis, se trouvait le 20 à Hinterrhein et le 21 à Misox. Les estafettes se succédant, il se mit en marche à une heure du matin. Dans cet instant un coup de feu partit en-dessus de Misox et l'on vit bientôt après ́un feu briller dans l'éloignement. C'était un signal annonçant aux Uriens que les Grisons avançaient. Les premiers, supposant que le bataillon Buchli avait pris la direction du val Blenio et craignant d'être coupés, replièrent leurs avant-postes et se retirèrent jusqu'à Faido. A peine arrivés dans la soirée à Bellinzone, le colonel Michel reçut un billet du conseiller d'Etat Franscini qui l'informait de l'approche de l'ennemi ; il fit aussitôt bat

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