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des sept cantons, tenue à Brunnen, le 27 juin 1847, protocole trouvé en Valais:

« M le président (Siegwart) lit une lettre de l'envoyé autrichien, M. le baron de Kaisersfeld, datée de Zurich, 16 juin, annonçant que Sa Majesté l'empereur, sur l'intercession de MM. landammann V. Müller et chancelier B. Meyer a accordé aux petits cantons, et en particulier à Schwytz, un don de 3000 fusils des arsenaux de la Lombardie, et qu'il a ordonné à M. le comte feld-maréchal Radetzki de pourvoir au nécessaire.

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<< Dans le tour de discussion on a généralement manifesté le plaisir qu'a fait éprouver cette marque distinguée de la bienveillance de Sa Majesté, et on décide que le Conseil fera exprimer au gouvernement impérial et royal, par l'entremise de Son Excellence M. de Kaisersfeld, sa reconnaissance pour ce don généreux, et M. le président est prié de faire ce qui est convenable. On remercie ensuite MM. les députés à Vienne et mention est faite au protocole. De plus, on prie par écrit M. le lieutenant-colonel Aloys de Reding, présentement à Lucerne, de se rendre le plus tôt possible à Milan et de s'entendre quant aux armes avec S. E. M. de Radetzki, mais il ira d'abord à Zurich pour prendre, chez M. de Kaisersfeld, les directions et pleins-pouvoirs nécessaires. Quant à la répartition de ces armes, on émet le vœu que les députés d'Uri, Schwytz, les deux Unterwald et de Zug s'entendent, en ayant particulièrement égard au haut Etat de Schwytz; dans le cas contraire, le Conseil de. guerre se réserve de faire de son chef cette répartition.

« On agite ensuite la question s'il ne serait pas dans l'intérêt de la bonne cause d'ouvrir et d'entretenir des relations avec les cantons dans lesquels de grands partis rendent hommage à nos principes. M. le landammann Abyberg renverrait cette idée à l'examen approfondi de M. le président, en le priant de se consulter avec le président de l'Association catholique, chez lequel on a également traité cet objet. « On décide à cet égard qu'en approuvant cette dernière proposition tous les membres du Conseil de guerre sont priés, de plus, de s'entendre à ce sujet, dans leurs cantons respectifs, avec de bons amis intimes, afin qu'ils ouvrent des relations de ce genre; rapport sur le résultat de leurs efforts sera fait à M. le président. »

1 Ces Messieurs avaient fait partie de la conférence postale de Vienne au printemps 1847.

Cependant, dans le sein même du Sonderbund, les meneurs rencontraient de temps en temps quelques symptômes d'opposition. Une politique, poussée au dernier degré de la démence, effrayait bien du monde. Vers la fin de 1846, il circulait dans le canton de Lucerne une pétition parmi les Rouges (conservateurs), demandant l'éloignement des Jésuites, et en janvier 1847 on demandait dans le même canton que la question du Sonderbund passât à l'épreuve du veto. Dans les autres cantons de la Ligue, l'esprit public trouvait encore le moyen de se produire. Le district d'Urseren ne partageait pas entièrement les vues du district d'Uri, car il avait manifesté son opposition en appelant aux fonctions de président M. Nager, qui, à la landsgemeinde, s'était publiquement prononcé contre les Jésuites. A la conférence de Brunnen, du 21 juin, où l'on avait déployé un certain appareil, le député de Zug avait parlé de neutralité pour son canton, où le parti libéral présentait une minorité dont on ne pouvait faire abstraction complètement, quoiqu'elle eut été vaincue aux élections du printemps. En Valais, la division régnait dans le sein même du gouvernement, et dans ce canton, le parti libéral, bien que dompté, n'était pas entièrement vaincu. A Schwytz, les libéraux remplissaient bien les devoirs militaires imposés à toute la population, mais ils le faisaient pour se soustraire, comme ailleurs, à l'amende et à la prison. Mais ces éléments d'opposition et de résistance, isolés, affaiblis, comprimés, ne pouvaient empêcher le Sonderbund de marcher à sa ruine.

LE PARTI CONSERVATEUR.

Si la Ligue séparée avait eu la conviction intime qu'au moment décisif elle serait livrée à ses propres forces, les faits que nous venons de raconter n'auraient pas existé. Tout fanatisés qu'ils fussent eux-mêmes, les chefs n'avaient cependant pas perdu le sens au point de croire que, dans le cas d'un conflit avec la Suisse libérale, la victoire se prononcerait en leur faveur. Déjà au point de vue géographique les cantons ligués ne formaient pas

un tout compact; il y avait d'une part, Lucerne avec les petits cantons, n'ayant avec le Valais qu'une communication difficile; de l'autre, Fribourg pressé entre ses puissants voisins de Vaud et de Berne. La possibilité d'une jonction de forces militaires n'était qu'une chimère; et, à supposer qu'une pareille jonction pût s'opérer, elle aurait été un embarras de plus pour le canton où elle se serait faite, attendu la difficulté de nourrir ce surcroît de population, surtout après une année de disette dont les effets se faisaient encore vivement sentir. Sans doute que des travaux de fortification considérables défendaient l'approche des points spécialement menacés, Fribourg et Lucerne; que les routes qui conduisent à ces chefs- lieux étaient rendues impraticables par des abattis et des tranchées; que les ponts principaux, comme celui de Gislikon pouvaient être défendus, cas échéant, avec avantage; que des approvisionnements en munitions de guerre touchaient au fabuleux si l'on songe aux ressources bornées dont ces cantons pouvaient disposer; que le landsturm, organisé et fanatisé, n'était pas à dédaigner; que des souvenirs impérissables de gloire se rattachaient à la Suisse primitive où de fortes positions militaires se rencontrent pour ainsi dire à chaque pas ; mais, malgré toutes ces chances favorables, pouvait-on se dissimuler la vérité, la réalité, c'est que la résistance armée, en présence des forces formidables qu'on avait à lui opposer, était une folie, à moins qu'on n'eût des espérances positives du dehors.

Il faut le dire avec douleur, le Sonderbund comptait de nombreux adhérens dans le reste de la Suisse, ainsi qu'à l'étranger. En se constituant, il était devenu l'espoir de tous les ennemis de la démocratie; c'était leur point d'appui; avec lui ils s'imaginaient reprendre la direction des affaires publiques là où ils l'avaient perdue et la conserver là où ils l'avaient encore. On comprend encore que, dans les cantons catholiques ou mixtes en dehors de la Ligue, celle-ci comptât de chauds partisans prêts à la soutenir de tout leur pouvoir; mais ce qui est plus difficile à comprendre, c'est que, dans les cantons protestants, elle ait trouvé tant de défenseurs. Malheureusement les,

preuves de l'alliance monstrueuse entre l'ultramontanismeet le parti conservateur protestant sont trop nombreuses pour qu'il puisse rester le moindre doute à cet égard.

Jamais concert plus admirable n'a autant existé que entre les organes des uns et des autres. La Gazette fédérale de Zurich, la Gazette de Bâle, la Gazette populaire de Berne, le Fédéral de Genève, le Courrier Suisse et l'Indépendant de Lausanne, etc., etc., étaient aussi actifs à défendre la cause du Sonderbund dans leurs colonnes que la Gazette de la Suisse catholique de Lucerne, la Feuille populaire de Schwytz, l'Union de Fribourg ou la Gazette du Simplon. A ce concert joignaient leurs voix les journaux réactionnaires étrangers. Avec une émulation digne d'une meilleure cause, les journaux conservateurs protestants, par leur manière entr'autres de présenter les faits qui se passaient dans leurs cantons respectifs, faisaient croire à leurs alliés qu'on n'attendait qu'une occasion favorable pour se débarrasser des gouvernements radicaux, qu'une mise sur pied de troupes fédérales serait très-difficile, sinon impossible, etc., et les journaux de la Ligue, qui avaient encore leurs correspondants particuliers, reproduisaient ces articles mensongers, se berçant ainsi l'imagination de rêves dorés. Mais ces lances que le Courrier Suisse et autres rompaient en faveur du Sonderbund, cette polémique passionnée à laquelle on se livrait, ces espérances de secours qu'on laissait entrevoir dans le lointain ne satisfaisaient pas toujours à Lucerne. Le journal de Siegwart gourmandait parfois ses amis de la Suisse protestante, et leur demandait autre chose que des articles de journaux.

Tandis que la presse conservatrice défendait dans la cause du Sonderbund la sienne, d'autres manifestations émanaient du parti conservateur, on avait vu, par exemple, ceux de Zurich célébrer par un feu de joie sur l'Albis l'insuccès de la révolution de Fribourg de janvier 1847, et ceux de Lausanne la célébrer par un banquet dans leur cercle de Lucerne. Les élections de St.-Gall avaient aussi fait voir de quel côté penchaient les sympathies politiques des défenseurs prétendus de la foi protestante. Ainsi que nous le verrons plus tard, l'amitié pour le Sonderbund se traduisit d'une manière plus significative.

L'INTERVENTION ÉTRANGÈRE.

Placée au centre de l'Europe, maîtresse du cœur des Alpes et du cours supérieur des fleuves qui y prennent leur source, la Suisse, dotée encore d'institutions démocratiques, a toujours été vue d'un œil d'envie par l'étranger. Elle a pris rang, il y a précisément deux siècles, parmi les nations indépendantes de l'Europe, ne pouvant devenir la proie exclusive de l'un de ses voisins. Son existence est garantie à condition qu'elle ne prenne aucune part active dans les grandes luttes européennes ; c'est ce qu'on appelle sa neutralité. Comme on l'accuse d'avoir en sa possession l'outre des tempêtes révolutionnaires, la diplomatie la surveille de près, l'enlace de ses formes cauteleuses, et, qu'une occasion bonne ou mauvaise se présente, se permet des conseils ou des menaces qui blessent également sa fierté républicaine.

Redire tout ce que la diplomatie a fait ou voulu faire en Suisse, surtout depuis 1830, nous forcerait à sortir des limites que le but de cet ouvrage nous impose. Personne n'a oublié, par exemple, ni l'affaire des réfugiés étrangers, ni l'espion français Conseil, ni le prince LouisNapoléon. Hostile par nature et par position aux institutions démocratiques, la diplomatie n'en voyait qu'avec anxiété et dépit le développement en Suisse. Chaque révolution cantonale dans le sens du progrès la mettait en émoi, tandis qu'elle saluait avec joie les mouvements rétrogrades. Il n'y a donc nullement lieu s'étonner si l'apparition du Sonderbund fut pour elle un heureux événement, mais ce dont il faut s'étonner, c'est que le Sonderbund ait invoqué l'intervention étrangère.

Parmi les plus actifs des diplomates étrangers nous trouvons ceux de la France et de l'Autriche; la Prusse se met moins en relief, car elle a voix en Diète par l'intermédiaire de Neuchâtel. Les chances pour l'arrêté de dissolution du Sonderbund paraissant s'augmenter, surtout depuis la révolution de Genève qu'on croyait alors

Ade

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